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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 14 mai 2014, n° 12/13628

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société générale (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

Mme Blum, M. Byk

Avocats :

Me Herscovici, Me Blatter, Me Ribaut, Me Bertin

TGI Bobigny, du 8 févr. 2012

8 février 2012

Suivant acte sous seing privé en date du 2 novembre 1998, M Claude D., aux droits duquel se trouvent aujourd'hui MM Claude et Vincent D., a donné à bail à la Société Générale en renouvellement de baux antérieurs des locaux dépendant d'un immeuble situé à La Courneuve (93) 59 avenue Paul Vaillant Couturier, angle de la place du 8 mai 1945 et de l'avenue Jean Jaures ;

Ce bail a été consenti pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 1998 moyennant un loyer annuel de 250 000 francs soit 38 112, 25 € , la destination du bail étant celle de banque.

Par acte extra judiciaire du 31 mars 2009, MM D. ont donné congé avec offre de renouvellement aux clauses et conditions du bail antérieur sauf de loyer, proposant de porter le prix du loyer à la somme annuelle de 70 000 € hors taxes et hors charges ;

Par mémoire du 26 juillet 2011, les consorts D. ont demandé de fixer le prix du loyer annuel à la somme de 65 000 € hors taxes et hors charges puis par mémoire postérieur du 5 décembre 2011, à la somme de 66 000 € hors taxes et hors charges.

Par mémoire en réponse du 24 octobre 2011, la Société Générale a demandé que le prix du loyer soit fixé à la somme annuelle de 30 800 € hors charges et hors taxes.

Les parties étant ainsi en désaccord sur le prix du loyer du bail renouvelé, les consorts D. ont saisi le juge des loyers du tribunal de grande instance de Bobigny qui, par jugement du 8 février 2012 a :

- constaté que le bail a été renouvelé entre les parties à effet du 1er octobre 2009 aux clauses et conditions du bail expiré,

- fixé le loyer annuel au 1er octobre 2009 à la somme de 59 840 € ht et hc,

- dit que MM D. devront dans le délai d'un mois à compter de la décision, adresser en deux exemplaires à la société preneuse un acte de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré moyennant le paiement d'un loyer annuel en principal de 59 840 € ,

- dit qu'à défaut par le bailleur d'avoir adressé dans le délai d'un mois, un projet de bail ou à défaut pour les parties d'avoir régularisé celui ci dans un nouveau délai de deux mois, le jugement vaudra bail aux clauses et conditions du bail antérieur du 2 novembre 1998, moyennant le prix ci dessus fixé,

- rappelé que la Société Générale est tenue de payer le rappel de loyer, le complément de dépôt de garantie et ses accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, conformément à l'article 1153 du code civil, les intérêts restant dus depuis une année pouvant être capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires et condamné la Société Générale aux dépens .

La société Générale a interjeté appel de cette décision ; elle demande à la cour par conclusions signifiées le 4 septembre 2012 d'infirmer le jugement déféré et de :

Fixer le prix du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2009 à la somme annuelle de 30 800 € hors charges et hors taxes,

Dire que les bailleurs devront restituer le trop perçu de loyer, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de chaque versement, lesdits intérêts étant capitalisés pour ceux qui seront dus pour plus d'une année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

Subsidiairement de désigner un expert conformément aux dispositions de l'article R 145-30 du code de commerce avec mission de donner son avis sur la surface pondérée des locaux,

Condamner les consorts D. à leur verser la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et partager par moitié les dépens de première instance et d'appel y compris les honoraires de l'expert .

Les consorts D. par conclusions signifiées le 5 octobre 2012 demandent à la cour de déclarer l'appel de la société Générale mal fondé, de les recevoir en leur appel incident, d'infirmer partiellement le jugement et de :

Au visa du décret n° 2011 1313 du 17 octobre 2011,

Dire que la surface pondérée des locaux litigieux est de 300m²

Fixer le montant du loyer annuel à la somme de 66 000 €

Subsidiairement,

Confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

Condamner la Société Générale aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

La Société Générale fait grief au premier juge d'avoir sans désigner d'expert ni s'être rendu sur les

lieux, en se fondant sur le seul rapport de l'expert sollicité par une partie, décidé que la surface pondérée devait être fixée à 272m² en retenant d'ailleurs pour le rez de chaussée une surface supérieure à celle retenue par l'expert soit 118, 25m² au lieu de 115m².

Elle soutient que la référence des bailleurs au décret n° 2011-1313 du 17 octobre 2011 pris pour l'application du V de l'article 34 de la loi de finances rectificative 2010-1658 du 29 décembre 2010 est mal venue puisqu'il a été pris en vertu d'une disposition fiscale pour la révision des valeurs locatives des propriétés bâties mentionnées à l'article 1498 du code général des impôts ainsi que celles affectées à une activité professionnelle non commerciale au sens de l'article 92 du même code, retenues pour l'assiette des impositions directes locales et de leurs taxes additionnelles, que ces dispositions ne sont pas applicables à l'appréciation de la surface pondérée d'un local à usage commercial qui doit être déterminée exclusivement en fonction de l'article R 145-3 du code de commerce, qu'il est impossible de se fonder au surplus sur une expertise non contradictoire établie à la demande d'une partie, d'autant que les parties divergeaient sur la pondération des locaux et notamment celle du local sur cour d'une superficie réelle de 20m² selon la Société Générale et de 65m² selon l'expert des bailleurs, qu'elle acquiesce à la valeur du prix au m² pondéré de 220 € et sollicite une expertise avec pour seule mission de donner son avis sur la surface pondérée des locaux.

Les consorts D. reprochent de leur coté à la Société Générale de n'avoir produit aux débats qu'une ancienne expertise elle même non contradictoire qui ne combat pas utilement l'expertise de M S. qui a pris en compte pour établir son rapport le plan des surfaces établies par l'architecte mandaté en son temps par la Société Générale, que le décret n° 2011-1313 du 17 octobre 2011 permet de déterminer la surface pondérée à partir des différentes parties au moyen de coefficients fixés en tenant compte des caractéristiques physiques des locaux et de leur utilisation, ces dispositions permettant de mettre fin aux difficultés liées aux coefficients d'usage.

La valeur locative du local du bail renouvelé se détermine suivant les caractéristiques du local lesquelles s'apprécient en considération notamment :

- de la situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface, et de son volume, de la commodité d'accès pour le public,

- de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,

- de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,

Il est ainsi d'usage pour les boutiques et les bureaux boutiques que sont les agences bancaires de pondérer la surface réelle en fonction de la nature des différentes parties des locaux et de leur utilisation en tenant compte des recommandations rappelées dans la charte de l'expertise immobilière ( 4° édition 2012) et qui constituent les références adoptées de façon usuelle tant par l'ensemble des professionnels de l'immobilier commercial que par les instances judiciaires dans le cadre de la fixation de la valeur locative des baux renouvelés.

Il n'y a donc pas lieu de faire application des dispositions du décret 2011-1313 du 17 octobre 2011 alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne l'impose et qu'il n'est pas d'usage de s'y référer pour la détermination de la surface pondérée des locaux commerciaux.

Dès lors que les parties divergent sur des éléments de fait et notamment sur le calcul de la surface réelle mais également pondérée, il convient de désigner un expert dont les constatations permettront d'éclairer utilement la cour pour la détermination de la valeur locative ; les parties ne s'opposent d'ailleurs pas sur le prix unitaire de 220 € du m² pondéré de sorte que l'expertise sera limitée à l'appréciation de la surface utile et pondérée des locaux.

La Société Générale continuera à payer pendant la durée de l'instance le loyer au prix ancien ; .

Les dépens sont réservés et il est sursis à statuer sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que le bail s'est renouvelé entre les parties à effet du 1er octobre 2009 sur les locaux situés 59 avenue Paul Vaillant Couturier à La Courneuve aux clauses et conditions du bail expiré ( sauf de loyer )

Statuant à nouveau,

Avant dire droit sur le prix du loyer du bail renouvelé,

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder :

M Serge F.

15 rue tronchet

75008 Paris

Cabinet@FB Expertises.fr

01 49 24 05 18

Avec mission, après avoir convoqué les parties et, dans le respect du principe de la contradiction, s'être fait communiquer tous documents et pièces nécessaires, de :

- visiter les locaux litigieux situés à La Courneuve (93) 59 avenue Paul Vaillant Couturier, les décrire,

- entendre les parties en leurs dires et explications, procéder à l'examen des faits qu'elles allèguent,

- donner son avis sur les caractéristiques du local, et notamment la surface utile et pondérée,

- dresser un rapport de ses constatations et conclusions ;

Dit que la Société Générale devra consigner avant le 16 juin 2014, à la Régie de la cour, la somme de 1.800 € à valoir sur les honoraires et frais de l'expert sous peine de caducité de sa désignation ;

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de cette chambre avant le 27 octobre 2014 ;

Désigne le conseiller de la mise en état pour suivre les opérations d'expertise ;

Dit que l'affaire sera appelée à l'audience de mise en état du 25 juin 2014 pour vérification de la consignation ou constatation de la caducité de la mesure d'expertise puis à celle du 5 novembre 2014 pour vérifier le dépôt du rapport et fixer un calendrier ;

Réserve les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.