Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 3 décembre 2003, n° 02-10.890

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Paris, 16e ch. A, du 07 nov. 2001

7 novembre 2001

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 novembre 2001), qu'un jugement du 3 septembre 1996 a fixé à une certaine somme l'indemnité d'éviction due à la société Laurentex, preneuse à bail de locaux à usage commercial appartenant à la SCI Hemet Aubervilliers (SCI Hemet), et a condamné la locataire à payer une indemnité d'occupation annuelle à compter du 1er juillet 1994 jusqu'à la parfaite libération des lieux ; que, par ordonnance sur requête du 8 novembre 1996, l'Ordre des avocats du barreau de Paris a été désigné comme séquestre ; que le montant de l'indemnité d'éviction a été consigné le 5 février 1997 ; que la société Laurentex a quitté les lieux et remis les clefs le 28 février 1997 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu, qu'ayant relevé que le président du tribunal de grande instance, statuant comme en matière de référé, était compétent pour connaître de la demande en rétractation de l'ordonnance sur requête du 8 novembre 1996, la cour d'appel, qui a retenu qu'il n'y avait pas lieu de rétracter ladite ordonnance, qui n'avait qu'un caractère provisoire et dont les mesures étaient devenues caduques, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la société Laurentex, en tant que cessionnaire du droit au bail, avait accepté les clauses et conditions de ce bail et, en conséquence, de faire les travaux de remise en état concernant notamment l'électricité, l'ascenseur, la chape bitumeuse, ainsi que les réparations d'entretien courant ;

Attendu, d'autre part, que l'indemnisation du bailleur en raison de l'inexécution par le preneur des réparations mises à sa charge n'est pas subordonnée à l'exécution de ces réparations ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, que l'indemnité d'éviction n'emporte pas intérêts au taux légal au profit du preneur évincé durant le laps de temps où cette indemnité reste légitimement entre les mains du séquestre ;

Attendu, d'autre part, que la société Laurentex n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris avait jugé que le séquestre de l'indemnité d'éviction n'avait pas arrêté le cours des intérêts, le moyen est nouveau de ce chef, mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le quatrième moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que la société Laurentex ne démontrait pas que la SCI Hemet, qui avait rempli son obligation de versement de l'indemnité d'éviction, l'avait empêchée, par une manoeuvre malicieuse, de percevoir cette indemnité dès le 28 février 1997, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Laurentex à payer à la SCI Hemet une certaine somme en remboursement de l'impôt foncier, l'arrêt retient que le jugement du 3 septembre 1996 a fixé l'indemnité d'occupation à la valeur locative après un abattement de 10 %, tel que proposé par l'expert judiciaire pour clauses exorbitantes du droit commun dont le payement par la locataire de l'impôt foncier, et que celle-ci ne peut dès lors bénéficier de cet abattement sans payer l'impôt foncier qui le justifie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'abattement de 10 % proposé par l'expert judiciaire sur le montant de la valeur locative l'était pour précarité, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de cet expert , a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 145-29, alinéa 1er, du Code de commerce ;

Attendu qu'en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage qui suit l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains du locataire lui-même ou, éventuellement, d'un séquestre ;

Attendu que pour dire que les produits financiers générés par l'indemnité d'éviction échus pour la période entre le 5 février et le 28 février 1997 doivent revenir à la SCI Hemet, l'arrêt retient que la société bailleresse ne peut prétendre percevoir les revenus des produits financiers que jusqu'à remise des clefs ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les produits financiers de l'indemnité d'éviction bénéficient de plein droit au preneur, créancier de cette indemnité, dès le jour du séquestre qui vaut paiement libératoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les produits financiers échus pour la période entre le 5 février et le 28 février 1997 doivent revenir à la SCI Hemet, l'arrêt rendu le 7 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versaille.