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Décisions

TUE, 5e ch., 21 mai 2015, n° T-22/13

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Annulation

PARTIES

Demandeur :

Senz Technologies BV, Impliva BV

Défendeur :

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dittrich

Juges :

M. Schwarcz, Mme Tomljenovic

Avocats :

Me Hoyng, Me Zeri, Me Mattina, Me Folliard-Monguiral, Me Gjelen, Me Verschuur

OHMI, 3e ch., du 26 sept. 2012

26 septembre 2012

Antécédents du litige

1        Le 25 août 2006, la requérante, Senz Technologies BV a présenté deux demandes d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle communautaire en cause dans l’affaire T‑22/13 a été enregistré sous le numéro 000579032-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 118/2006 du 17 octobre 2006, avec l’indication « parapluies ». Ce dessin ou modèle est représenté comme suit :

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3        Le dessin ou modèle communautaire en cause dans l’affaire T‑23/13 a été enregistré sous le numéro 000579032-0002 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 118/2006 du 17 octobre 2006, avec l’indication « parapluies ». Ce dessin ou modèle est représenté comme suit :

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4        Le 16 juillet 2009, l’intervenante, Impliva BV, a introduit pour chacun de ces dessins ou modèles (ci-après les « dessins ou modèles contestés ») une demande en nullité au titre de l’article 52 du règlement n° 6/2002. Chacune des demandes en nullité était fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, au motif que les dessins ou modèles contestés ne correspondraient pas aux exigences des articles 4 à 9 dudit règlement.

5        L’intervenante a fait valoir notamment que les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés ne présentaient pas de caractère individuel, car ils produiraient sur l’utilisateur averti la même impression globale qu’un certain nombre de parapluies de forme identique ou similaire qui ont fait l’objet de brevets ou de dessins ou modèles enregistrés et divulgués au public antérieurement à l’enregistrement des dessins ou modèles contestés. Parmi ces droits antérieurs invoqués figurait le brevet américain n° 5505221(ci-après le « brevet antérieur »), enregistré le 9 avril 1996 et représenté comme suit :

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6        Le 18 octobre 2010, la division d’annulation a fait droit aux demandes en nullité présentées par l’intervenante. Elle a considéré que le brevet antérieur avait été divulgué au public au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 à la suite de sa publication sur le site Internet de l’United States Patent and Trademark Office (USPTO, office des brevets et des marques des États-Unis), ce site étant librement et gratuitement accessible dans tous les États membres de l’Union européenne. La division d’annulation, tout en considérant la liberté du créateur dans l’élaboration des dessins ou modèles contestés comme étant limitée, était d’avis que, malgré le fait que les dessins ou modèles contestés étaient nouveaux au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, ils étaient privés de caractère individuel au sens de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement. Toujours selon la division d’annulation, l’impression globale que chacun des dessins ou modèles contestés ainsi que le brevet antérieur produisent sur l’utilisateur averti, est substantiellement la même en raison des poignées droites et surtout de la forme asymétrique des toiles qui seraient à chaque fois supportées par huit baleines disposées symétriquement autour de l’extrémité du manche. En revanche, l’espacement exact et la forme des baleines (droite ou courbée) n’auraient qu’une importance mineure pour l’utilisateur averti, qui, de plus, ne serait pas familiarisé avec des modèles de parapluies asymétriques.

7        Le 14 décembre 2010, la requérante a formé un recours contre chacune des décisions adoptées par la division d’annulation.

8        Par décisions datées du 26 septembre 2012 (ci-après les « décisions attaquées »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours au motif que les dessins ou modèles contestés n’avaient pas de caractère individuel.

9        La chambre de recours a considéré que le brevet antérieur pouvait être raisonnablement connu des milieux spécialisés du secteur concerné au sein de l’Union. Premièrement, le site Internet du registre de l’USPTO serait gratuitement accessible. Deuxièmement, les dessins ou modèles seraient connus aux États-Unis comme des « brevets de dessins ou modèles ». Troisièmement, il serait imprudent de la part des milieux spécialisés du secteur concerné de ne pas consulter ledit registre, qui serait l’un des principaux registres des droits de propriété intellectuelle au monde. Enfin, le fait que les États-Unis sont le plus important partenaire commercial de l’Union rendrait peu probable que les milieux spécialisés du secteur concerné ne consultent pas le registre de l’USPTO.

10      La chambre de recours a également constaté que l’utilisateur averti connaissait les différents modèles et les caractéristiques normales des parapluies et qu’il avait un niveau d’attention relativement élevé.

11      La liberté du créateur serait limitée quant à la configuration d’un parapluie. Il y aurait toutefois un certain degré de liberté quant à la forme et la taille globale d’un parapluie et un degré de liberté considérable quant aux amples possibilités de décorer la toile d’un parapluie par des motifs et des couleurs.

12      Quant à l’impression globale produite par chacun des dessins ou modèles contestés, la chambre de recours a considéré qu’elle était principalement déterminée par les côtés inférieurs et latéraux des dessins ou modèles de parapluie, car l’utilisateur se trouverait lors de l’utilisation en dessous du parapluie et ne verrait pas le parapluie du dessus. Malgré son niveau d’attention relativement élevé, l’utilisateur averti prêterait attention aux structures de base simples et non aux détails qui, de surcroît, ne changeraient pas le fait que tous les parapluies couverts par le brevet antérieur et les dessins ou modèles contestés produisent en substance la même impression globale, notamment en raison de leur apparence inhabituelle, c’est-à-dire allongée et asymétrique, « semblable à un bec », et du fait que la distribution des baleines, les proportions des toiles et les espacements seraient similaires. Enfin, le fait que certaines des vues des dessins ou modèles contestés présentent une toile noire ou marron, tandis que le brevet antérieur est un simple diagramme, ne constituerait pas une différence significative.

 Conclusions des parties

13      Dans les requêtes, la requérante conclut, tant dans l’affaire T‑22/13 que dans l’affaire T‑23/13, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        accueillir les arguments avancés devant lui et déclarer l’enregistrement des dessins ou modèles contestés valide ;

–        condamner l’OHMI à supporter ses propres dépens et condamner l’intervenante, dans le cas où elle interviendrait, à supporter ses propres dépens et ceux de la requérante.

14      Lors de l’audience, la requérante a retiré, tant dans l’affaire T‑22/13 que dans l’affaire T‑23/13, son deuxième chef de conclusions, par lequel elle a demandé au Tribunal de déclarer l’enregistrement des dessin ou modèle contestés valide.

15      L’OHMI conclut, tant dans l’affaire T‑22/13 que dans l’affaire T‑23/13, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      Dans son mémoire en réponse, l’intervenante conclut, tant dans l’affaire T‑22/13 que dans l’affaire T‑23/13, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours dans leur intégralité ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant l’OHMI, ou à titre encore plus subsidiaire, prononcer la nullité de l’enregistrement des dessins ou modèles contestés ;

–        condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, ceux qu’elle a encourus, y compris ceux exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

17      Lors de l’audience, l’intervenante a retiré, tant dans l’affaire T‑22/13 que dans l’affaire T‑23/13, son deuxième chef de conclusions par lequel elle demandait au Tribunal de renvoyer l’affaire devant l’OHMI.

En droit

18      À l’appui de chacun des recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 et, le second, d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002

19      En premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré à tort qu’un brevet américain pouvait être connu des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant au sein de l’Union. Premièrement, la nature d’un dessin ou modèle n’aurait aucun rapport avec les brevets car le premier concernerait l’apparence d’un produit et le second des inventions techniques, deuxièmement, il serait très improbable que le créateur moyen de l’Union connaisse bien les systèmes de brevets en général et qu’il associe le terme « brevet » à des dessins ou modèles et, troisièmement, en l’absence de toute preuve du contraire apportée par l’OHMI, le créateur moyen de l’Union ne pourrait pas être réputé avoir consulté des registres de brevets et encore moins des registres se trouvant en dehors de l’Union.

20      En deuxième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir estimé à tort que le créateur de parapluies moyen de l’Union était au courant du fait que, aux États‑Unis, le terme « brevet » signifie également « dessin ou modèle ». Cette circonstance ne serait même pas connue de nombreux avocats européens spécialisés en matière de propriété intellectuelle. De plus, le brevet antérieur ne serait pas un brevet pour dessin ou modèle et échapperait, de ce fait, à une recherche éventuelle entamée par un créateur de l’Union.

21      En troisième lieu, la requérante conteste le constat de la chambre de recours selon lequel « il serait imprudent de la part des créateurs cherchant à faire enregistrer des dessins ou modèles dans l’UE de ne pas contrôler au préalable l’un des principaux registres de la propriété intellectuelle mondiaux (à savoir USPOTO) étant donné la réputation presque légendaire des États-Unis d’Amérique en tant que centre d’innovation et de création […] ». La requérante souligne qu’un créateur individuel ou une petite ou moyenne entreprise ne rechercherait raisonnablement que sur le marché existant et dans les registres de dessins ou modèles au sein de l’Union, notamment car les recherches excessives à entamer dépasseraient les ressources financières des créateurs et des petites entreprises.

22      En quatrième lieu, la requérante fait valoir en substance que, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours, les milieux spécialisés du secteur des parapluies ne peuvent pas être au courant de l’évolution sur le territoire américain, car, d’une part, les États-Unis ne seraient pas, comme l’a estimé à tort la chambre de recours, le premier partenaire commercial de l’Union dans le domaine des parapluies et, d’autre part, il ne serait pas possible d’être au courant de l’existence d’un parapluie breveté aux États-Unis, si ce dernier n’a jamais été fabriqué ou commercialisé.

23      L’OHMI et l’intervenante contestent ces arguments.

24      Quant au premier argument soulevé par la requérante selon lequel un dessin ou modèle n’a aucun rapport avec les brevets, il y a tout d’abord lieu de rappeler la définition fournie à l’article 3, sous a), du règlement n° 6/2002, en vertu duquel un dessin ou modèle est défini comme « l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ». Comme l’OHMI l’a relevé à bon droit lors de l’audience ce n’est que « l’apparence » en tant que telle qui est le critère décisif d’un dessin ou modèle au sens du règlement n° 6/2002 et non la forme juridique sous laquelle cette apparence est protégée. Le fait que le droit antérieur invoqué par l’intervenante est un brevet est donc sans pertinence en l’espèce, pour autant que ce brevet remplisse les caractéristiques d’un dessin ou modèle telles qu’établies à l’article 3, sous a) du règlement n° 6/2002. Or, le brevet antérieur confère au parapluie qu’il désigne les caractéristiques de ses lignes, de ses contours, de ses angles et de sa forme. Partant, le brevet antérieur ne contient pas seulement la description technique d’un parapluie asymétrique mais également son apparence. Il s’agit dès lors d’un dessin ou modèle au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 6/2002, que l’intervenante pouvait à bon droit invoquer comme dessin ou modèle antérieur au sens de l’article 7, paragraphe 1, du même règlement. L’argument invoqué par la requérante à cet égard doit donc être écarté.

25      Quant aux autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre du premier moyen il convient, à titre liminaire, de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 prévoit qu’« [a]ux fins de l’application des articles 5 et 6, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date visée à l’article 5, paragraphe 1, point a), et à l’article 6, paragraphe 1, point a), ou à l’article 5, paragraphe 1, point b), et à l’article 6, paragraphe 1, point b), selon le cas, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté ».

26      Un dessin ou modèle est donc réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation. Pour réfuter cette présomption il incombe, en revanche, à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires.

27      La présomption prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 s’applique, d’ailleurs, indépendamment de l’endroit où ont eu lieu les faits constitutifs de la divulgation, car il ressort de la première phrase de cet article qu’il n’est pas exigé, pour qu’un dessin ou modèle soit réputé avoir été divulgué au public aux fins de l’application des articles 5 et 6 de ce règlement, que les faits constitutifs de la divulgation aient eu lieu sur le territoire de l’Union (arrêt du 13 février 2014, H. Gautzsch Großhandel, C‑479/12, Rec, EU:C:2014:75, point 33).

28      Il y a lieu de préciser, que la question de savoir si les personnes faisant partie des milieux spécialisés du secteur concerné pouvaient raisonnablement avoir connaissance d’événements s’étant produits en dehors du territoire de l’Union est une question de fait dont la réponse dépend de l’appréciation des circonstances propres à chaque affaire (arrêt H. Gautzsch Großhandel, point 27 supra, EU:C:2014:75, point 34).

29      Aux fins d’effectuer l’appréciation mentionnée par la Cour, il convient d’examiner la question de savoir si, sur la base des éléments factuels, qui doivent être fournis par la partie qui conteste la divulgation, il y a lieu de considérer que ces milieux n’avaient réellement pas la possibilité de prendre connaissance des faits constitutifs de la divulgation, tout en tenant compte de ce qui peut raisonnablement être exigé de la part de ces milieux pour connaître l’état de l’art antérieur. Ces éléments factuels peuvent, à titre d’exemple, porter sur la composition des milieux spécialisés, leurs qualifications, coutumes et comportements, l’étendue de leurs activités, leur présence aux évènements lors desquels des dessins ou modèles sont présentés, les caractéristiques du dessin ou modèle en cause, tels que leur interdépendance avec d’autres produits ou secteurs, et les caractéristiques des produits dans lesquels le dessin ou modèle en cause a été intégré, notamment le degré de technicité du produit concerné. En tout état de cause, un dessin ou modèle ne peut pas être réputé être connu dans la pratique normale des affaires si les milieux spécialisés du secteur concerné ne pourraient le découvrir que par hasard.

30      C’est à lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les différents arguments soulevés par la requérante dans le cadre des première, deuxième, troisième et quatrième branches du premier moyen.

31      Il convient d’observer tout d’abord que, en substance, la requérante s’est bornée, d’une part, à affirmer qu’il est très improbable que le créateur moyen de l’Union connaisse les systèmes des brevets et qu’il consulte les registres de brevets, notamment en dehors de l’Union, et, d’autre part, à exposer pourquoi, selon elle, les arguments présentés dans la décision attaquée n’étaient pas suffisants pour considérer que les milieux spécialisés du secteur concerné pouvaient raisonnablement avoir connaissance du brevet antérieur.

32      Cependant, il semble raisonnable de considérer que le créateur d’un parapluie anti-vent, avant de le mettre sur le marché, entame des recherches dans de registres des brevets, car il peut être réputé informé du fait qu’un tel produit répond à des exigences non seulement esthétiques mais également, et dans une mesure non négligeable, techniques, et qu’il est dès lors raisonnable et plausible qu’un parapluie anti-vent ait déjà été breveté. En tout état de cause, il convient de souligner, à la lumière de ce qui a déjà été exposé aux points 25 à 29 ci-dessus, qu’il appartenait à la requérante d’étayer sa thèse selon laquelle les milieux spécialisés du secteur des parapluies ne procèdent pas à de telles consultations dans le registre de l’USPTO et qu’elle n’a cependant présenté aucun élément factuel ou argument qui ne soit pas simplement une allégation qui permettrait de parvenir à une telle conclusion.

33      Quant à l’argument selon lequel de nombreux avocats européens spécialisés dans le domaine de la propriété intellectuelle n’ont pas connaissance du fait que, aux États-Unis, les dessins ou modèles sont enregistrés dans un registre de brevets, force est de constater que cet argument n’a pas été étayé et que, en tout état de cause, il ne permettrait aucunement de conclure que les milieux spécialisés du secteur des parapluies n’ont également pas connaissance de ce fait.

34      Concernant les arguments exposés dans la décision attaquée et contestés par la requérante, selon lesquels, d’une part, il conviendrait de tenir compte de la réputation légendaire des États-Unis en matière de dessins ou modèles et, d’autre part, il serait imprudent de ne pas consulter les principaux registres mondiaux en matière de propriété intellectuelle, il n’y pas lieu de les examiner, car même s’ils n’étaient pas corrects, ce constat ne remettrait pas en cause le fait qu’il n’incombait pas à la chambre de recours d’établir que les milieux spécialisés du secteur concerné pouvaient raisonnablement connaître le brevet antérieur, mais à la requérante qu’ils ne le pouvaient pas.

35      Quant à l’argument soulevé par la requérante selon lequel les recherches excessives à entamer dépasseraient les ressources financières des créateurs et des petites entreprises, il suffit de constater que la requérante n’a fourni aucun élément factuel ou argument qui ne soit pas simplement une allégation dont il résulterait qu’en l’espèce les milieux spécialisés du secteur concerné ne sont composés que de créateurs individuels et de petites entreprises qui, qui plus est, ne disposent en général que de moyens insuffisants pour entamer des recherches destinées à connaître l’état de l’art antérieur en dehors de l’Union. En effet, la requérante se borne à constater que les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union ne comportent pas de « grandes sociétés ». Toutefois, toujours selon la requérante, il existe « quelques sociétés plus importantes que d’autres (principalement des sociétés allemandes, autrichiennes et néerlandaises) et de nombreuses petites sociétés ou particuliers » et ces derniers ne procéderaient fort probablement pas à des recherches dans le registre des brevets américains. Or, à supposer même que cette observation soit correcte, la requérante reconnaît en soulevant cet argument que les « quelques sociétés plus importantes », qui à la lumière de ce qui a été exposé au point 30 ci-dessus doivent être considérées comme faisant partie des milieux spécialisés du secteur concerné, entament probablement de telles recherches. De même, la requérante ne fournit aucun renseignement concret quant aux sociétés opérant dans le secteur européen des parapluies. Dès lors, la requérante reste à nouveau en défaut d’étayer ses allégations au moyen d’arguments qui ne soient pas simplement des allégations.

36      Quant à l’argument selon lequel le parapluie couvert par le brevet antérieur n’a jamais été produit, ce qui n’a d’ailleurs été contesté ni par l’OHMI ni par l’intervenante, force est de constater que l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 ne requiert nullement que le dessin ou modèle antérieur invoqué par la partie opposante ait fait l’objet d’une utilisation en vue de la production ou de la commercialisation d’un produit.

37      Toutefois, le fait qu’un dessin ou modèle n’a jamais été incorporé dans un produit n’aurait de l’importance que dans l’hypothèse où la requérante aurait établi que les milieux spécialisés du secteur concerné ne consultent en général pas les registres de brevets ou que les milieux spécialisés du secteur concerné n’accordent généralement aucune importance aux brevets, notamment aux brevets américains. Dans de telles hypothèses, l’argument de la non-existence sur le marché des parapluies couverts par le brevet antérieur pourrait rendre faiblement plausible le fait que les milieux spécialisés du secteur concerné aient pu connaître le brevet antérieur à travers d’autres moyens de renseignement. En l’espèce, le fait que le parapluie désigné par le brevet antérieur n’a jamais été produit démontre que les milieux spécialisés du secteur concerné ne pouvaient pas connaître le brevet antérieur à travers la publicité, des activités de commercialisation ou des catalogues. Toutefois, ce fait n’est pas en mesure de démontrer que les milieux spécialisés du secteur concerné n’auraient pas raisonnablement pu en avoir connaissance autrement, comme par exemple à l’aide d’une consultation en ligne du registre de brevets américain.

38      Enfin, quant à l’argument soulevé par la requérante selon lequel les États-Unis ne sont pas le premier partenaire commercial de l’Union dans le domaine des parapluies, il convient d’observer que le point de savoir si tel est ou non le cas n’est pas, en soi, déterminant pour trancher la question de savoir si les milieux spécialisés ne pouvaient pas raisonnablement avoir connaissance du brevet antérieur. En effet, à supposer même que les États-Unis ne soient pas le premier partenaire commercial de l’Union dans le domaine des parapluies, il semble toujours raisonnable que des recherches soient entamées dans le registre de brevets américain, lorsque le marché des États-Unis revêt, au moins, une certaine importance commerciale pour les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union. Étant donné que la requérante reste en défaut de fournir des éléments de preuve dont il ressortirait que ce marché ne joue qu’un rôle mineur voire négligeable dans la pratique normale des affaires des milieux spécialisés du secteur concerné, son argument est sans pertinence pour la solution du présent litige.

39      À la lumière de tout ce qui précède, il y a donc lieu de conclure que la requérante n’a pas établi à suffisance que les circonstances de l’espèce faisaient obstacle à ce que les milieux spécialisés du secteur concerné puissent prendre connaissance de la publication du brevet antérieur sur le site Internet de l’USPTO et avoir connaissance de ce fait. Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ce qu’elle a considéré que le brevet antérieur avait été divulgué au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. Le premier moyen invoqué par la requérante doit donc être rejeté dans son intégralité.

Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002

40      Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002, précise en outre que, pour apprécier ce caractère individuel, il doit être tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

Sur l’utilisateur averti

41      La chambre de recours a défini l’utilisateur averti comme celui qui souhaite utiliser un parapluie, qui a besoin d’en acheter un et qui s’est renseigné sur le sujet. Il utiliserait le parapluie conformément à sa finalité d’usage, c’est-à-dire pour se protéger contre la pluie et les intempéries.

42      Dans la requête, la requérante semble à première vue vouloir étendre cette notion de l’utilisateur averti en ce qu’elle constate que, dans de nombreux pays, presque tout le monde utilise un parapluie et que « tous les autres utilisateurs qui ne se trouvent pas sous la toile, mais qui voient l’utilisateur du parapluie tenir celui-ci », seraient donc également des utilisateurs avertis. Dans l’optique d’une telle lecture de la requête, l’intervenante et l’OHMI rétorquent que la notion de l’utilisateur averti ne peut pas comprendre des personnes tierces qui voient un parapluie dans la rue, mais exclusivement les personnes qui souhaitent utiliser ou acheter un parapluie.

43      Dans son mémoire en réplique et lors de l’audience, la requérante précise qu’elle n’a pas voulu définir tout tiers qui voit des parapluies dans la rue comme appartenant aux utilisateurs avertis, mais seulement tout utilisateur d’un parapluie qui voit autour de lui d’autres utilisateurs de parapluies.

44      À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante n’affirme pas qu’il convient d’intégrer des personnes tierces dans la notion de l’utilisateur averti, mais qu’elle entend souligner qu’une personne qui veut acheter et utiliser un parapluie est également amenée à regarder autour d’elle et à observer les autres utilisateurs de parapluie. La requérante a donc conclu, comme elle l’a souligné à nouveau lors de l’audience, que l’utilisateur averti ne percevait pas seulement son parapluie d’une perspective du dessous, mais qu’il le voyait sous toutes les perspectives avant et même lors de son achat ou de son utilisation.

45      Or, la question de savoir quelles sont les caractéristiques et les perspectives d’un parapluie qui déterminent le plus l’impression globale produite par un dessin ou modèle ne doit pas être confondue avec celle concernant la notion de l’utilisateur averti. Le fait qu’il est logique qu’un utilisateur visualise un produit sous plusieurs perspectives, y compris la perspective d’un tiers observateur avant son achat ou avant son utilisation, ne signifie pas que la requérante propose d’étendre la notion de l’utilisateur averti aux personnes tierces.

46      Il convient donc de constater que la définition de l’utilisateur averti utilisée par la chambre de recours n’est, à juste titre, pas remise en cause par la requérante.

Sur le niveau d’attention de l’utilisateur averti

47      La chambre de recours a estimé que l’utilisateur averti connaîtrait les différents modèles de parapluie et les caractéristiques dont ils disposent normalement et ferait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé vis-à-vis des produits concernés.

48      La requérante considère que l’utilisateur averti concentrera encore plus fortement son attention sur le parapluie asymétrique grâce à sa forme inhabituelle et au fait que ce dernier serait un article de mode comme les lunettes de soleil, les chaussures ou les sacs à main.

49      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

50      Il convient tout d’abord de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, la notion d’« utilisateur averti », qui n’est pas définie dans le règlement n° 6/2002, doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’«utilisateur averti» peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (voir arrêt du 18 octobre 2012, Neuman e.a./José Manuel Baena Grupo, C‑101/11 P et C‑102/11 P, Rec, EU:C:2012:641, point 53 et jurisprudence citée).

51      Il ressort de cette jurisprudence qu’à la différence du consommateur moyen en matière de marques, pour lequel le fait d’être confronté à un article de mode peut effectivement jouer un rôle quant à son niveau d’attention [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Esprit International/OHMI – Marc O’Polo International (Représentation d’une lettre sur une poche), T‑22/10, EU:T:2011:651, point 46], l’utilisateur averti d’un dessin ou modèle est déjà de par sa nature une personne qui possède un intérêt particulier pour le design d’un produit donné et qui s’intéresse aux courants du design, de l’art et de la mode qui pourraient être à l’origine d’un tel design. Dès lors, le fait qu’un tel produit peut ou non être considéré comme accessoire de mode est sans pertinence pour la détermination du niveau d’attention de l’utilisateur averti.

52      Quant au second argument soulevé par la requérante, selon lequel le niveau d’attention doit être considéré comme étant encore plus élevé grâce à la forme inhabituelle des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés, il y a lieu de constater, à la lumière également des considérations exposées au point 51 ci-dessus, que le seul fait d’être confronté à un design particulier ne rend pas l’utilisateur averti plus ou moins attentif, car le niveau d’attention de cet utilisateur est déjà, de par sa nature, relativement élevé. Ce constat n’exclut toutefois pas qu’une forme ou une perspective particulière ou inhabituelle peuvent modifier l’impression d’ensemble produite par le dessin ou modèle sur l’utilisateur averti. Il y aura donc lieu de revenir sur cet aspect dans le cadre de l’appréciation de cette dernière.

53      Il ressort de ce qui précède que ni la forme inhabituelle des parapluies en cause ni le fait qu’ils constituent éventuellement un accessoire de mode ne se répercutent sur le niveau d’attention de l’utilisateur averti. Partant, la définition de l’utilisateur averti et de son niveau d’attention fournie par la chambre de recours est correcte.

Sur le degré de liberté du créateur

54      La chambre de recours a estimé, d’une part, qu’il existait « un certain degré de liberté » du créateur pour ce qui est de la forme ou de la taille globale de la toile. D’autre part, concernant les possibilités de varier tant les motifs que les couleurs, la liberté du créateur devrait être considérée comme étant considérable.

55      Toutes les parties au présent litige considèrent, comme elles l’ont confirmé lors de l’audience, que le créateur est, en l’espèce, soumis à des contraintes techniques découlant de la fonction des parapluies d’êtres résistantes contre le vent, ce qui limiterait son degré de liberté.

56      S’agissant du degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle, il ressort de la jurisprudence que celui-ci est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes à plusieurs dessins ou modèles appliqués au produit concerné [arrêts du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne), T‑11/08, EU:T:2011:447, point 32, et du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, EU:T:2013:214, point 112].

57      Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (arrêts Moteur à combustion interne, point 56 supra, EU:T:2011:447, point 33, et Boîtier de montre-bracelet, point 56 supra, EU:T:2013:214, point 113).

58      En l’espèce il convient de constater d’une part, qu’un parapluie doit nécessairement disposer d’un manche, d’une toile reposant sur au moins trois baleines, d’une poignée et d’aiguillettes. S’il est vrai que le design d’un parapluie peut différer de façon illimitée en fonction des couleurs ou des motifs utilisés pour la toile, ces éléments de design ne jouent aucun rôle dans la comparaison du parapluie couvert par le brevet antérieur et des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés. Cependant, les possibilités de varier la forme de la toile, dont dépend nécessairement le nombre de baleines, sont plutôt limitées en ce que le créateur pourrait opter pour une forme rectangulaire, polyangulaire ou ronde, asymétrique ou atypique telle qu’une forme de cœur ou d’étoile, tout en tenant compte, toutefois, des contraintes fonctionnelles découlant du fait que la forme de la toile doit assurer une protection suffisante contre la pluie. Il peut également varier l’apparence tridimensionnelle de la toile de sorte que celle-ci peut revêtir une forme de coupole ou une forme plutôt plate, conique ou pyramidale. En ce qui concerne, notamment, la poignée, les aiguillettes, les baleines et le manche, les possibilités de variation sont limitées, principalement car leurs apparences sont dans une large mesure dictées par la fonctionnalité d’un parapluie. D’autre part, les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés sont des parapluies destinés à résister contre les vents forts. Cette fonction anti-vent, que doivent remplir les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés, réduit, comme les parties l’ont exposé lors de l’audience, ultérieurement les possibilités de varier notamment la forme et la profondeur de la toile, les baleines et les aiguillettes.

59      Dès lors, il convient de considérer le degré de liberté du créateur en l’espèce comme étant limité, de sorte que, conformément à la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, même des différences mineures entre le brevet antérieur et les dessins ou modèles contestés suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti.

 Sur la comparaison des impressions globales produites par le brevet antérieur et les dessins ou modèles contestés

–       Sur la comparaison des vues du dessus

60      Selon la chambre de recours, les vue de dessus des parapluies en cause ne sont pas significativement différentes, car la répartition des baleines et les proportions de la toile et des espacements apparaîtraient similaires.

61      La requérante fait notamment valoir que le parapluie couvert par le brevet antérieur apparaît comme un octogone régulier et, par conséquent, symétrique, tandis que les dessins ou dessins ou modèles contestés revêtiraient des formes asymétriques. De plus, le parapluie couvert par le brevet antérieur aurait une forme semblable à un bec, tandis que les parapluies couverts par les dessins ou dessins ou modèles contestés se termineraient vers l’avant et vers l’arrière par des panneaux de toiles, circonstance visible notamment de la vue du dessus.

62       L’OHMI affirme que le parapluie couvert par le brevet antérieur et les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés ont tous une forme octogonale formé de huit panneaux séparés par des baleines et caractérisé par des contours asymétriques. L’OHMI reconnaît que les parapluies couverts par les dessins ou dessins ou modèles contestés sont plus allongés que le parapluie désigné par le brevet antérieur.

63      L’intervenante expose que les toiles du parapluie couvert par le brevet antérieur et les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés sont similaires quant à la répartition des baleines, aux proportions de la toile et à l’espacement ainsi qu’aux sommets, notamment car leurs apparences seraient dans une large mesure déterminées par leurs fonctions, notamment par celle de résister contre les vents forts.

64      Tout d’abord, il y a lieu de constater que la forme du parapluie couvert par le brevet antérieur est visiblement un octogone régulier, tandis que les formes des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés sont visiblement irrégulières. De plus, comme la requérante l’a observé à juste titre, le parapluie couvert par le brevet antérieur se termine par une pointe vers l’avant et vers l’arrière, tandis que les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés se terminent vers l’avant et vers l’arrière par des panneaux.

65      En ce qui concerne les baleines, force est de constater que, contrairement à ce qu’a affirmé la chambre de recours, elles ne sont pas visibles sur la vue du dessus du brevet antérieur (Fig. 2). Cette vue (Fig. 2) montre la configuration des panneaux, mais pas forcément les baleines, comme il ressort clairement de la section transversale (Fig. 3) du parapluie couvert par le brevet antérieur : la baleine visible sur le côté gauche ne se trouve qu’en dessous d’une partie de la toile (n° 30 de la section transversale) et redescend vers le bas en direction du manche (n° 76 de la section transversale) avant de remonter vers le haut (n° 74 de la section transversale). Partant, la vue du dessus ne permet pas d’en déduire l’apparence des baleines.

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66      Cependant les configurations des panneaux des toiles des parapluies en question sont visibles. Les proportions des panneaux semblent plutôt similaires, alors que leurs configurations et surtout leurs répartitions sont plutôt différentes : le parapluie couvert par le brevet antérieur est divisé par une ligne droite allant de la pointe arrière à la pointe avant tandis que les toiles des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés se répartissent autour des deux lignes diagonales formant vers l’arrière et vers l’avant les panneaux susmentionnés.

67      Enfin, des aiguillettes sont visibles sur les dessins ou modèles contestés. S’il est vrai qu’elles remplissent une fonction technique importante, comme le relève l’intervenante, cela n’implique pas que leurs designs sont complètement imposés par leurs fonctions techniques. Ainsi, les aiguillettes peuvent avoir des dimensions et des couleurs différentes et ainsi, en fonction de leurs tailles et formes, attirer le regard. Il convient toutefois de constater que les aiguillettes dans les dessins ou modèles contestés sont plutôt petites et discrètes.

68      Il résulte de ce qui précède que les vues du dessus des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés et du parapluie couvert par le brevet antérieur comportent des différences notamment en ce qui concerne les formes des toiles ainsi que les configurations et les positions des panneaux.

–       Sur la comparaison des vues latérales

69      La chambre de recours, qui d’ailleurs n’a pas pris en considération la vue « fig.1 » du brevet antérieur, a estimé que l’impression globale sera déterminée dans une large mesure par les côtés latéraux des parapluies couverts par le brevet antérieur et par les dessins ou modèles contestés. La vue latérale serait ainsi principalement déterminée par l’aspect général de la toile, qui contribuerait dans les cas d’espèce à donner au parapluie couvert par le brevet antérieur et aux parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés plutôt le même aspect global en raison de l’apparence générale allongée et asymétrique « semblable à un bec » de la partie latérale.

70      La requérante met en cause tout d’abord le fait que la chambre de recours a comparé la section transversale du brevet antérieur et les vues latérales des dessins ou modèles contestés. De plus, elle fait valoir que les dessins ou dessins ou modèles contestés n’ont pas de « bec », car les parapluies qu’ils représentent ne se termineraient pas vers l’avant et vers l’arrière par des pointes comme le parapluie couvert par le brevet antérieur, mais par des panneaux. Enfin, ils produiraient une impression globale différente, le seul point commun étant le fait que les formes du parapluie couvert par le brevet antérieur et des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés sont asymétriques.

71      L’OHMI précise que, malgré l’existence de quelques différences quant à la forme des toiles du parapluie couvert par le brevet antérieur et des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés, l’asymétrie des parapluies, notamment le positionnement excentré du manche par rapport à la toile, constitue la caractéristique dominante du brevet antérieur et des dessins ou modèles contestés et que la chambre de recours, en faisant référence à la forme d’un « bec », aurait voulu faire valoir que le brevet antérieur et les dessins ou modèles contestés évoquent la même impression découlant du fait que l’un des côtés est plus court que l’autre. 

72      L’intervenante se rallie en substance à l’évaluation de la chambre de recours.

73      Quant à la comparaison de la section transversale du brevet antérieur et des vues latérales des dessins ou modèles contestés, il y a lieu d’observer que le brevet antérieur contient en principe une vue latérale, à savoir la figure n° 1 du brevet antérieur reproduite au point 5 ci-dessus. Cette vue n’a cependant pas été prise en compte par la chambre de recours. Étant donné que, premièrement, selon la description du brevet antérieur, « fig. 1 est une vue frontale vers le haut d’un parapluie asymétrique » et semble, dès lors, constituer uniquement un exemple général de ce type de produit et que, deuxièmement, ses coutures ne sont pas non plus très précises ou détaillées, cette figure n° 1 ne saurait être considérée comme étant une reproduction précise de la vue latérale du parapluie couvert par le brevet antérieur.

74      En absence d’une reproduction précise de la vue latérale, le brevet antérieur se limite donc à fournir une section transversale du parapluie qui doit être prise en compte pour l’analyse des autres perspectives, notamment latérale, dans la mesure où ces autres vues peuvent être déduites des éléments fournis par la section transversale. En l’espèce, les éléments déductibles sont notamment la forme de la toile et le positionnement excentré du manche par rapport à la toile.

75      Concernant la forme de la toile, il ressort de la section transversale du brevet antérieur que la partie arrière de la toile est courbée, tandis que celle du parapluie en cause dans l’affaire T‑22/13 est droite et que celle du parapluie en cause dans l’affaire T‑23/13 est composée de deux baleines droites pliées. De surcroît, le parapluie couvert par le brevet antérieur dispose d’un dessus plat qui couvre environ un quart du diamètre du parapluie et qui laisse apparaître une surface plane considérable. Selon le descriptif du brevet antérieur, les baleines 24, 22 et 36 relient, de façon courbée, les extrémités de ces baleines au point central du parapluie (10), tandis que les lignes 26, 28, 30, 32 et 34 forment, selon la figure 2 et selon la description du brevet, ladite surface plane.

76      Il ressort de ces considérations, portant sur l’interprétation de la vue latérale de la toile du parapluie couvert par le brevet antérieur telle qu’elle résulte logiquement de la section transversale et de la description du parapluie dans le brevet, que ce parapluie sera caractérisé par une forme asymétrique très particulière en ce qu’il comprend une surface plane. Qui plus est, la profondeur de la toile du parapluie couvert par le brevet antérieur apparaît beaucoup plus grande que celle des dessins ou modèles contestés. Quant à la forme des toiles, celle du brevet antérieur correspond plutôt à une calotte marquée par des contours latéraux courbés et une surface plane au milieu, alors que le dessin ou modèle contesté dans l’affaire T‑22/13 revêt une forme pyramidale irrégulière et que le dessin ou modèle contesté dans l’affaire T‑23/13 revêt une forme quasi-pyramidale avec des contours latéraux marqués par des baleines faites de pièces droites. Partant, il y a lieu de conclure que la vue latérale de la toile du brevet antérieur comporte des différences significatives par rapport aux toiles des dessins ou modèles contestés.

–       Sur la comparaison des vues du dessous

77      La chambre de recours a estimé que l’impression globale sera principalement déterminée non seulement par les côtés latéraux, mais également par les côtés inférieurs du brevet antérieur et des dessins ou modèles contestés. Elle n’a toutefois pas examiné de manière approfondie la vue du dessous et s’est bornée à souligner que chacun des parapluies comparés compte huit baleines visibles depuis le dessous, que les proportions des toiles et la configuration des panneaux sont visibles depuis le dessous, mais que la perception des courbes précises des baleines vues du dessous serait moins évidente pour l’utilisateur averti.

78      La requérante estime que la vue du dessous amènerait l’utilisateur averti à remarquer l’allure générale du dessus du parapluie et en particulier la forme de la toile. De plus, l’utilisateur averti qui regarde vers le haut des parapluies se rendrait compte des constructions des baleines, des proportions et des formes très différentes du parapluie couvert par le brevet antérieur et des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés.

79      L’OHMI et l’intervenante se rallient en substance à l’analyse de la chambre de recours.

80      Il y a lieu de constater que ni le brevet antérieur ni les dessins ou modèles contestés ne contiennent une vue du dessous. Par conséquent, les vues du dessous ne peuvent être prises en compte que dans la mesure où elles sont déductibles des autres vues. Ainsi, la vue du dessous correspond à la vue du dessus en ce que l’utilisateur pourrait reconnaître la configuration des panneaux, leurs proportions et les formes courbées, plates ou droites des toiles. Pour autant que le brevet antérieur reproduise le mécanisme des baleines (Fig. 3), il est possible d’en déduire la vue du dessous des baleines, notamment le fait que celles-ci ne se réunissent pas de façon droite et directe au manche, mais qu’elles sont orientées de façon excentrique vers l’embout (Fig. 3 n° 40) du parapluie. Quant aux dessins ou modèles contestés, il est possible de déduire des vues du dessus notamment le fait que les baleines sont reliées aux plis qui se forment entre les panneaux.

81      Il ressort de ce qui précède que, pour autant que ces vues puisse être comparées, les vues du dessous comportent également des différences.

–       Appréciation des comparaisons effectuées

82      La chambre de recours a considéré que les impressions globales produites par le parapluie couvert par le brevet antérieur et les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés étaient principalement déterminées par les côtés inférieurs et latéraux, que l’utilisateur averti prêterait son attention aux structures de base simples et non aux détails et que tous les parapluies examinés auraient en substance la même apparence allongée et asymétrique et qu’ils produiraient en substance la même impression globale.

83      La requérante fait valoir que, notamment en vertu des différences identifiées pour une vue du dessus et des côtés, l’impression globale produite par les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés était différente de celle produite par le parapluie couvert par le brevet antérieur.

84      Selon l’OHMI la principale caractéristique du brevet antérieur et des dessins ou modèles contestés est le positionnement excentré du manche par rapport à la toile. L’impact d’une telle caractéristique inhabituelle serait « plus important », car l’utilisateur averti n’aurait qu’un seul point de comparaison. La situation de l’espèce serait comparable à une situation dans laquelle une personne qui n’a jamais vu un avion considérerait, si elle était confrontée avec les images d’un Airbus A 380 et d’un Concorde, que ces deux avions sont substantiellement similaires.

85      L’intervenante invoque notamment l’importance de la vue du dessous, car l’utilisateur verrait le parapluie surtout lors de son usage. De plus, l’intervenante considère que l’apparence générale allongée et asymétrique est l’aspect le plus important commun du parapluie couvert par le brevet antérieur et des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés, alors que les différences invoquées par la requérante ne seraient que d’une importance mineure. Enfin, la forme des toiles des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés serait due à des contraintes aérodynamiques et ne pourrait donc pas être prise en considération lors de l’appréciation du caractère individuel.

86      Pour évaluer si les dessins ou modèles contestés ont un caractère individuel par rapport au brevet antérieur, il convient de tenir compte des comparaisons effectuées des différentes vues, du degré d’attention démontré par l’utilisateur averti ainsi que du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

87      Quant à l’utilisateur averti, la définition fournie par la chambre de recours, selon laquelle l’utilisateur averti est toute personne qui souhaite utiliser un parapluie, qui a besoin d’en acheter un et qui s’est renseignée sur le sujet, a été accueillie. De plus, l’utilisateur averti connaît les différents modèles de parapluie et les caractéristiques dont ils disposent normalement et fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé vis-à-vis des produits concernés.

88      Quant au degré de liberté du créateur, il a été considéré comme étant limité.

89      Concernant la comparaison entre le parapluie couvert par le brevet antérieur et les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés, il convient de constate que tous ces parapluies revêtent une apparence asymétrique en ce que leurs manches ont un positionnement décalé par rapport à leurs toiles.

90      Quant à la comparaison des différentes vues du parapluie couvert par le brevet antérieur et des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés, il a été constaté que les vues du dessus comportent des différences, que les vues du dessous, qui ne peuvent être prises en compte que dans la mesure où elles sont déductibles des autres vues, comportent les mêmes différences et que, concernant les vues latérales, s’agissant de la vue latérale du brevet antérieur dans la mesure où elle peut être déduite de l’intersection transversale (Fig. 3), celles-ci comportent des différences significatives.

91      Le parapluie couvert par le brevet antérieur dispose d’une surface plane au milieu et se caractérise par des contours latéraux courbés qui reposent sur un octogone régulier, tandis que le dessin ou modèle contesté dans l’affaire T‑22/13 revêt une forme pyramidale irrégulière et que le dessin ou modèle contesté dans l’affaire T‑23/13 possède une forme quasi pyramidale avec des contours latéraux légèrement pliés et marqués par des baleines constituées d’éléments droits. Les parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés reposent, en outre, chacun sur un octogone allongé et irrégulier.

92      Le parapluie couvert par le brevet antérieur dispose de baleines courbées, tandis que le dessin ou modèle contesté dans l’affaire T‑22/13 dispose de baleines droites et que le dessin ou modèle contesté dans l’affaire T‑23/13 possède deux baleines à l’arrière constituées de trois élément droits pliés vers l’arrière ainsi que six baleines constituées de deux éléments droits pliés vers l’avant ou vers les côtés.

93      Compte tenu de ces observations, il convient de constater que ce sont les formes des toiles qui caractérisent les impressions globales produites par le brevet antérieur et par les dessins ou modèles contestés et qui donnent à chacun des parapluies examinés un caractère très particulier et, par conséquent, individuel au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002.

94      Cette conclusion ne saurait être mise en cause par les arguments avancés par l’OHMI et l’intervenante.

95      Premièrement, concernant la comparaison entre la situation de l’espèce et la situation où quelqu’un qui n’a jamais vu un avion au préalable verrait pour la première fois de sa vie un Concorde et un Airbus A 380, il y a lieu de constater le cas d’un utilisateur qui est confronté pour la première fois à un parapluie asymétrique ne peut être assimilé à celui décrit par l’OHMI. L’apparence d’un parapluie asymétrique peut être considérée comme étant innovatrice voire originale, mais elle n’est pas frappante au point qu’un utilisateur en perdrait de vue toutes les autres caractéristiques marquantes de ce parapluie. De plus, l’argumentation de l’OHMI aurait pour conséquence que le titulaire du premier design enregistré pour un nouveau produit pourrait empêcher la protection de tout dessin ou modèle ultérieur concernant la même catégorie de produits au seul motif que le caractère nouveau et inhabituel du design du premier modèle ne permettrait plus d’identifier et de percevoir les différences des modèles ultérieurs ou, autrement dit, que le premier design protégé exclurait, pour la durée de sa protection, tout futur design concernant le même type de produit. Il va de soi que tel ne peut nullement être le cas. Contrairement aux dires de l’OHMI, l’approche qu’il préconise ne ressort pas non plus de l’arrêt du 13 novembre 2012, Antrax It/OHMI – THC (Radiateurs de chauffage) (T‑83/11 et T‑84/11, Rec, EU:T:2012:592), dans lequel le Tribunal a exposé, au point 89, qu’une éventuelle saturation de l’état de l’art, découlant de l’existence alléguée d’autres dessins ou modèles de thermosiphons ou de radiateurs présentant les mêmes caractéristiques d’ensemble que les dessins ou modèles en cause, était pertinente, en ce qu’elle pouvait être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences de proportions internes entre ces différents dessins ou modèles. Il ne ressort nullement de cette jurisprudence que l’utilisateur confronté à deux designs nouveaux et inhabituels, qui comme en l’espèce revêtent toutefois des différences significatives, n’est plus en mesure de percevoir de telles différences, du seul fait que l’un des traits caractéristiques de ces dessins ou modèles coïncide.

96      Deuxièmement, quant à l’argument soulevé à plusieurs reprises par l’OHMI et l’intervenante selon lequel le positionnement décalé du manche par rapport à la toile est le point dominant du brevet antérieur et des dessins ou modèles contestés, de sorte qu’il domine la perception de l’utilisateur averti, il y a lieu d’observer que le positionnement décalé n’est que fortement perçu dès lors que la comparaison s’effectue uniquement par rapport à un modèle de parapluie normal, c’est-à-dire symétrique. En revanche, lorsque deux parapluies asymétriques doivent être comparés, le seul fait qu’ils possèdent tous deux une asymétrie n’exclut pas que l’impression globale produite par ces parapluies puisse être différente.

97      Troisièmement, le fait que l’utilisateur voit le parapluie notamment du dessous est également sans pertinence pour l’appréciation du caractère individuel des dessins ou modèles contestés. En donnant plus de poids à la perception des parapluies de la perspective du dessous, la chambre de recours méconnaît que les dessins ou modèles sont des droits qui protègent l’apparence telle qu’elle résulte des dessins concrets et non des perspectives qui n’ont pas été reproduites dans ces dessins. De plus, s’il fallait accorder à la perspective prise lors de l’usage une importance prépondérante pour l’évaluation de la perception d’une apparence par l’utilisateur, tous les objets que ce dernier enfile (comme les vêtements), porte (comme les chapeaux, bonnets, lunettes ou casques) ou sur, ou dans, lesquels il peut se trouver normalement (comme les vélos), seraient, en principe, dépourvus de caractère individuel puisque lors de l’usage ils n’ont aucune apparence distinctive (lunettes, casques, chapeaux) ou une apparence à peine perceptible, dont les contours sont similaires (vélos, vêtements). Il est évident qu’une telle conséquence ne correspond pas à la réalité, dans laquelle l’utilisateur fonde au contraire son choix d’acheter et sa décision d’utiliser ce genre d’objets dans la plupart des cas sur leurs designs. Qui plus est, même si lors de l’usage de certains produits l’utilisateur ne percevra leur design que d’une perspective limitée, il sera toutefois conscient de toutes les autres perspectives lors de l’utilisation.

98      Quatrièmement, la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles contestés ont chacun un caractère individuel par rapport au parapluie couvert par le brevet antérieur n’est pas en contradiction avec l’arrêt du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne avec ventilateur sur le dessus) (T‑10/08, EU:T:2011:446) cité par la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée. Cette affaire concernait une tondeuse à gazon. Le Tribunal, au point 22 de cet arrêt a constaté que l’utilisateur, debout derrière la tondeuse à gazon, voit le moteur d’en haut et voit donc principalement la partie supérieure du moteur. Il en résulte que la partie supérieure du moteur est déterminante pour l’impression globale produite par le moteur. À la différence des produits que l’utilisateur peut facilement tourner et ainsi observer de n’importe quelle perspective, le moteur d’une tondeuse à gazon ne peut que difficilement être regardé d’une perspective autre que du dessus. Il en va de soi qu’il ne fera pas preuve de tels comportements quand il observe, achète ou utilise une tondeuse. Cependant, il n’y a aucune raison de considérer que l’utilisateur averti ne devrait pas regarder un parapluie du dessus ou des côtés avant qu’il ne fasse son choix d’achat.

99      Cinquièmement, quant à l’argument soulevé notamment par l’intervenante et défendu également par l’OHMI dans ses observations finales lors de l’audience, selon lequel la forme de la toile est issue de contraintes aérodynamiques, raison pour laquelle elle ne pourrait donc pas être prise en considération, ou seulement à un moindre degré, lors de l’appréciation du caractère individuel du parapluie couvert par le brevet antérieur et des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés, il convient de rappeler que, selon l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

100    Le Tribunal observe, premièrement, que la chambre de recours, au point 29 de chacune des décisions attaquées, a uniquement considéré que « les différences entre les parapluies dépendent […] également de considérations aérodynamiques, et non seulement d’un souci purement esthétique ». De plus, elle n’a pas examiné dans quelle mesure les caractéristiques de l’apparence des dessins ou modèles contestés étaient « exclusivement » imposées par leur fonction.

101    Le Tribunal observe également que le règlement n° 6/2002 ne prévoit pas une limitation de protection quant aux dessins ou modèles et leurs caractéristiques qui remplissent (également) une fonction technique. C’est seulement dans le cas où une ou plusieurs caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement dictées par sa fonction technique que ledit règlement prévoit qu’une telle caractéristique ne doit pas être prise en compte aux fins de l’appréciation du caractère individuel. C’est dès lors à tort que la chambre de recours n’a accordé aux caractéristiques découlant également de la fonction anti-vent des parapluies couverts par les dessins ou modèles contestés qu’une importance réduite aux fins de l’évaluation du caractère individuel de ces dessins ou modèles.

102    Il ressort de tout ce qui précède que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les dessins ou modèles contestés n’ont pas de caractère individuel. Le second moyen soulevé par la requérante est donc fondé. Il y a dès lors lieu d’accueillir le recours et d’annuler la décision attaquée.

 Sur la demande présentée par l’intervenante visant à ce que le Tribunal déclare la nullité des dessins ou modèles contestés

103    En l’absence de tout argument soulevé par l’intervenante pour justifier sa demande visant à ce que le Tribunal déclare la nullité des dessins ou modèles contestés, ladite demande ne peut qu’être rejetée.

Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante a conclu à ce que l’intervenante soit condamnée à supporter ses propres dépens et ceux de la requérante et que l’OHMI soit condamné à supporter ses propres dépens. Dès lors, la requérante n’a pas conclu à ce que l’OHMI soit condamné aux dépens. Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner l’intervenante à supporter, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de la requérante. La requérante supportera deux tiers de ses propres dépens et l’OHMI supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 26 septembre 2012 (affaires R 2453/2010‑3 et R 2459/2010‑3) sont annulées.

2)      Impliva BV supportera, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de Senz Technologies BV.

3)      Senz Technologies supportera deux tiers de ses propres dépens.

4)      L’OHMI supportera ses propres dépens.