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Décisions

Cass. com., 17 février 2009, n° 07-21.388

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Bertrand, Me Foussard

Paris, du 11 oct. 2007

11 octobre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X... étaient redevables solidairement envers les trésoriers des impôts des sommes respectives de 1 203 683 euros et 5 895 632 euros pour n'avoir pas acquitté l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour les années 1991 à 1998 ; que Mme X... a éludé depuis le 1er janvier 1999, dans le cadre de sa profession d'avocate, le paiement de la TVA perçue auprès de ses clients et non reversée par elle ; qu'elle a été taxée d'office en 1999 (96 250,06 euros), en 2000 (147 270,32 euros) et pour la période de décembre 2001 à juillet 2006 (152 318,41 euros) ; que la créance du comptable du Trésor a été authentifiée par l'émission de quarante-trois avis de mise en recouvrement constituant des titres exécutoires ; que, par acte du 23 juin 2006, le comptable des impôts de Paris 1er arrondissement a assigné Mme X... aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son égard ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le moyen tiré de la nullité de l'assignation, alors, selon le moyen :

1°/ que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief ; que le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents par arrêté du ministre chargé du budget ; que dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir qu'à la date de l'assignation du 23 juin 2006, le "comptable de la Direction générale des impôts de Paris 1er, chargé du recouvrement", auteur de cette assignation, n'existait plus depuis un arrêté du 21 mars 2006, publié au Journal officiel du 13 mai 2006, qui avait réorganisé les services concernés et avait créé la fonction nouvelle de "chef du service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 1er" ; qu'en écartant le moyen tiré de la nullité de l'assignation du 23 juin 2006, au motif que cet acte n'était entaché que d'une simple irrégularité de forme ne lui ayant causé aucun grief, quand l'assignation délivrée par un requérant n'ayant plus d'existence légale est entachée d'une irrégularité de fond et encourt la nullité même en l'absence de grief, la cour d'appel a violé les articles 117 et 119 du code de procédure civile, outre l'article L. 252 du code des procédures fiscales ;

2°/ que ne peut être couverte l'irrégularité d'une procédure tenant à l'inexistence de la personne qui agit en justice ; qu'en estimant que l'inexistence du "comptable de la Direction générale des impôts de Paris 1er, chargé du recouvrement" avait pu être régularisée avant que les premiers juges statuent, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que l'arrêté du 23 mars 2006, publié au Journal officiel du 3 mai 2006 a simplement changé la dénomination des comptables chargés du recouvrement des impôts sans faire cesser la fonction ; que l'erreur dans l'indication du nom du demandeur n'était qu'une irrégularité de forme qui a été régularisée avant que les premiers juges statuent ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de sursis à statuer sur la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son égard, alors, selon le moyen, que lorsqu'est posée une question préjudicielle qui n'a pas été tranchée par une décision définitive de la juridiction administrative, le juge judiciaire doit surseoir à statuer jusqu'à ce que cette décision définitive soit rendue ; qu'en refusant de surseoir à statuer sur l'ouverture de la procédure collective jusqu'à ce que le juge administratif ait statué, par une décision définitive, sur les contestations formées contre les créances du Trésor public, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les époux X... sont solidairement redevables, au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, de 7 099 315 euros, que Mme X... a éludé le paiement de la TVA depuis le 1er janvier 1999, que quarante-trois avis de mise en recouvrement ont authentifié la créance fiscale pour un montant total de 441 986,24 euros émis, en matière de TVA à partir des déclarations mensuelles établies par Mme X... et qu'en l'état de la procédure deux de ses requêtes ont été jugées irrecevables ; qu'il retient que les créances du Trésor public sont exigibles en l'absence de décisions de sursis ; qu'ayant ainsi établi le manque de sérieux de la question préjudicielle, la cour d'appel a justement rejeté la demande de sursis à statuer ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le juge judiciaire était incompétent au profit du juge administratif pour statuer sur la demande en dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître d'un conflit entre un redevable et l'administration fiscale en tant qu'il porte sur la contestation d'avis à tiers détenteur ; qu'en décidant que le juge judiciaire n'avait pas compétence pour statuer sur sa demande tendant à la réparation du préjudice causé par les fautes commises par l'administration fiscale dans la délivrance des avis à tiers détendeur, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III ;

Mais attendu que les juges du fond n'étaient pas saisis par Mme X... de la contestation d'un avis à tiers détenteur ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 631-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que pour confirmer la mise en liquidation judiciaire de Mme X..., l'arrêt retient que les créances du Trésor public au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de la TVA sont exigibles, que la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts à hauteur de 7 130 000 euros est irrecevable, que les premiers juges ont déjà relevé le refus de Mme X... de se soumettre à l'enquête ordonnée avant dire droit pour connaître sa situation économique et financière et qu'il est en toute hypothèse démontré, eu égard à l'importance du passif exigible et exigé que Mme X... est en état de cessation des paiements ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que Mme X... se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit Mme X... irrecevable en son appel du jugement du 12 octobre 2006 et de la décision rendue le 19 décembre 2006 de réouverture des débats et dit recevable l'intervention de la Caisse nationale des barreaux français, l'arrêt rendu le 11 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.