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Décisions

CA Paris, 3e ch. C, 2 juillet 2003, n° 2002/12072

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ligne Bleue (SARL), Thevenot (ès qual.), Pierrel (ès qual.), Veneto (Sté), Stettler (Consorts)

Défendeur :

Bernasconi, Pierrel (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albertini

Conseillers :

Mme Le Jan, M. Bouche

Avocats :

SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, Me Blech, Me Gourlaouen, Me Favier, Me Rommelfangen, Me Heit

T. com. Paris, 11e ch., du 8 avr. 2002

8 avril 2002

Vu l’appel déclaré par Me Christophe Thevenot, agissant en qualité de mandataire ad hoc de la S.A.R.L. Ligne bleue, contre le jugement rendu le 8 avril 2002 par le tribunal de commerce de Paris, qui :

-  déboute la S.A.R.L. Ligne bleue et MM. Jean-Louis et Philippe Stettler de leurs demandes, fins et conclusions au titre de l’exception de nullité de la procédure pour défaut de base légale,

-  déboute la S.A.R.L. Ligne bleue et MM. Jean-Louis et Philippe Stettler de leurs demandes, fins et conclusions au titre de la violation de l’article L. 621-4 du code de commerce, du défaut de pouvoir du liquidateur et de l’exception de sursis à statuer,

-  déboute la S.A.R.L. Ligne bleue et MM. Jean-Louis et Philippe Stettler de leurs demandes, fins et conclusions au titre de l’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

-  renvoie l’affaire a une audience ultérieure pour plaidoiries sur le fond ;

Vu l’appel déclaré par la selafa M.J.A., agissant en la personne de Me Jean-Claude Pierrel, ès qualités de représentant des créanciers et de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Veneto et de la S.A.R.L. Ligne bleue, contre le jugement rendu le 24 juin 2002 par le tribunal de commerce de Paris, qui étend à la S.A.R.L. Ligne bleue la procédure de redressement ouverte le 6 mars 1997 à l’encontre de la S.A.R.L. Traiteur Veneto restauration, convertie en liquidation judiciaire le 9 juin 1998, dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun, fixe provisoirement au 6 septembre 1995 la date de la cessation des paiements, nomme la Selafa M.J.A., en la personne de Me Pierrel, représentant des créanciers et liquidateur judiciaire, dit n’y avoir lieu a extension de la procédure à l’encontre de MM. Jean-Louis et Philippe Stettler et déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Vu l’ordonnance rendue le 9 août 2002 par le Premier Président, qui arrête l’execution provisoire de plein droit attachée au jugement du 24 juin 2002 ;

Vu l’ordonnance de jonction rendue le 5 septembre 2002 par le conseiller de la mise en état ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 10 janvier 2003 pour la société Ligne bleue et Me Christophe Thevenot, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Ligne bleue et pour M. Philippe Stettler qui prient la cour de :

-  reformer le jugement rendu le 8 avril 2002,

-  juger nulles les assignations délivrées par Me Pierrel, ès qualités, pour défaut de qualité et de pouvoir pour agir du liquidateur et, subsidiairement pour défaut de base légale”,

-  juger nuls les deux jugements dont appel, pour défaut de publication du nom du juge-commissaire ayant fait rapport au tribunal,

-  subsidiairement, d’annuler la procédure diligentée a la requête du liquidateur pour violation des dispositions d’ordre public exigeant la convocation du représentant des créanciers de la S.A.R.L. Ligne bleue et à défaut, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir du tribunal de grande instance de Saint-Dié sur la pérennité du bail,

sur le fond de,

-  réformer le jugement du 24 juin 2002,

-  débouter Me Pierrel, ès qualités, de l’ensemble de ses demandes,

-  constater la résiliation de plein droit du contrat de location-gérance du 10 novembre 1995 postérieurement au 9 juin 1998, date de la liquidation judiciaire de la société Veneto,

-  annuler le rapport d’expertise judiciaire déposé le 16 mai 2001 par Mme Liger ;

***

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 6 février 2003 pour la selafa MJA, agissant en la personne de Me Jean-Claude Pierrel, agissant en sa qualité de représentant des créanciers et de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Veneto et de la S.A.R.L. Ligne Bleue, et pour Me Jean-Claude Pierrel agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Veneto et de la société ligne bleue, intervenant en tant que de besoin et comme tel appelant à la suite de l’ordonnance susvisée du Premier Président en date du 9 aout 2002, qui prient la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8 avril 2002,

-  confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 24 juin 2002, en ce qu’il étend la liquidation judiciaire de la société Veneto a la société Ligne bleue,

-  infirmer ce dernier jugement en ce qu’il refuse d’étendre cette procédure a rencontre de MM. Jean-Louis et Philippe Stettler,

-  dire que la société Ligne bleue a commencé à détourner la clientèle de la société Veneto après avoir changé à cette fin son objet social et s’être installée dans les locaux de la société Veneto,

-  dire que celle-ci qui était in bonis n’a jamais proteste centre ce procédé,

-  dire que le contrat de location-gérance du fonds de commerce de la société Veneto au profit de la société ligne bleue, souscrit pendant la période suspecte de la société Veneto, avait pour objet de permettre la continuation de l’activité sociale au profit du groupe familial Stettler en ne réglant pas le passif de la société Veneto,

-  dire que la société Ligne bleue et/ou MM Jean Louis et Philippe Stettler ont parachevé cette tentative de détournement en tentant de faire disparaitre le droit au bail de la société Veneto,

-  dire qu’à cette fin ils se sont abstenus de régler au bailleur les loyers que devait pourtant payer la société Ligne bleue aux lieu et place de la société Veneto et que cette dernière n’a jamais émis de protestation alors qu’elle était in bonis,

-  entériner le rapport de l’expert judiciaire en ce qu’il constate l’existence d’un seuil et même fonds de commerce sur place au lieudit les Pêcheries à Saint-Dié,

-  dire que les éléments corporels du fonds de la société Veneto ont été détournés par la société Ligne bleue,

-  dire qu’il s’en déduit qu’il existait entre les sociétés Veneto et Ligne bleue, animées par Jean Louis et Philippe Stettler, des relations anormales au regard de l’intérêt de la société Veneto,

-  dire que de ce fait, les sociétés Veneto et Ligne bleue sont fictives, n’ayant en réalité pour objet que de servir d’écran aux activités poursuivies par Jean Louis et Philippe Stettler dans leur intérêt personnel,

-  étendre par voie de conséquence la liquidation judiciaire de la société Veneto a la société Ligne bleue ainsi qu’à MM Jean Louis et Philippe Stettler,

-  condamner la société Ligne bleue et MM Jean Louis et Philippe Stettler aux entiers dépens ;

***

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 24 février 2003 pour M. Jean-Louis Stettler qui prie la cour de :

-  confirmer le jugement rendu le 24 juin 2002 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle dit n’y avoir lieu d’étendre la procédure à son encontre,

-  à défauts de juger que Me Pierrel n’établit pas la fictivité du bail commercial par rapport aux activités des sociétés Veneto et Ligne bleue, ni la confusion des patrimoines entre l’indivision Stettler-Casteiltort et les sociétés Veneto et Ligne bleue, ni enfin la qualité de dirigeant de fait de M. Jean-Louis Stettler, “ni sur la société Veneto ni sur la société Ligne bleue”,

-  constater que Me Pierrel, ès qualités, ne poursuit en réalité que l’extension de la procédure ouverte à l’encontre de la société Veneto à l’égard de la société Ligne bleue,

-  en conséquence débouter purement et simplement Me Pierrel, ès qualités, de ses demandes formulées à l’encontre de Jean-Louis Stettler,

-  condamner Me Pierrel, ès qualités, à verser à M. Jean-Louis Stettler la somme de 3.000 €, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3.000 €, par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

***

Vu les conclusions d’intervention volontaire et au fond déposées au greffe le 21 janvier 2003 pour M. Christophe Bernasconi, délégué du personnel suppléant de la société Ligne bleue en remplacement de M. Thomas, qui prie la cour de :

-  dire son intervention volontaire recevable et fondée par application de l’article 330 du nouveau code de procédure civile,

-  constater qu’en sa qualité de délégué du personnel suppléant M. Bernasconi présente personnellement un moyen d’annulation du jugement pour vice de forme “du jugement déféré”,

-  infirmer “le jugement avant dire droit” rendu le 8 avril 2002, en ce qu’il a rejeté le moyen d’annulation de sa saisine tirée de l’absence de convocation régulière du délégué du personnel de la société Ligne bleue,

-  donner acte à M. Bernasconi de ce qu’il s’en remet à l’argumentation développée par la société Ligne bleue au soutien de son appel principal,

-  reformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 juin 2002,

-  condamner Me Pierrel, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Veneto, à verser à M. Bernasconi la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant que la société Veneto a été constituée en 1974 pour exploiter à Saint-Dié, lieudit “ La pêcherie”, un fonds de commerce de restaurant pizzeria; que jusqu’en 1996 la famille Stettler détenait les 660 parts composant le capital social ; que, suivant acte en date du 28 juin 1996 enregistre le 18 novembre 1996, M. Jean-Louis Stettler et madame Jacqueline Menigoz, son épouse, ont cédé leur participation, respectivement 452 parte et 40 parts, à une société de droit luxembourgeois dénommée Gelied ;

qu’initialement immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Dié, elle a transféré son siège à Paris en 1990 ; qu’elle a eu pour gérant, successivement, M. Jean-Louis Stettler et M. André Stettler ; que suivant acte en date du 10 novembre 1995, elle a donné son fonds de commerce en location- gérance a la société La ligne bleue ;

Considérant que la société La ligne bleue a été constituée sous la forme à responsabilité limitée en 1990 ; que Jean-Louis Stettler, Jacqueline Stettler et Philippe Stettler, son gérant, détenaient 75% de son capital ; qu’elle a modifié son objet social initial dédié à la vente au détail de vêtements pour dames en y ajoutant la restauration commerciale et collective à 1’occasion de la prise en location-gérance du fonds de commerce de la société Veneto ;

Considérant que, sur assignation de I’U.r.s.s.a.f., la société Veneto a été mise en redressement judiciaire par un jugement, rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 mars 1997, qui a fixé au 6 septembre 1995 la date de la cessation des paiements et a désigné Me Facques en qualité d’administrateur et Me Pierrel en qualité de représentant des créanciers ; qu’un jugement rendu le 9 juin 1998 a prononcé la liquidation judiciaire et désigné Me Pierrel en qualité de liquidateur judiciaire ; que le passif vérifié s’élève à la somme de 925.732,32 € (6.072.406,04 francs), dont 231.115,68 € (1.516.295 francs) admis à titre provisionnel et 805.057,34 € (5.280.830 francs) à titre définitif;

Considérant que Me Pierrel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Veneto a assigne la société Ligne bleue, M Jean-Louis Stettler et M. Philippe Stettler à comparaitre devant le tribunal de commerce de Paris auquel il était demande de :

-  dire que la société Ligne bleue a commencé à détourner la clientèle de la société Veneto après avoir changé à cette fin son objet social et s’être installée dans les locaux de la société Veneto,

-  dire que celle-ci qui était in bonis n’a jamais protesté contre ce procédé,

-  dire que le contrat de location-gérance du fonds de commerce de la société Veneto au profit de la société Ligne bleue, souscrit pendant la période suspecte de la société Veneto, avait pour objet de permettre la continuation de l’activité au profit du groupe familial Stettler en ne réglant pas le passif de la société Veneto,

-  dire que la société Ligne bleue et/ou MM. Jean-Louis Stettler et Philippe Stettler ont parachevé cette tentative de détournement en tentant de faire disparaitre le droit au bail de la société Veneto,

-  dire qu’à cette fin ils se sont abstenus de régler au bailleur les loyers que devait pourtant payer la société Ligne bleue aux lieu et place de la société Veneto et que cette dernière n’a jamais émis de protestation alors qu’elle était in bonis,

-  entériner le rapport de l’expert judiciaire en ce qu’il constate l’existence d’un seul et même fonds de commerce sur place au lieudit Les pêcheries à Saint-Dié,

dire qu’il s’en déduit qu’il existait entre les sociétés Veneto et Ligne bleue, animées par Jean Louis et Philippe Stettler, des relations anormales au regard de l’intérêt de la société Veneto,

-  dire que de ce fait, les sociétés Veneto et Ligne bleue sont fictives, n’ayant en réalité pour objet que de servir d’écran aux activités poursuivies par Jean Louis et Philippe Stettler dam leur intérêt personnel,

-  étendre par voie de conséquence la liquidation judiciaire de la société Veneto a la société Ligne bleue ainsi qu’a MM Jean Louis et Philippe Stettler,

-  ordonner l’execution provisoire,

- dire que la procédure se poursuivra sous patrimoine commun, la date de la cessation des paiements étant celle de la société Veneto, soit le 6 septembre 1995 ;

Considérant que tel est le contexte dans lequel sont intervenus les jugements déférés ;

Considérant que le personnel de la société Ligne bleue est au premier chef concerne par une éventuelle ouverture d’une procédure collective à 1’encontre de l’employeur, la société Ligne bleue ; d’où il suit que M. Bernasconi, délégué du personnel de cette société justifie d’un intérêt, pour la conservation des droits du personnel dont il est le délégué, à appuyer les prétentions de la société et que son intervention volontaire accessoire est recevable ;

Considérant que la société Ligne bleue, Me Thevenot, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Ligne bleue et M. Philippe Stettler soutiennent que Me Pierrel était dépourvu de pouvoir ou de qualité pour agir parce que, selon eux. Me Pierrel étant associé dans une société d’exercice libéral a forme anonyme “M.J.A.”, dont l’activité a commencé le 12 novembre 2001, les actes par lui accomplis auraient dû être effectués ou ratifiés par la personne morale et toutes les instances engagées antérieurement reprises ou continuées par cette dernière, ce qui n’a pas été fait ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 812-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux fails de l’espèce, Nul ne peut exercer les fonctions de mandataire judiciaire a la liquidation des entreprises, dans une procédure de redressement judiciaire, s ’il n ’est inscrit sur la liste établie à cet effet par une commission instituée au siège de chaque cour d'appel. ;

Considérant que Me Pierrel, inscrit sur la liste instituée pour le ressort de la cour d’appel de Paris, usant de la faculté reconnue aux mandataires judiciaires par l’article L. 812-5 du code de commerce, de constituer entre eux, pour l’exercice en commun de leur profession, une société d’exercice libéral, a constitué, avec d’autres mandataires inscrits sur la liste, la société selafa M.J.A. ;

que la constitution de cette société d’exercice professionnel, n’a pas eu pour effet de priver Me Pierrel, en toute hypothèse mandataire inscrit sur la liste, de sa qualité d’organe de la procédure de liquidation judiciaire de la société Veneto et du pouvoir d’engager une procédure d’extension en cette qualité ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Considérant que la société Ligne bleue, Me Thevenot, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Ligne bleue, et M. Philippe Stettler soutiennent encore que la procédure est nulle des lors que le représentant du personnel n’a pas été convoqué ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-4 du code de commerce, Le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil [...] les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ;

Considérant certes qu’est mise aux débats une convocation portant date du 12 février 2002 adressée a “M. le représentant des salariés de la S.A.R.L. Ligne bleue” 16 rue des marchands 68.000 Colmar, invitant le destinataire à se présenter le 4 mars 2002 à 14 heures trente, 11 ème chambre supplémentaire, 1er étage, pour être entendu par le tribunal en chambre du conseil, afin de statuer sur la demande d’extension de la procédure ouverte à l’encontre de la S.A.R.L. traiteur Veneto restauration à la S.A.R.L. Ligne bleue et à Mrs Stettler, sous patrimoine commun. ” ;

Considérant cependant que cette convocation ne précise pas le nom de son destinataire, de surcroit qualifié de manière erronée de représentant des salariés, et qu’elle ne satisfait, en toute hypothèse, pas aux exigences de l’article ci-dessus reproduit, lesquelles prescrivent la convocation des représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délègues du personnel; qu’il n’est dès lors pas établi que M. Thomas, alors délégue du personnel, a été appelé en chambre du conseil; d’où il suit que la disposition d’ordre public de l’article L. 621-4 alinéa premier du code de commerce n’a pas été respectée, que la procédure est viciée et que le jugement du 8 avril 2002 doit être annule ;

Considérant en outre qu’il n’est pas plus justifié d’une convocation du délégué du personnel à comparaitre en chambre du conseil le 29 avril 2002, avant que le tribunal ne statue sur le fond ; d’où il suit que pour le motif ci-dessus retenu et parce qu’il n’est intervenu qu’ensuite du jugement du 8 avril 2002, précédemment annulé, le jugement du 24 juin 2002 doit donc être annulé, mais seulement en ce qu’il étend à la société Ligne bleue la procédure de liquidation judiciaire, ouverte contre la société Veneto, tant il est vrai que l’absence de convocation du représentant du personnel ne fait pas grief aux droits de M. Philippe Stettler, visé, comme dirigeant personne physique, par la demande d’extension;

Considérant qu’avec la société Ligne bleue et Me Thevenot, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Ligne bleue, M. Philippe Stettler fait aussi grief au tribunal de s’être prononce après avoir entendu en son rapport un juge- commissaire dont la nomination n’a pas été publiée ; qu’il en veut pour preuve le fait que le jugement du 24 juin 2002 “maintient” M. Courbot juge- commissaire, alors qu’apparait sur les extraits à bis délivrés les 30 juin 2002 et 10 juillet 2002, le nom de M. Bonfils, qui avait été désigné comme juge-commissaire par le jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la S.A.R.L. Veneto et qui avait été, selon eux, remplacé par Mme Bellan-Gallix;

Mais considérant qu’en toute hypothèse, l’irrégularité alléguée ne fait pas grief à la personne physique recherchée comme dirigeant de droit ou de fait, puisque le tribunal n’a pas ordonné à son égard l’extension sollicitée par Me Pierrel, ès qualités ; d’où il suit que le moyen est inopérant et qu’il n’y a lieu a annulation de ces deux jugements en ce qu’ils statuent a l’égard de M. Philippe Stettler ;

Considérant qu’aux termes de l’article 11 du décret du 27 décembre 1985 applicable même dans le cas d’irrégularité affectant la saisine des premiers juges, La cour d’appel qui annule ou infirme un jugement de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire peut d’office soit ouvrir la procédure de redressement judiciaire, soit prononcer la liquidation judiciaire ;

Considérant qu’il y a lieu dès lors, tant en vertu de l’effet dévolutif de rappel, que par application de ces dernières dispositions, de statuer sur le fond, étant observé que la formalité du rapport du juge-commissaire n’est, en toute hypothèse, pas requise devant la cour ;

Considérant que Me Pierrel, ès qualités, soutient que les sociétés Veneto et Ligne bleue sont fictives des lors qu’elle n’ont en réalité pour objet que de ‘ servir d’écran aux activités poursuivies par Jean-Louis Stettler et Philippe Stettler dans leur intérêt personnel; qu’il fait observer que, mettant à profit le contrat de de location-gérance, souscrit pendant la période suspecte, qui la liait à la société Veneto, la société Ligne bleue a détourné la clientèle, le droit au bail et les éléments corporels du fonds de commerce de sa cocontractante au profit des consorts Stettler, “dans des conditions qui révèlent a l’évidence la fictivité sociale” ;

Considérant que la société Veneto, titulaire d’un bail commercial en date du 22 mai 1974, exploitait depuis 21 ans un fonds de commerce de pizzeria et restauration qu’elle a donné en location-gérance a la société Ligne bleue, suivant acte en date du 15 novembre 1995 ; que ce contrat précisait que les locaux se composaient d’ “une maison avec étage plus terrasse” et d’un sous-sol et qu’il prévoyait le versement d’une redevance mensuelle de 4% du chiffre d’affaires HT; que la société Ligne bleue s’engageait à régler les loyers au propriétaire des murs;

Considérant que les locaux qui faisaient l’objet du bail commercial en date du 22 mai 1974, appartenaient pour moitié indivisément a M et Mme Marpaux-Casteiltort, d’une part et, pour moitié à M et Mme Stettler-Menigoz indivisément d’autre part ; que l’immeuble avait fait l’objet d’une extension et d’agencements entre 1980 et 1989 ;

Considérant qu’il résulte d’un rapport établi par l’expert Lallemand à la demande de Me Facques, administrateur du redressement judiciaire de la société Veneto, que, par acte en date du 25 septembre 1985, non mis aux débats, les consorts Marpaux-Stettler avaient donné à bail commercial à la S.A.R.L. Ligne bleue une salle avec terrasse cuisine et réserve ; qu’il en résulte aussi que la société Ligne bleue exploitait, en définitive, dans un immeuble auquel l’on accédait par une entrée unique et qui réunissait en un tout indissociable et comportant une seule cuisine, les locaux loues a la société Veneto et ceux loués a la S.A.R.L. Ligne bleue ;

Considérant que pour autant, il ne saurait être utilement affirmé que ces deux personnes morales étaient fictives, alors que tout démontre la réalité de l’existence économique de chacune d’elles caractérisée par des activités commerciales propres au service d’intérêts distincts de M.M. Jean-Louis et Philippe Stettler ; qu’en effet la société Veneto avait vingt et une années d’existence lorsqu’elle a donné son fonds de commerce de restauration et pizzeria à la société La ligne bleue, elle-même constituée cinq ans auparavant et qui, de manière régulière, avait étendu son objet social afin de pouvoir exploiter le fonds de restauration pris en location-gérance, sans que l’on puisse y voir, tant s’en faut, la preuve d’une quelconque fictivité ;

Considérant certes, comme le relève Mme Marie-Louise Liger, désignée en qualité d’expert dans une instance de référé introduite par Me Pierrel devant le président du tribunal de commerce de Saint-Dié, qu’il n’apparait pas qu’il y ait eu antérieurement au contrat de location-gérance un quelconque fonds de commerce de restauration exploité par la société Ligne bleue ; qu’il ne s’en déduit pas pour autant, le rapport contractuel unissant les deux entités excluant nécessairement pareille hypothèse, que cette dernière a exploité, postérieurement a la signature de ce contrat, un fonds de restauration autre que celui appartenant à la société Veneto, si même, pour des raisons tenant à la configuration des lieux, le champ de l’activité a matériellement excédé les limites topographiques des locaux faisant l’objet du bail commercial consenti à la société Veneto :

Considérant qu’à les supposer établis, les fails de détournement de clientèle ne sauraient, en toute hypothèse, justifier une mesure d’extension ;

Considérant ensuite que seuls pouvant être retenus, pour justifier une éventuelle extension, des fails antérieurs à l’ouverture de procédure, Me Pierrel ne peut utilement se prévaloir, comme d’un agissement de nature à justifier l’extension sollicitée, de ce que, suivant contrat de bail commercial en date du 1er juillet 1998, enregistré le 3 novembre 1998, Mme Danièle Casteiltort, MM. Marc-Olivier Stettler et Jean-Charles Stettler et Mme Jacqueline Stettler ont loué a la société Ligne bleue une maison de 200 m2 au sol comprenant une rez-de-chaussée, un étage et une cave de 20 m2 ; que pas davantage, il ne peut utilement tirer argument de ce que suivant contrat de bail commercial en date du 25 septembre 1998, enregistre le 3 novembre 1998, Mme Daniele Casteiltort, MM. Marc-Olivier Stettler et Jean-Charles Stettler et Mme Jacqueline Stettler ont donné en location à la société Ligne bleue des locaux désignés comme dépendant de l’ensemble immobilier sis à la Pêcherie, 88100 Saint-Dié soit “une salle avec terrasse, cuisine et réserve” ;

Considérant enfin que, pas plus qu’elle n’est de nature à constituer la preuve d’une confusion des patrimoines, la communauté d’associés ne démontre la fictivité ; que le non-paiement des redevances de location-gérance n’est pas de nature à caractériser l’existence de relations anormales, alors surtout qu’il est intervenu après le mois de décembre 1997, postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire ;

Considérant que la preuve n’est pas apportée que les sociétés Veneto et Ligne bleue sont fictives et ont pour objet de servir d’écran aux activités poursuivies par M.M. Jean-Louis Stettler et Philippe Stettler dans leur intérêt personnel ; que Me Pierrel, ès qualités doit être débouté de ses demandes ;

Considérant cependant qu’il n’est pas établi que Me. Pierrel, ès qualités, a fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice de sorte que M. Jean-Louis Stettler doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l’équité commande de ne pas allouer d’indemnité de procédure ;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l’intervention volontaire accessoire de M. Christophe Bernasconi, ès qualités de délégué du personnel de la S.A.R.L. Ligne bleue,

Annule le jugement rendu le 8 avril 2002 par le tribunal de commerce de Paris,

Annule le jugement rendu le 24 juin 2002 par le tribunal de commerce de Paris, en ce qu’il étend à la société Ligne bleue la procédure de liquidation judiciaire, ouverte contre la société Veneto,

Statuant sur le fond, tant en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, que par application des dispositions de l’article 11 du décret du 27 décembre 1985,

Déboute Me Pierrel, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Veneto et la société M.J.A., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Veneto, de leur demande visant à voir étendre la liquidation judiciaire de la société Veneto à la société Ligne bleue,

Statuant, en ce qui concerne MM. Jean-Louis Stettler et Philippe Stettler, confirme le jugement rendu le 24 juin 2002 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il dit n’y avoir lieu à extension de la procédure a rencontre de MM. Jean-Louis et Philippe Stettler,

Déboute M. Jean-Louis Stettler de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure ;

Condamne Me Pierrel, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Veneto et la société M.J.A., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Veneto, aux entiers dépens de première instance et d’appel.