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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 17 janvier 2014, n° 13/03710

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bougie & Senteur (SARL)

Défendeur :

Dacor (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mme Nerot, Mme Renard

Avocats :

Me Flauraud, Me Delaunay, Me Joseph

TGI Paris, 3e ch. sect. 1, du 6 déc. 201…

6 décembre 2012

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société BOUGIE & SENTEUR, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Grasse le 23 août 2000, a pour activité selon son extrait K-BIS la vente et la fabrication de bougies parfumées, produits parfumants, dérivants ou accessoires et la fabrication de bases parfumantes.

Elle a déposé le 14 octobre 2009 un modèle communautaire enregistré sous le n° 001623943.0001 et publié le 21 octobre 2009, représentant des pots (avec ou sans couvercles) et un modèle communautaire enregistré sous le n° 001623943.0002 et publié le 21 octobre 2009, représentant également des pots (avec ou sans couvercles) selon les certificats d'enregistrement produits en pièces n° 2 et n° 3, lesquels pots sont destinés selon elle à contenir des bougies de massage.

La société DACOR, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX le 18 octobre 1993, a pour activité selon son extrait K-BIS, le commerce de gros non spécialisé.

Ayant été informée le 4 juin 2010 par la Direction régionale de Bordeaux - service des Douanes à Mérignac, de la mise en retenue douanière de marchandises présumées contrefaisantes, à savoir de boîtes en métal vides portant sur leur couvercle les noms 'Brigitte LAHAIE' et les initiales 'BL' et importées de Chine par la société DACOR, la société BOUGIE & SENTEUR, autorisée par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Paris, a fait procéder le 16 juin 2010 à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la Direction régionale des Douanes de Bordeaux.

La société BOUGIE & SENTEUR a ensuite fait assigner, selon acte d'huissier en date du 6 juillet 2010, la société DACOR devant le tribunal de grande instance de PARIS en contrefaçon de modèles communautaires et contrefaçon de droits d'auteur, ainsi qu'en concurrence déloyale.

Par jugement contradictoire du 6 décembre 2012 non assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de PARIS a :

- déclaré nuls pour défaut de caractère nouveau les modèles communautaires n° 001623943.0001 et n° 001623943.0002 déposés par la société BOUGIE & SENTEUR le 14 octobre 2009,

- dit que la boîte pour bougies commercialisée par la société BOUGIE & SENTEUR n'est pas originale et protégeable par les dispositions des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle,

- déclaré en conséquence la société BOUGIE & SENTEUR irrecevable en ses demandes en contrefaçon et en toutes ses demandes subséquentes, notamment de publication judiciaire,

- débouté la société BOUGIE & SENTEUR de ses demandes en concurrence déloyale et parasitisme, ainsi que de ses demandes subséquentes,

- débouté la société DACOR de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société BOUGIE & SENTEUR à payer à la société DACOR la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société BOUGIE & SENTEUR a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 25 février 2013.

Par ordonnance du 7 novembre 2013, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident le 17 octobre 2013, a constaté que la société BOUGIE & SENTEUR se désistait de sa demande de communication de la pièce intitulée 'modèle dongguan, photos et pièces physiques' selon bordereau de communication de pièces de la société intimée (pièce n° 12), et, constatant que la société DACOR déclarait ne pouvoir produire la pièce 'Facture en date du 16 janvier 2008 fournie par la société italienne CEREIRA LUMEN' selon ce même bordereau (pièce n° 5), a rejeté la demande en communication formée par la société appelante.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 septembre 2013, la société BOUGIE & SENTEUR, appelante, demande à la Cour, au visa du Règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001, du livre I du code de la propriété intellectuelle, des articles L. 331-1-3 et suivants et des article L. 522-1, L. 522-2 et R. 522-1 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que des articles 1382 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel ;

au principal,

- dire et juger que les modèles commercialisés par la société BOUGIE & SENTEUR sont dotés de la nouveauté et du caractère individuel nécessaires à la protection par le droit spécifique des dessins et modèles communautaires,

- dire que les modèles commercialisés par la société DACOR constituent des contrefaçons des modèles revendiqués sur le fondement du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001,

- dire et juger que les modèles commercialisés par elle sont originaux et protégeables sur le fondement du Livre I du code de la propriété intellectuelle,

- dire que les modèles commercialisés par la société DACOR constituent des contrefaçons des modèles revendiqués sur le fondement du Livre III du code de la propriété intellectuelle,

En conséquence :

- interdire à la société DACOR ainsi qu'à l'ensemble de ses sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, de fabriquer et faire fabriquer et/ou commercialiser, faire commercialiser, importer et/ou exporter des modèles contrefaisants et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée par jour à compter de la date du prononcé du jugement à intervenir, le Tribunal (sic) se réservant le droit de liquider l'astreinte directement,

- ordonner la confiscation à son profit et la destruction aux frais de la société DACOR de l'ensemble des produits contrefaisants, et ce, tant au siège social de la société DACOR que dans l'ensemble de ses établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes et détaillants,

- ordonner à la société DACOR la production des documents suivants, certifiés sincères et conformes par son expert-comptable ou commissaire aux comptes :

* les factures de ventes à tout détaillant et/ou intermédiaire des produits contrefaisants et les comptes clients ;

* les commandes de produits contrefaisants ;

* l'origine et la provenance des marchandises contrefaisantes et notamment l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants ;

* le tout, sous astreinte de 1.000 euros par jour et par document à compter du jugement et jusqu'à production complète ;

- condamner la société DACOR à lui verser la somme de 250.000 euros à parfaire ou à diminuer pour atteinte portée à son image, l'avilissement des modèles de sa collection ainsi que pour la perte de confiance de sa clientèle,

- condamner la société DACOR à verser à la société BOUGIE & SENTEUR la somme de 250.000 euros à parfaire ou à diminuer pour le manque à gagner subi du fait des actes de contrefaçon reprochés, cette somme étant à parfaire ou à diminuer au vu des informations obtenues sur la masse contrefaisante,

subsidiairement,

- dire et juger que la société DACOR s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre,

- condamner la société DACOR à lui verser la somme de 250.000 euros à parfaire ou à diminuer en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

dans tous les cas,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou publications professionnelles de son choix et aux frais exclusifs de la société DACOR sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 4.500 euros HT, soit une somme totale de 22.500 euros HT,

- débouter la société DACOR de sa demande reconventionnelle,

- condamner la société DACOR à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société DACOR aux entiers dépens d'instance comprenant notamment les frais d'huissier inhérents aux opérations de saisie-contrefaçon réalisées, dont distraction au profit de son conseil, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 octobre 2013, la société DACOR, intimée et appelante incidente, demande à la Cour, de:

- confirmer la nullité des dépôts communautaires n° 0001623943.0001 et n° 0001623943.0002,

- prononcer la nullité desdits dépôts,

- débouter la société BOUGIE & SENTEUR de la totalité de ses demandes,

- condamner la société BOUGIE & SENTEUR à lui verser à la somme de 25.000 euros au titre de la réparation des préjudices subis,

- condamner la société BOUGIE & SENTEUR à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société BOUGIE & SENTEUR aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2013.

Le conseil de la société DACOR, seule partie présente, a été entendu en ses observations à l'audience de plaidoiries du 22 novembre 2013.

SUR CE,

Sur le caractère protégeable des pots revendiqués :

* au titre du droit d'auteur :

Considérant en l'espèce, que la société BOUGIE & SENTEUR poursuit l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de ses demandes au titre du droit d'auteur faute pour elle de démontrer l'originalité de sa boîte à bougie ;

Qu'elle prétend qu'elle n'a pas à faire la preuve de son droit d'auteur dès lors qu'il est constant qu'elle exploite commercialement les objets contrefaits, et ce faisant envisage la question de la titularité des droits, laquelle n'est pas contestée par la société DACOR, alors que seule la question de la protection par le droit d'auteur de l'oeuvre revendiquée est en cause ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;

Que selon l'article L. 112-2, 10° du même Code, sont considérées notamment comme oeuvres de l'esprit les oeuvres des arts appliqués ;

Considérant en l'espèce que la société appelante décrit ainsi le pot ou la boîte qu'elle revendique :

'- la boîte est constituée d'une base et de son couvercle en métal plein ;

- ils sont de forme circulaire ;

- la base de la boîte comporte un bec verseur ;

- les parties latérales du bec verseur sont symétriques ;

- l'extrémité du bec verseur comporte un léger arrondi ;

- l'intérieur de la boîte et son pourtour comportent un léger retour (bourrelet) ;

- le pourtour du couvercle comporte un retour extérieur qui se positionne sur la partie supérieure de la base ;

- ce retour comporte un bourrelet métallique moulé dans la masse du couvercle ;

- l'intérieur du couvercle ne comporte aucune aspérité ou bourrelet ;'

Que la société DACOR conteste l'originalité des boîtes ou pots revendiqués, sans contester leur commercialisation par la société BOUGIE & SENTEUR, au vu des boîtes à bougies vendues en France par la société chinoise DONGGUAN CITY JINGLY CAN Co. Ltd depuis 2006 et la société italienne CEREIRA LUMEN depuis le mois de janvier 2008 ;

Qu'il résulte en effet de l'examen des pièces produites à l'appui de cette argumentation, que la société chinoise DONGGUAN CITY JINGLY CAN Co. Ltd commercialise depuis mars 2006, sous la référence DR01101A-01 des boîtes en métal rondes en fer blanc avec couvercle et bec verseur partant de la base de la boîte et que la société italienne CEREIRA LUMEN commercialise également depuis au moins le mois de janvier 2008 des bougies de massage dans des pots ronds comportant un bec verseur ;

Que si la société BOUGIE & SENTEUR relève à juste titre que cette boîte ne reproduit pas, dans une même combinaison, l'ensemble des caractéristique de la boîte qu'elle revendique en raison du matériau utilisé et qu'il en est de même de la boîte chinoise du fait de la mauvaise qualité de sa représentation, il convient néanmoins de rappeler que la notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur, seule la preuve du caractère original étant exigée comme condition de l'octroi de la protection au titre du livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Qu'il appartient dès lors à celui qui se prévaut de ces dispositions de justifier non pas de la nouveauté du modèle revendiqué, mais de ce que celui-ci présente une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique et reflète l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Or considérant que la société BOUGIE & SENTEUR, qui affirme dans ses écritures que la forme ronde de la boîte, créée pour elle le 10 septembre 2008 par la société de Hong Kong KEENPACK, résulterait d'un parti-pris esthétique parmi les formes possibles pour une boîte, que son aspect 'fer brossé', le bourrelet, qui ne serait pas indispensable pour la fermer et la forme du bec verseur, traduisent un effort créatif qui porte l'empreinte de la personnalité de leur auteur et qui confère audit pot ou à ladite boîte le caractère d'originalité requis pour bénéficier de la protection par le droit d'auteur, ne fait ainsi nullement la démonstration de ce que la boîte qu'elle revendique porterait la marque de l'apport intellectuel de l'auteur et révélerait son effort créatif ;

Qu'il s'ensuit que cette boîte, qui reprend des éléments connus dans une combinaison dont l'originalité n'est pas établie, ne peut bénéficier de la protection instaurée par le livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point ;

* au titre des dessins et modèles enregistrés :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 -1. du Règlement du Conseil n° 6/2002 du 12 décembre 2001, la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ;

Considérant que l'article 4 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 dispose que 'la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel' ;

Que l'article 5.1 b) de ce règlement prévoit qu'un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou la date de priorité ;

Qu'enfin en application de l'article 7.2 du même règlement, il n'est pas tenu compte de la divulgation au public du dessin ou modèle enregistré qui est faite par le créateur ou son ayant droit pendant la période de douze mois précédant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou de priorité ;

Considérant en l'espèce, que la société BOUGIE & SENTEUR a déposé le 14 octobre 2009 les modèles communautaires n° 001623943.0001 et n° 001623943.0002 représentant un pot avec et sans couvercle ; qu'il s'agit sur les deux dépôts du même pot qui est représenté sans couvercle dans le dépôt n° 001623943.0001 et avec un couvercle dans le dépôt n° 001623943.0002 ;

Que la société BOUGIE & SENTEUR poursuit l'infirmation du jugement qui a déclaré nuls pour défaut de caractère nouveau lesdits modèles communautaires, faisant valoir que ceux-ci sont 'dotés' de la nouveauté et du caractère individuel nécessaires à la protection par le droit des dessins et modèles communautaires ;

Que, par motifs adoptés du Tribunal, la société DACOR soutient que les boîtes déposées à titre de modèles communautaires le 14 octobre 2009 par la société BOUGIE & SENTEUR ont été divulgués dès le mois de septembre 2008, selon les propres termes de l'appelante contenus dans l'acte introductif d'instance et selon lesquels elle sous-traitait depuis septembre 2008 la fabrication de boîtes 'destinées à être remplies de cire de massage, en métal [']' et qu'en outre la facture versée en pièce n° 10 par l'appelante fait mention d'une livraison de bougies de massage les 3 et 7 octobre 2008 ;

Qu'elle en déduit que les modèles objets des dépôts du 14 octobre 2009 étaient divulgués à cette date et ne sont donc pas nouveaux ;

Que la société BOUGIE & SENTEUR fait valoir en réponse que la divulgation des boîtes pour bougies de massage n'est intervenue précisément que le jour de leur mise sur le comptoir de la société NOCIBE, soit le 15 octobre 2008, la divulgation alléguée par la livraison à cette société des dits produits les 3 et 7 octobre 2008 ayant été effectuée dans le cadre d'une 'collaboration professionnelle, de confidentialité mutuelle et de discrétion professionnelle', et que cette livraison aurait donc été faite sous des conditions implicites de secret, et produit en ce sens une attestation de Madame KERISIT, directrice d'achats chez NOCIBE en date du 11 mai 2012 ;

Considérant ceci exposé qu'il est constant que suivant facture n° FA103654 du 16 octobre 2008, la société BOUGIE & SENTEUR a vendu à la société NOCIBE 7.008 bougies de massage référence 333 BEC chocolat et caramel suivant bons de livraison des 03/10/08 et 07/10/2008 et que la société BOUGIE & SENTEUR ne conteste pas qu'il s'agit des mêmes modèles de pots que ceux qui ont été déposés à titre de modèles communautaires le 14 octobre 2009 ;

Que le Tribunal a à juste titre relevé que si la facture a été émise moins d'un an avant le dépôt des deux modèles communautaires, elle correspond à des livraisons qui ont été réalisées chez la société NOCIBE les 3 et 7 octobre 2008 et que l'attestation de Madame Nathalie KERISIT a été établie postérieurement à l'introduction de l'instance, par la salariée d'une société avec laquelle la société BOUGIE & SENTEUR entretient des relations d'affaires et qui atteste de la mise à disposition des bougies aux consommateurs le lendemain du dépôt des deux modèles communautaires ;

Que les premiers juges ont ainsi pu en déduire que cette attestation ne suffit pas à occulter le fait que dès la livraison du 3 octobre 2008, la société BOUGIE & SENTEUR a divulgué auprès de la société NOCIBE les deux modèles qui font l'objet des deux dépôts litigieux ;

Que la société NOCIBE faisant partie du public pertinent au sens des articles précités et la société BOUGIE & SENTEUR n'établissant pas avoir divulgué ses modèles auprès de cette société sous des conditions implicites de secret comme elle l'affirme, il y a lieu de confirmer le jugement qui a dit que la société BOUGIE & SENTEUR a divulgué auprès du public les deux modèles de pots dès le 3 octobre 2008 soit plus de douze mois avant leur dépôt le 14 octobre 2009 à titre de modèles communautaires et que les deux modèles communautaires n° 001623943.0001 et n° 001623943.0002 qui sont dès lors dénués de nouveauté doivent être déclarés nuls en application des articles 24 et 25 du règlement (CE) n° 6/2002 ;

Sur la contrefaçon

Considérant que les pots ou boîtes commercialisés par la société BOUGIE & SENTEUR n'étant pas éligibles à la protection par le droit d'auteur et les modèles communautaires invoqués étant déclarés nuls, les actions en contrefaçon tant de droits d'auteur que de modèles déposés ne peuvent prospérer ;

Que si l'appréciation des premiers juges sur ce point doit être confirmée, le dispositif du jugement sera toutefois amendé en ce qu'il a déclaré que la société BOUGIE & SENTEUR était irrecevable à agir en contrefaçon alors que l'originalité et la nouveauté sont des conditions de fond de la protection par le droit d'auteur et par le droit des dessins et modèles ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu'à titre subsidiaire la société BOUGIE & SENTEUR poursuit la société DACOR en concurrence déloyale et parasitaire en reprochant à cette dernière d'avoir reproduit à l'identique le produit qu'elle commercialise, cette reproduction servile constituant selon elle une faute en ce qu'elle crée un risque de confusion pour ses clients ; qu'elle ajoute sans autre précision que la société DACOR a acheté des échantillons de bougies pour ensuite les copier et proposer, à compter du 25 mai 2009, une nouvelle boîte pour bougies de massage ;

Que, sur le terrain du parasitisme, elle reproche à la société intimée d'avoir indûment tiré profit de ses investissements pour l'élaboration de ses produits, ce d'autant que la qualité des matériaux utilisés 'semble' bien inférieure à celle utilisée par elle pour la fabrication de ses produits ;

Que cependant, en l'absence de droit privatif sur une création et dans un contexte de liberté du commerce et de l'industrie, le simple fait, par un concurrent, de reproduire, fût-ce servilement, cette création n'est pas constitutif en soi d'une faute, l'action en concurrence déloyale n'étant pas une action de repli permettant de reconstituer le droit privatif sous une autre forme, et il appartient à celui qui agit en concurrence déloyale de rapporter la preuve d'un comportement fautif distinct de la simple exploitation non contrefaisante ;

Que ceci étant exposé, le risque de confusion qui conduirait le consommateur à attribuer aux boites à bougies en cause une origine commune n'est pas démontré par la société appelante dès lors qu'il est établi qu'au moins deux autres sociétés commercialisent de tels produits ;

Que par ailleurs la société BOUGIE & SENTEUR n'explique pas dans quelles circonstances ni à qui la société DACOR aurait acheté des échantillons de bougies avant de commercialiser les siennes ;

Qu'enfin elle ne produit aucun document de nature à corroborer ses prétentions émises au titre du parasitisme, dès lors qu'elle ne communique aucune information sur les investissements, qu'ils soient financiers ou intellectuels, qu'elle dit consacrer précisément au produit concerné ;

Qu'il s'ensuit que la société BOUGIE & SENTEUR n'est pas fondée en ces différents chefs de demande ;

Que le jugement qui l'a déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, ainsi que de ses demandes subséquentes, sera donc confirmé ;

Sur la demande reconventionnelle

Considérant que la société DACOR sollicite à titre reconventionnel réparation de son préjudice commercial, tant matériel que moral, qui résulterait d'une part de la perte du montant de la valeur des produits bloqués en douanes et par la perte de sa marge commerciale et d'autre part d'une atteinte à son image de marque auprès de ses clients ;

Que toutefois faute d'établir l'existence de tels préjudices et de justifier de leur quantum, la société DACOR sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société BOUGIE & SENTEUR, partie perdante, aux entiers dépens ;

Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société DACOR, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 6.000 euros ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement rendu par la Tribunal de Grande Instance de PARIS le 6 décembre 2012 en toutes ses dispositions, sauf à requalifier la conséquence du défaut d'originalité de l'oeuvre revendiquée et le défaut de nouveauté des modèles déposés, et statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant :

Déclare la société BOUGIE & SENTEUR mal fondée en sa demande au titre de la contrefaçon faute de pouvoir se prévaloir d'une création éligible à la protection conférée par le droit d'auteur et de modèles nouveaux.

Déboute la société DACOR de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.

Condamne la société BOUGIE & SENTEUR à payer à la société DACOR la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

Condamne la société BOUGIE & SENTEUR aux entiers dépens.