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Décisions

Cass. com., 29 mai 2001, n° 98-16.201

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Rapporteur :

M. Badi

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP de Chaisemartin et Courjon

Paris, 3e ch. B, du 3 avr. 1998

3 avril 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur assignation en redressement judiciaire délivrée à la demande de la Caisse de retraite des cadres de la profession pharmaceutique (la Caisse), le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Brasa (la société), le 17 novembre 1997, et reporté au 17 mai 1996 la date de cessation des paiements ; que la cour d'appel a confirmé cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir "déclaré recevables les demandes de la Caisse, créancière de la société, tendant à voir prononcer en appel la liquidation judiciaire et, subsidiairement, le redressement judiciaire", alors, selon le moyen, que la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire étant, à peine d'irrecevabilité qui doit être relevée d'office, exclusive de toute autre demande, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 7 du décret du 27 décembre 1985, en sa rédaction issue du décret du 21 octobre 1994, applicable en la cause ;

Mais attendu que la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire formée subsidiairement à une demande de liquidation judiciaire n'est pas une autre demande au sens de l'article 7 du décret du 27 décembre 1985, dès lors qu'elle tend aussi à l'ouverture d'une procédure collective ; que le moyen est sans fondement ;

Et sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, et le quatrième moyen, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement d'ouverture, sans période d'observation, de sa liquidation judiciaire, alors, selon le moyen :

1°) qu'en se fondant sur l'absence d'un apport de fonds de la société Balog à sa filiale, la société Brasa, propre à favoriser une reprise de l'activité de cette dernière, pour affirmer que la société aurait été en état de cessation des paiements, sans rechercher concrètement si l'offre de la société Balog de racheter intégralement le stock de préservatifs de sa filiale, à un prix expertisé par courtier, afin de remédier à l'impossibilité où celle-ci se trouvait, en raison de la réglementation de santé publique en vigueur, de le réaliser immédiatement, n'était pas suffisante pour lui permettre de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) qu'en ne répondant pas au chef des conclusions de la société, selon lequel la société Balog était en mesure de lui apporter la trésorerie qui lui ferait défaut, si la commercialisation du stock de préservatifs se révélait insuffisante pour apurer le passif exigible, d'où il résultait que la société disposait d'une réserve de crédit lui permettant de faire face à ce passif, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) qu'en se bornant à affirmer que la société aurait cessé son exploitation, sans préciser, fût-ce sommairement, les éléments sur lesquels elle fondait cette assertion, que les conclusions circonstanciées de la société contredisaient largement, ni relever, à défaut, que le redressement judiciaire de celle-ci aurait été manifestement impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 148 de la loi du 25 janvier 1985, en leur rédaction issue de la loi du 10 juin 1994 applicable en la cause ;

4°) qu'en omettant de répondre au chef des conclusions de la société, selon lequel cette dernière avait drastiquement réduit son personnel et réglait à terme les loyers et charges échus, depuis la date du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire, en sorte qu'aucun passif postérieur à ce jugement, susceptible de faire obstacle au redressement de l'entreprise, n'était apparu, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, répondant aux conclusions invoquées par la deuxième branche, l'arrêt retient qu'aucune proposition de la société Balog n'a été faite autre que celle de racheter tout le stock de préservatifs pour un prix HT de 921 880 francs payable par mensualités de 60 000 francs à compter du 1er janvier 1988, et qu'aucun apport de fonds n'est envisagé qui serait propre à favoriser la reprise de l'activité de la société, l'exploitation ayant cessé depuis plusieurs mois ; qu'il relève que, dans l'hypothèse d'un paiement comptant du stock, le passif ne pourrait être aussitôt apuré, aucune proposition réelle de reprise de l'activité n'étant avancée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions invoquées par la quatrième branche que sa décision rendait inopérantes, a légalement justifié cette dernière du chef critiqué ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-1 et L. 621-7 du Code de commerce ;

Attendu que, pour confirmer la fixation de la date de cessation des paiements de la société au 17 mai 1996, l'arrêt retient que la société conteste vainement cette date puisque la première ordonnance d'injonction de payer rendue au profit de la Caisse poursuivante remonte au 6 mai 1995 ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir qu'à la date retenue la société était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé provisoirement la date de cessation des paiements de la société Brasa au 17 mai 1996, l'arrêt rendu le 3 avril 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.