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Décisions

Cass. com., 27 octobre 1998, n° 96-21.793

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

M. Badi

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Ryziger et Bouzidi, SCP Defrénois et Levis

Douai, 2e ch. civ., du 12 sept. 1996

12 septembre 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 septembre 1996), que la société Tam, mise en liquidation judiciaire et dont la date de cessation des paiements a été reportée au 9 janvier 1991, a vendu, pendant la période suspecte, un fonds de commerce et un stock de meubles à la société Mobilier européen (la société), ainsi que des aménagements à la société européenne d'Investissement (société Sedi) ; que ces deux dernières ayant opéré une compensation entre leur dette et leurs propres créances à l'égard de la société Tam, le liquidateur de celle-ci les a assignées en nullité des paiements par compensations et en paiement d'une certaine somme sur le fondement de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société et la société Sedi font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déclarant nul le paiement par compensation invoqué par elles, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si sont nuls de plein droit les paiements pour dettes échues, effectués autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi du 2 janvier 1981 ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires, la compensation n'est pas en soi un mode de paiement anormal de telle sorte que la décision attaquée ne pouvait annuler, sur le fondement de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, sans violer ce texte, les paiements effectués par compensation par le seul motif qu'il s'agirait d'un mode non ordinaire de paiement en prériode suspecte, sans avoir indiqué en quoi le paiement était anormal ; alors, d'autre part, qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il résulte de la combinaison des articles 33 et 37, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985 que l'interdiction de payer après le jugement ouvrant une procédure collective ne fait pas obstacle à ce que la compensation s'opère entre dettes connexes ; que dès lors, en considérant comme nuls de plein droit des paiements par compensation effectués pendant la période suspecte, la décision attaquée a violé l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 33 et 37 de ladite loi ; et alors, enfin, qu'en affirmant qu'il n'y avait pas connexité entre la créance de la société Sedi envers la société Tam et les créances réciproques de la société et de la société Tam, sans motiver autrement leur décision et sans expliquer pourquoi les crénces n'étaient pas connexes, les juges du fond n'ont pas suffisamment motivé leur décision et par là-même violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui était saisie, sur le fondement de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, du seul point de savoir si, en recevant de la société Tam un paiement par compensation, la société et la société Sedi avaient connaissance de l'état de cessation des paiements de cette société, n'avait pas à se prononcer sur la nullité de plein droit des paiements prévus à l'article 107-4 de ladite loi et sur la connexité des créances respectives des parties ; que le moyen est inopérant en ses trois branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société et la société Sedi font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que des paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ; que les juges du fond qui ont l'obligation de motiver leur décision de façon précise doivent établir que le demandeur en nullité a rapporté la preuve d'une connaissance de la cessation des paiements et non de simples difficultés fussent-elles graves ; qu'en l'apèce actuelle, les juges du fond qui ont constaté que la société et la société Sedi n'arrivaient pas à se faire payer et qu'elles ont reconnu qu'elles savaient que depuis qu'elle avait acquis le stock Sifiesam, la société Tam éprouvait de sérieuses difficultés et ne pouvait tenir ses engagement, ont simplement constaté l'existence de la connaissance par les premières sociétés de sérieuses difficultés ; que la cour d'appel ne pouvait légalement déduire qu'elles savaient donc que la société Tam était en cessation des paiements ; et alors, d'autre part, que toute décision doit être motivée et que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs ; que la décision attaquée est pour le moins insuffisamment motivée quant à la connaissance de l'état de cessation des paiements, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir, dans l'exercice de son pouvoir souverain, retenu, par une décision motivée, que la société et la société Sedi avaient eu connaissance de la cessation des paiements de la société Tam, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 en statuant comme elle a fait ; que le moyen est mal fondé en ses deux branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société et la société Sedi font enfin le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet ; que dans les contrats synallagmatiques l'obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l'obligation envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée de l'autre contractant ; que la société et la société Sedi avaient fait valoir, dans leurs conclusions du 3 avril 1995, que pour le cas où la nullité serait prononcée, celle-ci atteindrait obligatoirement les actes dans leur intégralité, l'accord des parties ayant une nature indivisible ; que le liquidateur de la société Tam ne peut demander l'annulation d'une seule contrepartie sans rompre l'équilibre contractuel voulu par les parties ; que l'annulation des paiements effectués par la société et la société Sedi par voie de compensation conduirait à une situation inique où elle aurait pour conséquence de procurer un enrichissement sans cause à la société Tam en liquidation judiciaire ; qu'en se bornant à affirmer que si le mode de paiement est nul, les cessions de mars, avril et mai demeurent valables car elles n'ont pas été faites en paiement fraudé des droits des créanciers, de telle sorte qu'il n'y pas lieu à restitution mais à paiement, sans rechercher si le mode de paiement recherché ne se trouvait pas être la cause des obligations de la société et de la société Sedi et si, en conséquence, les obligations de celles-ci ne devaient pas être annulées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ;

Mais attendu qu'en annulant, en application de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements de la société Tam dont la société et la société Sedi avaient eu connaissance, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise qui était sans influence sur la solution du litige ; que le moyen est mal fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.