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Décisions

CA Paris, 16e ch. B, 12 octobre 2001, n° 2000/07780

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centre Médical Opéra (SARL)

Défendeur :

Caumartin (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Garban

Conseillers :

M. le Bail, M. Provost-Lopin

Avocats :

SCP Annie Baskal, ME Barigiarelli, Me Baufume, Me Loreau

TGI Paris, 18e ch. sect. 2, du 14 janv. …

14 janvier 2000

Par acte sous seing privé en date du 25 octobre 1994, la SNC CAUMARTIN a donné en location à la SARL CENTRE MEDICAL OPERA, pour neuf ans à compter du 1er janvier 1995, des locaux à usage exclusif de bureaux et commerce, situes 31, rue Caumartin à Paris 9eme ;

La clause “Loyer et charges” de ce bail prévoit que :

“Le présent bail est consenti moyennant un loyer annuel HT de F. l 000 000 F pendant les trois premières années, soit du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997. A compter du 1er janvier 1998 le loyer annuel sera porté a la somme de 1 300 000 F. Ce loyer est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou à toute autre taxe complémentaire et/ou de substitution.”

Ce loyer est payable en quatre termes égaux, d’avance, le 1er jour de chaque trimestre civil.

Il est également convenu une “clause d’indexation” aux termes de laquelle :

-  le loyer variera automatiquement à l’expiration de chaque période annuelle, pour la première fois le 1er janvier 1998, sur la base des variations de l’indice INSEE trimestriel du cout de la construction,

-  à compter de la quatrième année de location, le loyer en vigueur, soit 1 300 000 F sera multiplié par le rapport entre l’indice du cout de la construction affèrent au 4eme trimestre de 1’annee précédente (soit 1997), d’une part, et d’autre part de l’indice de base affèrent au même trimestre de l’année antérieure (soit 1996), et ainsi de suite d’année en année ;

Deux avenants au bail sont intervenus les 4 avril 1995 et 9 février 1996 ;

La SNC CAUMARTIN a appelé trimestriellement les loyers, entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1997, les loyers sur la base annuelle de 1 000 000 F et ils lui ont été régies sur cette base par la locataire.

A compter du 1er janvier 1998, la SNC CAUMARTIN a appelé trimestriellement les loyers sur la base de 1 300 000 F annuels majores de révolution de l’indice INSEE de la construction ; la locataire a alors systématiquement soustrait aux avis d’échéance qui lui étaient adressés des sommes égales a la majoration effectuée en application des indices ;

Par acte du 29 octobre 1998, la SARL CENTRE MEDICAL OPERA a fait assigner la SNC CAUMARTIN et la SA SAGGED GESTION devant le Tribunal de Grande Instance de Paris afin d’entendre fixer le loyer HT à 1 000 000 F, dire que le bailleur ou son représentant devrait fournir des explications sur les charges et sur la TVA s’appliquant sur les charges, et condamner le bailleur au paiement de 200 000 F à titre de dommages et intérêts ;

La SNC CAUMARTIN et la SA SAGGED GESTION ont fait valoir que la locataire confondait fixation du loyer d’origine, révision triennale du loyer, et clause d’indexation, et conclu au débouté des demandes de la SARI- CENTRE MEDICAL OPERA ; elles ont demandé la mise hors de cause de SAGGEL GESTION ; la SNC CAUMARTIN a demandé reconventionnellement la condamnation de la preneuse au paiement de la somme de 1 419 962,94 F correspondant au montant de l’arriéré au 3eme trimestre 1999, avec intérêts au taux du marché monétaire public au jour le jour par la Banque de France, augmente de 2 points, avec capitalisation des intérêts, une indemnité de 10 % du montant des sommes à recouvrer HT, conformément au bail, et 15 000 F au titre de 1'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par jugement rendu le 14 janvier 2000 et déféré à la Cour, le Tribunal de Grande Instance a :

-  Ordonné le rabat de la clôture prononcée par ordonnance du 8 septembre 1998 et clôture l’affaire au 7 octobre 1999, jour des débats,

-  Mis hors de cause la SA SAGGEL GESTION,

-  Dit que dans le bail du 21 octobre 1994 liant la SNC CAUMARTIN, bailleur, à la SARL CENTRE MEDICAL OPERA, locataire, pour les locaux situes 31, rue Caumartin à Paris 9eme :

1°) la clause relative au loyer (page 3) prévoit un loyer annuel de 1 300 000 F avec un abattement annuel de 300 000 F, le ramenant à 1 000 000 F, pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997,

2°) cette clause est valable, n’inclut pas une clause de révision et n’est pas incompatible avec l’exercice de la révision triennale prévue aux articles 26 et 27 du Décret du 30 septembre 1953,

3°) la clause d’indexation annuelle du loyer (page 4), est une clause d’échelle mobile, valable au regard des dispositions du Décret du 30 septembre 1953 et est compatible avec 1’exercice de la révision triennale prévue aux articles. 26 et 27 du Décret du 30 septembre 1953,

-     Dit qu’en conséquence, la SNC CAUMARTIN est fondée à réclamer à la SARL CENTRE MEDICAL OPERA à compter du 1er janvier 1998 un loyer annuel de 1 300 000 F majoré dès cette date de la variation de l’indice INSEE du cout de la construction dans les termes de la clause d’indexation contractuelle,

-  Déclaré irrecevable, comme indéterminée, la demande de la SARL CENTRE MEDICAL OPERA relative aux appels de charges et visant à voir “rétablir les comptes du CENTRE MEDICAL OPERA par restitution des sommes payées indument”,

-  Débouté la SARL CENTRE MEDICAL OPERA de sa demande de dommages et intérêts,

-  Condamné la SARL CENTRE MEDICAL OPERA à payer à la SNC CAUMARTIN la somme de 1 419 962,94 F TTC représentant l’arriéré locatif au 3eme trimestre 1999 inclus,

-  Dit que cette somme produira intérêts au taux du marché monétaire public, au jour le jour, par la Banque de France, augmente de 2 points dans les termes des dispositions contractuelles,

-  Dit que ces intérêts seront capitalisés conformément à l’article 1154 du Code Civil pour ceux dus au moins pour une année entière,

-  Condamné la SARL CENTRE MEDICAL OPERA à payer à la SNC CAUMARTIN une indemnité contractuelle de recouvrement égale a 10 % du montant HT de la somme à recouvrer pour laquelle condamnation TTC a été prononcée ci-dessus,

-  Ordonné l’exécution provisoire de ces chefs de décision,

-  Condamné la SARL CENTRE MEDICAL OPERA à payer à la SNC CAUMARTIN la somme de 15 000 sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-  Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

-  Condamné la SARL CENTRE MEDICAL OPERA aux dépens ;

LA COUR

Vu l’appel interjeté par la SARL CENTRE MEDICAL OPERA ;

Vu les dernières écritures signifiées le 7 juillet 2000, par lesquelles la SARL CENTRE MEDICAL OPERA demande à la Cour d’infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 14 janvier 2000 et de :

-  Déclarer ses demandes bien fondées,

-  Juger les paliers incompatibles avec la révision triennale,

-  Juger que le loyer initial de 1 000 000 F HT annuels doit être révisé conformément au Décret du 30 septembre 1953 ainsi que le demande le locataire,

-  Condamner la SNC CAUMARTIN au paiement de la somme de 30 000 F au litre des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-  Condamner la SNC CAUMARTIN aux entiers dépens ;

Vu les dernières écritures signifiées le 20 novembre 2000, par lesquelles la SNC CAUMARTIN demande à la Cour de :

-  Déclarer l’appel de la SARL CENTRE MEDICAL OPERA infonde,

-  Rejeter l’intégralité des demandes du CENTRE MEDICAL OPERA,

-  Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 14 Janvier 2000 dans son intégralité,

Y ajoutant,

Condamner le CENTRE.MEDICAL OPERA au paiement de la somme de 30 000 F au litre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

SUR CE :

Considérant que la SARL CENTRE MEDICAL OPERA, par bordereau du 5 septembre 2001, a fait communiquer une treizième pièce à la SNC CAUMARTIN ; que la production de cette pièce, non communiquée en première instance, et le jour même de la clôture, est incompatible avec le respect du principe contradictoire, qu’elle sera donc écartée des débats ;

Sur la qualification du bail :

Considérant que le CENTRE MEDICAL OPERA soutient que le bail la liant à la SNC CAUMARTIN est un bail a palier, et que ce type de baux est incompatible avec la notion de révision triennale ; que la clause d’indexation contenue dans le contrat n’est pas une clause d’échelle mobile soumise aux dispositions de l’article 28 du Décret du 30 septembre 1953, mais renvoie aux dispositions des articles 26 et 27 du décret concernant la révision triennale, et qu’en conséquence, la variation résultant de révolution des indices doit s’appliquer sur le loyer de 1 000 000 F et non sur 1 300 000 F ;

Mais considérant que la SNC CAUMARTIN répond pertinemment que le contrat conclu le 25 octobre 1994 est un bail à loyer classique pour lequel la détermination du prix relève de la seule volonté des parties ; que celles-ci ont fixé le loyer d’origine à hauteur de 1 300 000 F HT par an, en convenant d’un abattement de 300 000 F par an les trois premières années ;

Considérant en effet qu’outre les termes du contrat, la volonté des parties de fixer le loyer a 1 300 000 F tout en prévoyant un abattement de 300 000 F pour les trois premières années, résulte du détail des quittances et plus spécialement des courriers échanges entre les parties en juillet 1997, la société SAGGEL VENDOME ayant omis de faire figurer l’abattement de 75 000 F sur l’avis d’échéance du 3eme trimestre 1997, oubli réparé dès le 16 juillet 1997, sur réclamation de la locataire, comme il en est justifié;

Considérant, en tout état de cause, qu’un bail a palier ne serait pas incompatible avec la principe de la révision, seule la détermination du loyer de référence pouvant présenter une difficulté ; que dans le cas d’espèce, le loyer à prendre en compte pour l’application de l’indice est clairement précisé, d’accord entre les parties, puisque le bail indique : “à compter de la quatrième année de location, le loyer en vigueur, soit F. l 300 000 - HT, sera multiplié par le rapport entre l’indice du cout de la construction afférent au 4eme trimestre de l’année précédente {soit 1997) d’une part, et, d’autre part, l’indice de base afférent au même trimestre de l’année antérieure (soit 1996)... et ainsi de suite d’année en année.”

Considérant enfin que la SNC CAUMARTIN n’a pas demandé une révision du loyer dans les conditions de l’article 26 du Décret du 30 septembre 1953, mais seulement l’application de la clause d’indexation prévue dans le contrat ; qu’il s’agit d’une clause d’échelle mobile, ainsi que l’indique justement le premier juge ; et que contrairement à ce que soutient le CENTRE MEDICAL OPERA, une telle clause ne renvoie pas nécessairement a l’article 28 du décret qui ne prévoit une procédure spécifique de révision que dans les cas où, par le jeu de la clause d’échelle mobile, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixe, contractuellement, ou par décision judiciaire, ce qui n’est pas le cas d’espèce ;

Qu’en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions concernant l’analyse des clauses du bail, le mécanisme d’indexation du loyer, le paiement de l’arrière et de l’indemnité contractuelle ;

Sur les autres demandes du CENTRE MEDICAL OPERA :

Considérant que le CENTRE MEDICAL OPERA indique, en ce qui concerne la demande concernant les comptes, qui a été rejetée comme indéterminée par le premier juge, qu’elle n’en fait plus état, les comptes ayant été régularisés sur ce point entre les parties, qu’il échet d’en prendre acte ;

Sur l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens :

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la SNC CAUMARTIN l’intégralité des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer, qu’il lui sera en conséquence alloué une somme de 15 000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en complément de celle allouée par les premiers juges ;

Que le CENTRE MEDICAL OPERA qui succombe supportera les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats la pièce communiquée le 5 septembre 2001, jour de la clôture,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne le CENTRE MEDICAL OPERA à payer à la SNC CAUMARTIN la somme de 15 000 F (QUINZE MILLE FRANCS) au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.