Cass. com., 2 novembre 2016, n° 14-18.352
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lesourd, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 février 2014) et les productions, que, par une ordonnance du 12 octobre 2011, une procédure de conciliation a été ouverte à l'égard de la société Iris ; que cette société a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 6 juin 2012 constatant sa cessation des paiements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Iris fait grief à l'arrêt de confirmer l'ouverture de son redressement judiciaire alors, selon le moyen, que l'ouverture d'une procédure de redressement à l'égard d'un débiteur personne morale qui bénéficie ou a bénéficié d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent doit être examinée en présence du ministère public ; qu'en l'espèce, bien que la société Iris ait bénéficié d'une procédure de conciliation moins de dix huit mois avant l'ouverture de la procédure, il ressort de l'arrêt que l'affaire a uniquement été communiquée au ministère public, sans qu'il ait été présent lors de l'audience ; que la cour d'appel a donc violé les articles L. 621-1 et L. 631-7 du code de commerce ;
Mais attendu que l'administrateur du redressement judiciaire ayant contradictoirement versé aux débats le registre de l'audience du 16 janvier 2014, au cours de laquelle la cour d'appel a examiné le recours formé par la société Iris contre le jugement ouvrant son redressement judiciaire, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le ministère public y était représenté par un substitut du procureur général ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Iris fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°) que l'état de cessation des paiements doit s'apprécier au jour où la cour statue ; qu'en se fondant dès lors sur la situation de la débitrice arrêtée au 31 décembre 2011, puis au 6 juin 2012, puis au 9 septembre 2013, motifs inopérants à caractériser l'état de cessation des paiements au 27 février 2014, date à laquelle elle statuait, et en particulier sans tenir compte des pièces produites par la société Iris et montrant, à cette date, la diminution de son passif exigible et l'augmentation de son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
2°) que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en se bornant à relever que la débitrice avait accepté, pour assurer sa survie, d'élaborer un plan de redressement sur la base d'un montant de passif égal à 7 813 465 euros, motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque de la société Iris de renoncer à faire juger, dans le cadre d'une instance distincte, que le montant de son passif était en fait très inférieur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°) que la cour d'appel a elle-même constaté que le montant du passif exigible, hors créances contestées, s'élevait au maximum à 9 113 465 euros – 4 321 926, 83 euros (créances contestées) – 1 004 348, 40 euros (créance bénéficiant d'un moratoire), soit au maximum, même à tenir ces chiffres pour exacts, au montant de 3 787 189, 77 euros ; qu'en en déduisant pourtant que « le passif exigible, en faisant abstraction des créances contestées, s'établit d'ores et déjà à une somme de l'ordre de 5 millions d'euros », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
4°) que le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Iris expliquait dans ses conclusions d'appel que l'intégralité de la créance de l'URSSAF était contestée ; qu'en jugeant pourtant que le montant contesté par la débitrice de la créance de l'URSSAF ne s'élevait qu'à 404 130 euros, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, d'une part, constaté que sur les 3 851 655, 54 euros déclarés par l'URSSAF, le juge-commissaire avait, dans le cadre d'une ordonnance frappée d'appel, retenu une créance de l'URSSAF à hauteur de 1 604 050 euros, preuve que la débitrice contestait la créance de l'URSSAF à concurrence de plus de 2, 2 millions d'euros ; qu'en jugeant pourtant, d'autre part, que le montant contesté par la débitrice de la créance de l'URSSAF ne s'élevait qu'à 404 130 euros, la cour d'appel a entaché sa décision d'une irréductible contradiction entre motifs de fait, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) que ne doit pas être pris en compte, pour calculer le passif exigible devant permettre ou non l'ouverture d'une procédure collective, le passif qui n'a été rendu exigible que par l'effet du jugement d'ouverture ; qu'en jugeant pourtant que la somme de 742 201, 51 euros faisait partie du passif exigible dès lors que, si la société Iris avait bénéficié d'un moratoire pour cette créance, elle ne justifiait pas d'un nouveau moratoire accordé après l'interruption de l'échéancier ayant fait suite au jugement d'ouverture, la cour d'appel a pris en compte un passif rendu exigible par l'effet du jugement d'ouverture et a donc violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;
7°) que la charge de la preuve de la cessation des paiements repose sur celui qui demande l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en reprochant dès lors à la société Iris de ne pas démontrer que la variation de la créance détenue par l'URSSAF serait telle qu'elle soit en mesure de faire face au passif exigible avec son actif disponible, de ne pas justifier d'une réserve de crédit suffisante, de ne pas prouver que ses créances clients seraient immédiatement recouvrables, et de ne même pas établir que ces créances seraient immédiatement mobilisables par le biais d'une cession Dailly ou d'un escompte, la cour d'appel, qui a imposé à la débitrice de prouver qu'elle n'était pas en cessation des paiements, a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;
8°) que le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Iris ne soutenait nullement que les sommes de son compte « créances clients » et les sommes qu'elle comptait obtenir via une cession ou un escompte de ses créances devaient se cumuler, ne retenant au contraire dans le calcul de son actif disponible que le montant immédiatement mobilisable au titre de la cession ou de l'escompte ; qu'en jugeant pourtant que la débitrice comptabiliserait les mêmes sommes « deux fois, s'agissant de sommes octroyées en contrepartie d'une cession de créances », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Iris, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est prononcée à la date de son arrêt, n'a pas retenu, contrairement à l'allégation de la deuxième branche, un passif non contesté de 7 813 465 euros, mais a seulement indiqué que c'est sur la base de ce montant que la société élaborerait, par la suite, un plan de redressement ; que, sans affirmer, non plus, contrairement à l'allégation de la quatrième branche, que la créance de l'URSSAF n'était contestée qu'à concurrence de 404 130 euros, l'arrêt se bornant sur ce point à citer, sans en tirer de conséquences, l'état des créances, la cour d'appel, qui ne s'est donc pas davantage contredite, contrairement à l'allégation de la cinquième branche, et n'avait pas à déduire, à la date où elle statuait, la dette fiscale exigible de 742 201, 51 euros, mentionnée par la sixième branche, a retenu que le passif exigible non contesté était, en définitive, de l'ordre de 5 000 000 euros ; que pour faire face à ce montant, même ramené à celui de 3 787 189, 77 euros pour tenir compte de l'erreur de calcul dénoncée par la troisième branche, la cour d'appel a retenu que la société Iris ne faisait elle-même état, à la date de l'arrêt, que d'un actif disponible insuffisant de l'ordre de 1 300 000 euros, essentiellement déterminé « à partir du poste « créances clients » » qui n'est pas un élément d'actif disponible, sauf au débiteur à démontrer, comme l'arrêt l'énonce exactement, qu'il est réalisable à très court terme ; que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et quatrième branches et est inopérant en sa troisième, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.