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Décisions

Cass. com., 8 octobre 2003, n° 00-20.643

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Aix-en-Provence, 8e ch. A, du 15 mars 20…

15 mars 2000

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Le Crédit touristique C2T que sur le pourvoi incident relevé par la Banque monétaire et financière ;

Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident, pris en leurs diverses branches identiques pour partie, réunis :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 mars 2000), que le Crédit touristique et des transports C2T et la Banque monétaire et financière (les banques) ont accordé le 10 février 1993, un prêt de restructuration d'un montant de 12 700 000 francs à la société Royal Bar (la société) qui exploitait un fonds de commerce de restaurant ; que la société a été mise en redressement judiciaire par jugement du 28 octobre 1993 et la procédure étendue à d'autres sociétés par jugement du 7 juillet 1994 ; que, par jugement du 15 septembre 1994, le tribunal a reporté la date de cessation des paiements au 30 juin 1992 ; que le Crédit touristique et des transports C2T a formé une tierce opposition à ce jugement ; que, par jugement du 27 juillet 1995, le tribunal a rejeté la tierce opposition ; que les banques ont interjeté appel ;

Attendu que les banques font grief à l'arrêt d'avoir reporté la date de cessation des paiements au 30 juin 1992 alors, selon le moyen :

1°) que les juges du fond ne pouvaient, pour reporter au 30 juin 1992 la date de la cessation des paiements de la société Royal Bar, se fonder sur des évènements postérieurs à cette date, en particulier les comptes fournisseurs de cette société au 31 octobre 1992, le bilan le compte d'exploitation de la société Royal Bar arrêté au 31 décembre 1992 et le prêt accordé par le Crédit touristique et des transports le 10 février 1993 ; qu'en statuant ainsi, ils ont violé les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) que l'état de cessation des paiements d'une personne morale ne saurait se déduire de la constatation d'une diminution de son chiffre d'affaires ou des pertes qu'elle a subies au cours d'une année ; qu'en se fondant sur la baisse du chiffre d'affaires de la société Royal Bar et les pertes subies au cours de l'exercice 1992, pour en déduire que cette société était en état de cessation des paiements le 30 juin 1992, la cour d'appel a violé les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

3°) que la cessation des paiements est caractérisée par l'impossibilité dans laquelle se trouve le débiteur de faire face avec son actif disponible, à son passif exigible et exigé ; que pour fixer au 30 juin 1992 la date de la cessation des paiements de la société Royal Bar, la cour d'appel s'est fondée, d'une part, sur le fait que les comptes fournisseurs de cette société présentaient, à cette date, un solde négatif et, d'autre part, sur l'importance des découverts en compte courant qui lui avaient été accordés par ses banquiers ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les fournisseurs et les banquiers avaient, à cette date, demandé le remboursement des crédits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

4°) que l'état de cessation des paiements ne se déduit pas de la prise de sûreté sur les biens du débiteur ; qu'en déduisant de l'inscription de divers privilèges sur le fonds de commerce de la société Royal Bar que celle-ci se trouvait en état de cessation des paiements le 30 juin 1992, la cour d'appel, a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de véritables motifs au regard des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

5°) que le refus ou le non-paiement d'une dette, fût-elle liquide, certaine et exigible, ne suffit pas à caractériser la cessation des paiements qui suppose l'impossibilité dans laquelle le débiteur se trouve de la payer, en sorte qu'en justifiant le rapport de la date de cessation des paiements au 30 juin 1992 par la constatation que la société Royal Bar avait fait l'objet de mises en demeure de payer des dettes émanant d'une Caisse des cadres ou du Trésor, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

6°) que dans ses conclusions d'appel (p. 8), le Crédit touristique et des transports faisait valoir que l'assignation en vente forcée de son fonds de commerce qui avait été délivrée à la société Royal Bar, en juin 1992, par la Caisse foncière de Crédit ne permettait pas d'établir que cette société se trouvait en état de cessation des paiements dans la mesure où il n'a été donné aucune suite effective à cette assignation ; qu'en laissant ce moyen péremptoire sans réponse, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

7°) que seule l'obtention de fonds par des moyens ruineux ou contraires à l'honnêteté permet de caractériser l'état de cessation des paiements ; que pour asseoir leur décision les juges du fond ont uniquement relevé que, par acte du 10 février 1993, le Crédit touristique et des transports avait accordé à la société Royal Bar un prêt de restructuration d'un montant de 12,7 millions de francs ; qu'en se fondant sur ce prêt pour affirmer que la société Royal Bar se trouvait, huit mois plus tôt, en état de cessation des paiements, sans dire en quoi l'octroi d'un tel prêt, qui permettait à la société Royal Bar de réduire ses frais financiers sans augmenter sa charge de remboursement, constituait un mode de financement frauduleux ou ruineux, révélateur d'un situation de cessation des paiements au 30 juin 1992, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'ayant relevé d'une part, par un motif non critiqué, que la société ne disposait d'aucun actif disponible et, d'autre part, que le montant des pertes et des dettes de la société s'était fortement accru en 1992, que des avis à tiers détenteurs avaient été adressés par la recette principale des impôts en juin et juillet 1992, qu'une assignation aux fins de vente du fonds de commerce avait été adressée à la société le 17 juin 1992 par un établissement financier, que des créanciers avaient inscrit des privilèges durant l'année 1992, que la société était fortement endettée auprès de divers établissements financiers, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes et abstraction faite du motif surabondant critiqué dans la première branche, a caractérisé l'état de cessation des paiements au 30 juin 1992 et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.