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Décisions

Cass. com., 16 mars 1993, n° 90-21.646

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Pasturel

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Boré et Xavier, SCP Defrénois et Levis

Cass. com. n° 90-21.646

16 mars 1993

Donne acte à la société Prieur Sports de son désistement envers M. Guy et Marcel Y... et M. X... ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 19 septembre 1990), qu'invoquant une créance résultant à son profit de la condamnation au paiement d'une certaine somme prononcée par une sentence arbitrale contre la société Hostin Armes Blanches (la société Y...) et ayant donné lieu à des commandements de payer demeurés infructueux, la société Prieur Sports a assigné cette société en redressement judiciaire ; qu'elle a également assigné la société France Lames afin que lui soit étendue, sur le fondement d'une confusion de patrimoines, la procédure collective dont elle demandait l'ouverture à l'égard de la société Y... ; que le tribunal a débouté la société Prieur Sports de sa demande à l'égard de la société France Lames et a sursis à statuer sur la demande relative à la société Y... en désignant à cette société un contrôleur de gestion ; Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Prieur Sports fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande à l'égard de la société Y... et d'avoir confirmé la décision de rejet des premiers juges en ce qui concerne la demande dirigée contre la société France Lames, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt attaqué constate que la société Prieur Sports invoque "à juste titre" une sentence arbitrale assortie de l'exécution provisoire à hauteur de 3 000 000 francs ; qu'en s'abstenant de rechercher si, compte tenu du montant de la créance mise à sa charge, la société Y... était capable de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 3 de la loi 8598 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors d'autre part, que le jugement infirmé avait déclaré que la société Y... n'était pas en état de cessation des paiements "si ce n'est à cause de la créance Prieur Sports" ; qu'en omettant de réfuter ce motif du jugement, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs et par conséquent d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, qu'en revêtant d'un caractère "provisionnel" la créance de la société Prieur Sports, laquelle résultait d'une sentence assortie de l'exécution provisoire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que dans ses conclusions d'appel, la société Prieur Sports se fondant notamment sur plusieurs décisions juridictionnelles outre une lettre du préfet avait fait valoir que la société Y... avait créé de toutes pièces une société de façade, la société France Lames pour mettre son patrimoine à l'abri des poursuites ; qu'en outre elle avait engagé une multiplicité de recours dilatoires et fait d'autres recours purement fantaisistes ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où il résultait que la société Y... avait organisé son insolvabilité, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et partant, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la sentence arbitrale réformée par un arrêt ultérieurement cassé, sur laquelle se fondait la société Prieur Sports, était, à hauteur d'une somme de 3 000 000 francs, assortie de l'exécution provisoire, l'arrêt constate que cette société ne justifiait pas que la créance invoquée, à laquelle n'était attachée qu'une autorité provisionnelle, constituait la société Y... en état de cessation des paiements, la preuve que l'actif disponible de celle-ci ne lui permettait pas de faire face à son passif exigible ne pouvant, eu égard à la situation financière saine qui était la sienne, résulter de son simple refus de payer une créance dès lors que ce refus découlait non d'une incapacité de payer mais d'une contestation sur le montant de la créance ; qu'il relève encore, par motif adopté, que la société France Lames n'était pas une société de façade mais une personne morale totalement indépendante sur le plan juridique de la société Y... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, qui répondent en les écartant aux conclusions invoquées, la cour d'appel, qui a fait ressortir à bon droit que l'ouverture d'une procédure collective ne peut, fût-ce en cas de refus de paiement infondé, être substituée à une voie d'exécution au profit du créancier impayé, a justifié légalement sa décision, sans encourir les reproches formulés par les deuxième et troisième branches ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Prieur Sports à payer à la société Y... une somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts, outre les honoraires de l'expert tenus en dépens, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne justifie à la charge de la société Prieur Sports à raison de la mesure d'office ordonnée par le premier juge d'aucune faute ni davantage d'aucun lien de causalité entre la faute hypothétique et le préjudice allégué ; d'où il suit que la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en imputant à la société Prieur Sports un acquiescement à la réclamation de la partie adverse, par voie de simple affirmation, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que sans imputer à la société Prieur Sports un acquiescement sur le fond de la réclamation formulée par la société Y..., la cour d'appel s'est bornée à relever que la société Prieur Sports n'avait pas contesté l'emploi par la société Y... du terme de préjudice "moral" pour qualifier le dommage par elle subi et qui devait, en réalité, s'analyser en une altération de son image commerciale ;

Attendu, en second lieu, qu'en retenant que la société Y... justifiait d'une situation financière saine, que son refus de payer la somme réclamée ne découlait pas d'une impossibilité de régler cette somme et que la société Prieur Sports n'offrait pas de démontrer son état de cessation des paiements, la cour d'appel a fait apparaître que la société Prieur Sports avait commis une faute en demandant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Y... au lieu de recourir à des procédures d'exécution sur ses biens, le tribunal ayant ainsi été conduit, pour préserver les intérêts du créancier dès lors qu'il décidait de surseoir à statuer, à désigner un contrôleur chargé de la surveillance de la gestion de la société Y..., ce dont il résultait que la faute de la société Prieur Sports était en relation directe de cause à effet avec le préjudice subi par la société Y... ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.