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Décisions

Cass. com., 3 avril 2001, n° 98-16.070

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rennes, 2e ch. civ., du 11 mars 1998

11 mars 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 mars 1998), que l'EURL A... Diskuiz (l'EURL) dont le gérant et l'associé unique est M. X... et qui exploitait une maison de retraite a fait l'objet d'une mesure d'administration provisoire accomplie par M. Z... qui a déclaré la cessation des paiements ; que par jugement du 4 mars 1997, le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EURL et par un second jugement rendu le même jour, il a étendu cette procédure à la SARL X... (SARL), propriétaire de l'immeuble dans lequel était exploitée la maison de retraite, dont le gérant est M. X... et qui effectuait des prestations de restauration pour le compte de l'EURL ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que l'EURL fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la cessation de ses paiements et ouvert une procédure de redressement judiciaire alors, selon le moyen :

1°) que l'état de cessation de paiements est caractérisé par l'impossibilité de faire face avec l'actif disponible au passif exigible ; qu'en l'espèce, en admettant l'hypothèse selon laquelle le paiement de la somme de 228 298 francs était établi au 16 janvier 1997, la cour d'appel ne pouvait refuser d'en tirer toute conséquence juridique sur l'état du passif exigible et l'état de cessation des paiements à la date des débats, au prétexte que si cette somme a été payée cela réduisait d'autant les disponibilités bancaires de l'EURL ; qu'en statuant de la sorte, sans caractériser la nature et les composantes de l'actif disponible au 25 février 1997, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard des articles 2 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) qu'à l'appui de son argumentation d'appel, l'EURL avait justifié par la production d'un courrier adressé le 13 février 1997 par la SARL à M. Z... et par un relevé de compte bancaire que la somme de 228 298 francs avait été virée par elle sur le compte de la SARL le 16 janvier 1997 ; qu'en déclarant dès lors qu'elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la somme de 235 629,46 francs expressément réclamée par l'une à l'autre au mois de janvier 1997 aurait été payée à hauteur de celle de 228 298 francs au 16 janvier 1997 la cour d'appel a dénaturé les termes du débat et violé les articles 4,7,12 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) que ni la lettre recommandée en date du 13 février 1997 par laquelle la SARL met en demeure M. Z..., avant de saisir toute juridiction compétente, de payer notamment la somme de 254 897 francs pour le mois de février 1997, ni la "facturation février 1997" mentionnant "loyer février 1997 pour 97 381 francs" ne précisent que le loyer était payable d'avance le premier de chaque mois ; qu'en affirmant le contraire la cour d'appel a dénaturé les pièces susvisées ;

4°) que le simple envoi le 1er février 1997 d'une facturation "février 1997" mentionnant le poste loyer février 1997, sans mention de la date d'exigibilité du montant à payer, ne suffit pas à établir que le loyer était payable d'avance le 1er de chaque mois, qu'en ne vérifiant pas les termes des accords contractuels liant la SARL à l'EURL la cour d'appel a entaché sa décision de manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que sans dénaturation, la cour d'appel a apprécié souverainement les éléments de preuve contradictoires concernant le paiement par l'EURL à la SARL de la somme de 228 298 francs et le fait que le loyer de février 1997 compris dans la facture adressée en vue de son paiement par l'EURL était payable d'avance chaque mois et constituait un passif exigible ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que l'EURL était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible qui était de 905 597,46 francs avec son actif disponible qui était de 629 456 francs et que même en admettant que l'EURL se soit acquittée de la somme de 228 298 francs au 16 janvier 1997, ce paiement aurait diminué d'autant les disponibilités ; qu'ayant ainsi caractérisé la cessation des paiements, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SARL fait grief à l'arrêt de lui avoir étendu la procédure de redressement judiciaire de l'EURL alors, selon le moyen :

1°) que la confusion des patrimoines exige l'imbrication des éléments d'actif et de passif ; ne caractérise pas la confusion des patrimoines la cour d'appel qui se borne à relever que les deux sociétés en cause ont le même gérant, deux activités complémentaires, l'existence de relations commerciales constantes, la centralisation de la gestion, le paiement des cotisations de leur gérant, et qui retient la croyance, l'ignorance des tiers ou du personnel, pour étendre à la SARL le redressement judiciaire de l'EURL ; que l'arrêt manque de base légale au regard des articles 2 et 3 de la loi du 25 janvier 1985, 1832 et 2093 du Code civil ;

2°) que l'état de cessation des paiements est caractérisé par l'impossibilité de faire face au passif exigible par l'actif disponible et s'apprécie au jour où la juridiction statue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui se borne à énoncer que l'expert comptable avait dit que la SARL était déficitaire, que l'administrateur affirmait que la situation était négative au 31 décembre 1995 et qu'il n'est pas produit le bilan au 31 décembre 1996, n'a pas caractérisé l'état de cessation des paiements au jour où elle a statué ; que l'arrêt manque de base légale au regard des articles 2 et 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que la trésorerie des deux sociétés était gérée en commun, que les paiements étaient faits indifféremment par l'EURL ou la SARL suivant l'état de leur situation financière, les documents et factures étant adressés à M. X... ou à la maison de retraite, sans qu'il soit possible de savoir quelle société en était destinataire, que M. X... s'est montré incapable de faire la ventilation des opérations entre les deux entreprises, que la SARL a fait des avances sans contrepartie à l'EURL, que le personnel employé par la SARL travaillait exclusivement pour l'EURL ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, retenant la confusion des patrimoines en raison de l'imbrication des comptes des deux sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que pour étendre la procédure collective ouverte à l'égard d'une personne à une autre personne, les juges du fond n'ont pas à constater la cessation des paiements de la personne à laquelle la procédure est étendue ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.