CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 10 avril 2015, n° 14/08757
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lirenn Diffusion (SARL)
Défendeur :
M. BE (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mme Nerot, Mme Renard
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 3 avril 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 1ère section) qui a, avec exécution provisoire :
- dit que la société LIRENN DIFFUSION est irrecevable (en) sa demande en nullité pour dépôt frauduleux du modèle de bottes n° 12/1624,
- déclaré la société M. B. recevable à agir en contrefaçon de son modèle n° 12/1624,
- dit que la société LIRENN DIFFUSION a commis des actes de contrefaçon du modèle de bottes n° 12/1624 en commercialisant les bottes référencées BT456NR sous la marque 'les secrets de Vanessa',
- débouté la société M. B. de sa demande en communication des pièces comptables visées dans l'assignation,
- enjoint la société LIRENN DIFFUSION à communiquer une attestation d'un comptable indépendant ou de son expert comptable indiquant le nombre de bottes contrefaisantes vendues entre 2012 et 2013 ainsi que la marge brute sur ces produits contrefaisants, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,
- dit qu'à défaut d'un accord sur l'évaluation du préjudice au vu des éléments comptables communiqués par la société LIRENN DIFFUSION, le tribunal réserve aux parties la possibilité de le saisir à nouveau pour fixer le préjudice subi par la société M. B. du fait
des actes de contrefaçon objet de ce litige,
- rejeté la demande tendant à voir ordonner le retrait des produits contrefaisants des circuits commerciaux,
- condamné la société LIRENN DIFFUSION à payer à la société M. B. la somme de 1.000 euros au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,
- condamné la société LIRENN DIFFUSION aux dépens.
Vu l'appel interjeté le 18 avril 2014 par la société LIRENN DIFFUSION,
Vu les conclusions de la société LIRENN DIFFUSION notifiées par voie électronique le 10 juillet 2014 qui entend voir, au visa des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 511-10 et suivants du code de la propriété intellectuelle :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée tant en fait qu'en droit la société M. B. en toutes ses demandes,
- l'en débouter,
- prononcer la nullité du dépôt n° 12/1624 enregistré à l'INPI le 3 avril 2012 publiée au BOPI le 8 juin 2012 sous le n° 1212 pour dépôt frauduleux,
- constater que le modèle de bottines motardes référencées BT 456 NR perlée a bien été créé et divulgué par la société LIRENN DIFFUSION.
En conséquence,
- la déclarer bien fondée à revendiquer la propriété du dépôt effectué le 3 avril 2012 à l'INPI sous le n° 12/1624 et publié au BOPI le 8 juin 2012 sous le n° 1212,
- la dire et juger recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle (sic),
En conséquence,
- condamner la société M. B. à lui payer à la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
- condamner la société M. B. à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans 5 journaux ou magazines de son choix et aux frais de la société M. B. sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 6 000 euros HT soit la somme de 30.000 euros HT,
- condamner la société M. B. aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu l'ordonnance de conseiller de la mise en état du 11 décembre 2014 qui a notamment déclaré irrecevables les conclusions au fond notifiées par la société M. B. le 21 octobre 2014 par application de l'article 909 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 février 2015 ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société M. B. a déposé le 3 avril 2012 auprès de l'INPI un modèle de bottes qui été enregistré sous le n°2012/1624 et qui selon la copie du titre versé aux débats par la société LIRENN DIFFUSION, montre cinq représentations ;
Qu'après avoir fait procéder le 16 octobre 2012 à un constat d'achat par Maître Eric A., huissier de justice, la société M. B. a, selon acte d'huissier en date du 29 janvier 2013, fait assigner la société LIRENN DIFFUSION devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS en contrefaçon de modèle déposé pour obtenir, outre des mesures de retrait des circuits commerciaux des produits incriminés et de communication de pièces comptables, paiement de la somme provisionnelle de 350.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ainsi que de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que la société LIRENN DIFFUSION, appelante, fait grief au tribunal d'avoir retenu à son encontre des actes de contrefaçon du modèle n° 12/1624 par la commercialisation de bottes référencées BT456NR sous la marque 'les secrets de Vanessa' et sollicite, aux termes de ses écritures du 10 juillet 2014, sur le fondement des articles L. 511-1, L. 511-2 et L. 511-10 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle , à la fois la nullité du modèle déposé par la société M. B. pour dépôt frauduleux et le transfert à son profit dudit modèle ;
Considérant ceci exposé que les articles L. 511-1, L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle qui sont invoqués sont relatifs aux conditions de protection d'un dessin ou modèle déposé et sont étrangers à l'action en revendication exercée en l'espèce par la société appelante ;
Que selon l'article L. 511-10 du même code, relatif au dépôt frauduleux, si un dessin ou modèle a été déposé en fraude des droits d'un tiers ou en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur le dessin ou modèle peut en revendiquer en justice la propriété (...) ;
Qu'en application de ces dispositions, la demande de la société LIRENN DIFFUSION s'analyse en une demande de revendication du modèle litigieux pour fraude à ses droits, et il lui appartient en conséquence d'établir l'existence des droits antérieurs dont elle se prévaut ;
Considérant que l'appelante indique dans ses écritures que Madame Xianqin W., qui serait à l'origine de la société LIRENN DIFFUSION, a créé en janvier 2011 une collection de bottines motardes avec comme agencement des clous en forme de pyramide, des clous coniques et des 'illets ; qu'en novembre 2011, elle a fait réaliser les prototypes à partir de fiches techniques auprès de l'un de ses sous- traitants, la société HUI DONG HUANG BU HONG ZENH SHOES FACTORY, et en janvier 2012, lors de la présentation de ses modèles à différents clients, dont la société M. B., a été évoqué la possibilité de compléter cette collection avec des bottines avec des perles ou des sequins ; qu'elle a réalisé des nouveaux modèles en différentes matières à partir des modèles de bottines motardes, en changeant les décorations qui s'y trouvaient, à savoir des clous et des 'illets par des perles et des sequins ; que les nouveaux prototypes ont été réalisés auprès du fournisseur habituel de la société et Madame W. a profité de son voyage en CHINE du 10 au 26 février 2012, pour les récupérer et les présenter aux clients de sa société ; qu'en mars 2012, la société M. B. s'est montrée particulièrement intéressée par le modèle de bottines en cuir sur lequel étaient apposées des perles alignées de l'extérieur à l'intérieur jusqu'au centre, type escargot référencé BT 456 NR et son représentant, Monsieur M., lui a demandé de lui confier un prototype du modèle afin de lui permettre de faire une étude de marché ; que malgré une étude négative, suivie néanmoins d'une promesse de commande d'autres modèles de chaussures, la société M. B. a procédé le 3 avril 2012 au dépôt litigieux en fraude de ses droits ;
Que pour établir les droits antérieurs qu'elle invoque, la société LIRENN DIFFUSION verse aux débats :
- une attestation de Madame W. Xianqin qui, si elle déclare être directrice de style de la société LIRENN DIFFUSION est la dirigeante de ladite société, ce qui constitue donc une preuve faite à soi-même, étant relevé que les fiches techniques qui sont annexées à l'attestation n'ont au demeurant aucune date certaine,
- des copies de photographies représentant différentes bottines dont ni la provenance ni la date ne sont révélées et qui ne sont en tout état de cause pas de nature à établir une quelconque création des bottes concernées,
- des billets d'avion aller-retour pour CANTON des 10 et 26 février 2012, émis au profit de Madame W. Xianquin, qui ne sont pas plus de nature à établir la création des bottes revendiquées, que ce soit au profit de la titulaire des billets ou de Madame W. Xianquin qui en revendique à son profit la création,
- une attestation de la société chinoise HUI DONG HUANG BU HONG ZENH SHOES
FACTORY et sa traduction en langue française commençant par 'Cher Monsieur, nous vous confirmons que nous avons réalisé pour vous à la fin de l'année 2011 différents modèles à partir de fiches techniques (...) dont la teneur n'est pas de nature, ou en tous cas insuffisante à établir la réalité des droits revendiqués par la société LIRENN DIFFUSION,
- 4 documents qui, outre le fait qu'ils sont constitués de factures proforma, ne permettent pas d'apprécier le contenu des photographies y figurant du fait de la mauvaise qualité de celle-ci,
- une facture accompagnée d'une 'packing list' et d'un tableau non identifié, qui ne révèle rien d'autre que l'achat de 'Ladies's Boots',
- une attestation de Monsieur Mourad M., qui serait un de ses clients, et qui a elle-seule est insuffisante à démontrer la divulgation en mars 2012, sous le nom de la société LIRENN DIFFUSION du modèle BT 456 NR perlée en dehors de toutes factures de commercialisation ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'appelante ne démontre aucunement avoir crée et divulgué sous son nom le modèle de bottines BT 456 NR antérieurement au dépôt effectué par la société M. B. le 3 avril 2012 ;
Que la société LIRENN DIFFUSION doit en conséquence être déboutée de l'ensemble de ses demandes relatifs au modèle de bottes n°2012/1624 objet du dépôt du 3 avril 2012 par la société M. B. et il sera ajouté au jugement dont appel en ce sens ;
Que sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, qu'elle forme à hauteur de 150.000 euros, ne peut pas plus prospérer ;
Qu'en tant que partie perdante, elle sera en outre condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 3 avril 2014 entre les parties par le Tribunal de Grande Instance de PARIS en toutes ses dispositions sauf à débouter la société LIRENN DIFFUSION de l'ensemble de ses demandes.
Condamne la société LIRENN DIFFUSION en tous les dépens.