Décisions
CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 25 octobre 2017, n° 15/23774
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thaunat
Conseillers :
Mme Fremont, Mme Gil
Avocats :
Me Brillouet, Me De la Taille
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 29 novembre 2002, Monsieur Pierre M. a renouvelé le bail au profit de la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE portant sur des locaux à usage commercial à destination de café bar brasserie PMU FRANÇAISE DES JEUX dans un immeuble sis 7 Place Vauban à AVALLON (Yonne) pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er juin 2001.
Par acte authentique du 20 octobre 2007, Monsieur R. et son épouse Madame C. ont acquis l'immeuble précité sis 7 Place Vauban à AVALLON.
La SARL LE GRAND CAFE DE L'EUROPE a assigné le 11 juin 2013 Monsieur R. devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Auxerre aux fins de le voir condamner à lui payer à titre provisionnel une somme de 4 174 euros au titre de la répétition de l'indû, lequel, par ordonnance du 9 juillet 2013, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance.
Par jugement du 16 novembre 2015, sur l'assignation introduite par la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE le 22 juillet 2013 à l'encontre de Monsieur R., le tribunal de grande instance d'Auxerre a :
- Déclaré irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir la demande portant sur le remboursement des taxes pour la période 2002-20 octobre 2007,
- Rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action pour les demandes formulées au titre du prorata temporis de l'année 2007 et pour 2008,
- Condamné Monsieur R. à rembourser à la SARL LE GRAND CAFE DE L'EUROPE la somme de 3 944,31 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la somme de 275,54 euros au titre des frais d'acte,
- Débouté la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné Monsieur R. à payer à la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- Condamné Monsieur R. aux entiers dépens, avec autorisation de recouvrement direct au profit de la société civile professionnelle VIGNET.
Monsieur R. a relevé appel du jugement par déclaration du 25 novembre 2015.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2016, Monsieur R., appelant, demande à la Cour de :
- Le dire et juger recevable en son appel,
- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre du 16 novembre 2015 en ce qu'il a déclaré la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE irrecevable en sa demande de répétition de l'indu pour la période de 2002 au 20 octobre 2007,
- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre du 16 novembre 2015 en ce qu'il l'a débouté de son moyen tiré de la prescription,
Au surplus, et statuant à nouveau :
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser à la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE la somme de 3 994,31 euros et 2 75,54 € au titre des frais d'acte,
En conséquence,
- Débouter la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE de sa demande formulée au titre de la répétition de l'indu des taxes d'enlèvement des ordures ménagères du 20 octobre 2007 jusqu'au prononcé du jugement.
- Condamner la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE à lui payer à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les dépens de première instance, le coût des commandements de payer de Me SWIETECK à hauteur de 275.54 €.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 10 juin 2016, la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE, intimée, demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions; En conséquence :
- Dire que la TEOM n'entre pas dans la liste des charges contractuellement au débit du preneur.
- Condamner Monsieur R. à rembourser à la SARL Le Grand Café de l'Europe la somme de 3 944,31 au titre de la TEOM et 275,54 euros de frais d'acte avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2012, date de la mise en demeure,
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, conformément à l'article 1154 du code civil,
- Le condamner à payer la somme supplémentaire de 3.500 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner aux dépens d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.
La clôture est intervenue le 7 juin 2017.
Motifs
1°) MOTIFS
Tout d'abord la cour relève que dans leurs écritures, les parties ne critiquent pas le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir la demande de Monsieur R. portant sur le remboursement des taxes pour la période 2002-20 octobre 2007 et rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action pour les demandes formulées au titre du prorata temporis de l'année 2007 et pour 2008.
Sur le paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères :
L'appelant fait valoir que l'article R. 145-35 alinéa 3 du code de commerce dispose que peuvent être imputées au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ; que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est une taxe additionnelle à la taxe foncière dont elle est une composante faisant l'objet d'un rôle d'imposition unique et il reproche au tribunal de ne pas répondu sur la nature de cette taxe. Il ajoute que la TEOM constitue légalement une charge récupérable sur le locataire s'agissant d'un service public dont il bénéficie ; qu'il ne peut être fait de dichotomie entre la taxe relative à la propriété foncière et cette taxe au seul motif qu'elle n'est pas indiqué dans la clause relative à la taxe foncière que le locataire doit supporter.
La SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE rappelle que l'assiette des charges à récupérer auprès du locataire est de nature strictement contractuelle ; que le bail spécifie bien que le preneur n'est tenu que des contributions, taxes, charges et impôts qui lui sont personnels, exception faite de la taxe foncière; que la TEOM est une charge spécifique non visée dans le bail comme étant à charge du preneur ; qu'au surplus, et comme l'a retenu le tribunal, en cas d'ambiguïté le contrat s'interprète strictement au profit du preneur. Il conclut à la confirmation du jugement déferré.
Aux termes de l'article 5 du bail, page 5, relatif aux impôts, il est stipulé que le preneur acquittera ses contributions personnelles, taxe locative, taxe professionnelle, et généralement tous impôts, contributions et taxes auxquels il est assujetti professionnellement et dont le bailleur pourrait être responsable pour lui et à titre quelconque.
En page 7 du bail il est stipulé que 'La taxe foncière afférente aux biens loués sera supportée par le Preneur'.
En matière de bail commercial, les clauses sont d'interprétation stricte et s'interprètent en faveur de celui qui s'y oblige, en l'espèce la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE, locataire.
2°) Les dispositions de l'article R. 145-35 alinéa 3 du code de commerce visées par Monsieur R. selon lesquelles peuvent être imputées au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ne sont applicables qu'aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014. Monsieur R. ne peut donc pas s'en prévaloir, le bail liant les parties ayant été conclu antérieurement à la publication dudit décret.
En matière de bail commercial, pour les baux conclus antérieurement à la publication du décret précité, les charges pouvant être récupérées sur le preneur dépendent des stipulations contractuelles.
Si comme le relève Monsieur R. dans ses écritures, aux termes de l'article 1523 du code général des impôts, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est imposée au nom des
propriétaires ou usufruitiers redevables et exigible contre eux et leurs principaux locataires, il s'agit d'un impôt attaché à la qualité de propriétaire.
3°) Par application de l'article 1520 du code général des impôts, les collectivités territoriales qui assurent la collecte des déchets peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service. Il s'agit donc d'un impôt local facultatif qui, lorsqu'il est institué, porte sur les propriétés bâties assujetties à la taxe foncière. Cet impôt apparaît sur l'avis d'imposition du propriétaire relatif à la taxe foncière car son assiette est constituée par le revenu net cadastral servant de base au calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Il s'ensuit qu'il s'agit d'une taxe additionnelle à la taxe foncière et non d'une de ses composantes.
Ainsi dans la mesure où cette taxe n'est pas une composante de la taxe foncière mais une taxe additionnelle facultative attachée légalement à la qualité de propriétaire, elle doit expressément être mise à la charge du preneur par une stipulation expresse et dénuée d'ambiguïté du bail conclu entre les parties s'agissant d'un bail commercial.
Dans ces conditions, au regard des éléments qui précèdent, il convient d'interpréter strictement le contrat et de dire qu'en l'absence d'une clause explicite prévoyant la prise en charge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères par le preneur, la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE n'est pas redevable de ladite taxe et est bien fondée à en solliciter le remboursement.
Dans leurs écritures, les parties ne contestent pas le compte effectué entre elles par le tribunal de grande instance d'Auxerre, de sorte qu'il convient d'en adopter les entiers motifs.
Il convient par conséquent de confirmer le tribunal de grande instance d'Auxerre en ce qu'il a condamné
Monsieur R. à rembourser à la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE la somme de 3 944,31 au titre de la TEOM et 275,54 euros de frais d'acte avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2012, date de la mise en demeure.
La SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE sollicite en sus la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, demande à laquelle il sera fait droit par application de l'article 1343-2 du code civil (anciennement article 1154).
Monsieur R. succombant en son appel sera condamné aux dépens et à payer à la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE une indemnité qui sera en équité fixée à 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant, ordonne la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Condamne Monsieur R. à payer à la SARL LE GRAND CAFÉ DE L'EUROPE une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.