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Décisions

Cass. 3e civ., 13 novembre 1997, n° 95-21.311

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

Mme Stéphan

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

Me Capron, SCP de Chaisemartin et Courjon, Me Vuitton

Paris, du 20 juin 1995

20 juin 1995

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 1995), que Mme Y..., liquidateur judiciaire de la société Office diffusion international du livre (société ODIL) a, par acte sous seing privé du 2 décembre 1991, cédé le fonds de commerce de celle-ci à la société Collection ; que cet acte a été signifié à Mme X..., bailleresse des locaux pris à bail par la société ODIL ; que Mme X... a contesté en justice la cession du droit au bail comme étant intervenue en violation de la clause de garantie solidaire mise à la charge du cédant ; qu'elle a, par ailleurs, demandé des dommages-intérêts à la cessionnaire du bail pour suppression d'une cloison et modification de la distribution des locaux loués sans son autorisation ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la cession du bail, alors, selon le moyen, que le bail de l'espèce prévoit que le preneur prend l'engagement suivant : " ne pouvoir céder ni sous-louer, en tout ou en partie, aucun droit au présent bail, sous peine de résiliation, si ce n'est à un successeur dans son fonds de commerce et sous condition de rester garant et solidaire de son cessionnaire pour le paiement des loyers et l'exécution des conditions du bail " ; qu'il suit de cette stipulation que la fourniture de la garantie du preneur cédant est préalable à la cession, puisque l'existence de celle-ci en dépend, et que la cession, tant que la garantie du preneur cédant n'a pas été fournie, n'existe pas pour le bailleur ; qu'il appartenait, dès lors, à Mme Brigitte Y... et à la société Collection, si elles entendaient avoir recours à la faculté prévue par l'article 35-1, alinéa 2, du décret du 30 septembre 1953, d'obtenir, avant la cession, l'autorisation judiciaire de substituer à la garantie contractuelle la garantie bancaire proposée par le preneur cessionnaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 35-1, alinéa 3, du décret du 30 septembre 1953 ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'à la suite de la cession intervenue lors de la liquidation judiciaire le liquidateur n'était pas en mesure de garantir le paiement des loyers par la société Collection et que l'article 35-1, alinéa 3, du décret du 30 septembre 1953 laissait au tribunal la faculté d'accorder ou de refuser la substitution de garantie prévue par cet article sans qu'aucun délai n'ait été prévu pour sa saisine, laquelle pouvait intervenir à l'initiative de l'une ou de l'autre des parties, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1143 du Code civil, ensemble l'article 1134 du même Code ;

Attendu que le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; qu'il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice de dommages-intérêts s'il y a lieu ;

Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande de dommages-intérêts dirigée à l'encontre de la société Collection, qui avait supprimé une cloison et modifié la distribution des lieux loués sans son autorisation et ce en contravention aux clauses du bail, l'arrêt retient que Mme X... n'a subi aucun préjudice, et qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une atteinte à la solidité de l'immeuble ni d'une diminution de la valeur locative ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts dirigée à l'encontre de la société Collection pour suppression d'une cloison et changement de distribution, l'arrêt rendu le 20 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.