CA Paris, 4e ch., 3 avril 2002, n° D20020025
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nestle Grand Froid (SA), Nestle France (SA)
Défendeur :
Ecodev (Sté), Ecodex (Sté), Huhtamaki Dourdan (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Froelich, Me Trensz
Les sociétés FRANCE GLACES FINDUS (auiourd'hui NESTLE GRAND FROID) et NESTLE FRANCE sont entrées en relation, courant 1992, avec Monsieur de R, qui dirige et anime les sociétés ECODEV et ECODEX, spécialisées dans la conception et la fourniture de conditionnements, pour lui demander la réalisation de nouveaux emballages pour les bûches glacées de Noël GERVAIS pour la campagne de vente de la fin de l'année 1993.
Les sociétés ECODEV et ECODEX ont mis au point un emballage qu'elles ont fait fabriquer par des sociétés sous-traitantes et qui a été livré aux sociétés NESTLE.
Le 26 mai 1994, la société ECODEV a déposé ce modèle d'emballage, à l'INPI, sous le n° 94.3266. Ce modèle à été cédé à Monsieur de R, par acte du 13 janvier 1998, inscrit au registre national des dessins et modèles, le 5 octobre 1999.
Les relations contractuelles se sont poursuivies jusqu'en 1998, époque à laquelle les sociétés NESTLE ont fait savoir aux susnommés qu'elles entendaient changer leur gamme et ne feraient pas appel à leurs services pour la campagne de vente de la fin de l'année 1999.
Le 9 mars 1999, Monsieur de R déposait un nouveau modèle d'emballage plastique isotherme, n° 99.1751.
Estimant que la rupture des relations contractuelles intervenues dans les conditions susdites était abusive et prétendant que le nouvel emballage des sociétés NESTLE réalisé par la société TULIPIA contrefaisait leurs modèles, Monsieur de RUYTER et les sociétés ECODEV et ECODEX, après avoir fait pratiquer différentes saisies contrefaçon et tenté d'obtenir l'interdiction de la commercialisation du nouvel emballage, ont, par acte du 27 septembre 1999, saisi le tribunal de grande instance de PARIS d'une action en contrefaçon de modèle et en concurrence déloyale et parasitaire, sollicitant paiement d'une somme de près de 190.000.000 francs en réparation de leur préjudice.
Par jugement du 6 février 2001, le tribunal de grande instance de PARIS a, rejetant le moyen de nullité des opérations de saisie-contrefaçon, :
- annulé les modèles n° 94.3266 et n° 99.1751 pour défaut d'originalité,
- "débouté les demandes" au titre de la contrefaçon,
- dit que les sociétés NESTLE, FINDUS et TULIPIA ont commis des agissements déloyaux et parasitaires au détriment des sociétés ECODEV et ECODEX relevant de l'application de l'article 1382 du code Civil,
- condamné in solidum lesdites sociétés à payer à titre de dommages-intérêts de ce chef la somme de 2.900.000 francs à la société ECODEV et la somme, de 2.000.000 francs à la société ECODEX,
- dit que le jugement devenu définitif sera transmis par le greffier préalablement requis par la partie la plus diligence à l'INPI pour inscription au registre national des modèles,
- débouté les parties du surplus de leur demande,
- condamné, in solidum, les sociétés NESTLE, FINDUS et TULIPIA à payer aux sociétés ECODEV et ECODEX la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les sociétés NESTLE GRAND FROID et NESTLE FRANCE ont interjeté appel de cette décision, le 13 mars 2001, Monsieur de R ayant lui-même interjeté appel, le 2 avril 2001.
L'affaire a été appelée, selon la procédure de l'article 910 du nouveau Code de procédure civile, à l'audience du 4 mars 2002.
VU les conclusions du 27 février 2002 aux termes desquelles les sociétés NESTLE GRAND FROID et NESTLE FRANCE poursuivent l'infirmation de la décision, sauf en ce qu'elle a annulé les modèles et rejeté l'action de Monsieur de R et des sociétés ECODEV et ECODEX fondées sur les dispositions des Livres I et V du Code de la propriété intellectuelle, prétendant à cet effet que l'action engagée sur le fondement des principes de concurrence déloyale et parasitaire en application de l'article 1382 du code Civil, sont autant irrecevables que mal fondées et demandent, en conséquence à la Cour de débouter de toutes leurs demandes les susnommés, de constater que la procédure par eux engagée et leur comportement au cours de celle-ci revêtent un caractère manifestement abusif, de les condamner "conjointement et solidairement" à leur payer la somme de 304.898, 03 euros (2.000.000 francs) à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'une somme de 30.489, 80 euros (200.000 francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
VU les conclusions du 9 janvier 2002 par lesquelles Me FROELICH, ès qualités de mandataire liquidateur de la société ECODEV, Me TRENSZ, ès qualités de mandataire liquidateur de la société ECODEX et Monsieur de R poursuivent l'infirmation de la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté le moyen de nullité des opérations de saisie contrefaçon et retenu que les sociétés NESTLE et TULIPIA (aujourd'hui HUHTAMAKI DOURDAN) ont commis des actes "aggravés" de concurrence déloyale et parasitaire, et, réitérant les griefs de contrefaçon de modèles qu'ils avaient formulés devant les premiers juges, demandent à la Cour :
I - AU TITRE DE LA CONTREFAÇON DE MODELES :
- de condamner les sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN a verser :
à Monsieur de R la somme de 76.224, 51 euros en réparation de l'atteinte portée à son droit moral de créateur et celle de 152.449, 02 euros au titre de l'atteinte portée au caractère distinctif des modèles litigieux,
à Me FROELICH et à Me TRENSZ, ès qualités de mandataires liquidateurs des sociétés ECODEV et ECODEX, la somme de 106.714, 31 euros au titre de l'atteinte portée au caractère distinctif des deux modèles contrefaits,
- de prononcer la confiscation des gains réalisés par les sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN,
- pour la saison hiver 1999/2000, hiver 2000/2001 et hiver 2001/2002, de condamner :
les sociétés NESTLE GRAND FROID et NESTLE FRANCE à verser in solidum à Monsieur de R et aux sociétés ECODEV (sic) représentée par Me FROELICH la somme de 19.723.091, 60 euros HT,
la société HUHTAMAKI DOURDAN à verser à Monsieur de R et aux sociétés ECODEV (sic) représentée par Me FROELICH la somme de 3.361.500, 83 euros HT,
II - AU TITRE DES ACTES DE CONCURRENCE DELOYALE ET PARASITAIRE :
- de condamner les sociétés NESTLE GRAND FROID et NESTLE FRANCE à verser in solidum à Me FROELICH et Me TRENSZ, ès qualités de mandataires liquidateurs des sociétés ECODEV et ECODEX, la somme de 3.811.225, 43 euros à titre de réparation pour la rupture abusive des relations contractuelles conclues entre les parties, sur la base d'un délai de préavis de deux années hiver 1999/2000 et hiver 2000/2001,
- de condamner les sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN à verser in solidum :
à Monsieur de R la somme de 259.163, 33 euros à titre de réparation de la rupture abusive des relations contractuelles conclues entre les parties, sur la base d'un délai de préavis de deux années hiver 1999/2000 et 2000/2001, ainsi que la somme de 152.449, 02 euros à titre de réparation de l'appropriation du savoir-faire nécessaire pour créer, mettre au point et fabriquer les modèles revendiqués,
à la société ECODEV représentée par Me FROELICH la somme de 144.826.57 euros à titre de réparation résultant de la perte des investissements réalisés et non amortis, du fait des actes litigieux,
aux sociétés ECODEV, représentée par Me FROELICH, et ECODEX, représentée par Me TRENSZ la somme de 152.449, 02 euros à titre de réparation de l'appropriation du savoir faire susvisé,
à la société ECODEV représentée par Me FROELICH la somme de 152.449, 02 euros au titre de l'appropriation de la valeur économique des emballages contrefaits,
- de condamner les sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE à verser in solidum la somme de 152.449, 02 euros aux appelants à titre de réparation pour les actes de parasitisme économique commis,
- de condamner la société HUHTAMAKI DOURDAN à verser aux appelants la somme de 152.449, 02 euros au même titre,
- de faire interdiction "absolue" aux sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN de poursuivre la commercialisation litigieuse, sous astreinte de 10.000 francs, à compter de la décision à intervenir,
- d'ordonner sous contrôle d'un huissier la remise et la destruction des bacs à bûche contrefaisants ainsi que de tous les outillages (moules d'injection et de thermoformage) nécessaires à la fabrication des emballages contrefaisants, par les sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN, à leurs frais exclusifs à compter de la décision à intervenir, sous astreinte définitive de 10.000 francs par jour de retard,
- d'ordonner la destruction de tous les outillages (moules d'injection et thermoformage) nécessaires à la fabrication des emballages contrefaisants,
- de condamner les sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE in solidum à verser aux appelantes la somme de 152.449, 02 euros et la société HUHTAMAKI DOURDAN celle de 152.449, 02 euros,
- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou publications au choix de Monsieur de R et des sociétés ECODEV et ECODEX représentées par leur mandataire liquidateur respectif, aux frais des sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 7.6622, 45 euros,
- de condamner in solidum les sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN à verser aux sociétés ECODEV et ECODEX, respectivement représentées par Me FROELICH et Me TRENSZ, et à Monsieur de R, la somme de 76.224, 51 euros ;
VU les conclusions du 13 décembre 2001 aux termes desquelles la société HUHTAMAKI DOURDAN invoque la nullité des modèles aux motifs que ceux-ci sont dépourvus d'originalité et que leurs caractéristiques sont exclusivement utilitaires ou fonctionnelles, conteste, en tant que de besoin, le grief de contrefaçon allégué, dénie le grief de concurrence déloyale qu'elle estime non fondé et demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'action de Monsieur de R et des sociétés ECODEV et ECODEX fondées sur les dispositions des Livres Ier et V du Code de la propriété intellectuelle, de l'infirmer pour le surplus et de constater qu'elle n'a commis aucune faute, de dire que sa responsabilité civile ne saurait être engagée et de lui allouer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DECISION
I - SUR L'ACTION EN CONTREFAÇON DE MODELES :
Sur la qualité à agir des sociétés ECODEV et ECODEX au titre de la contrefaçon de modèles :
Considérant que les sociétés NESTLE contestent la qualité des sociétés ECODEV et ECODEX à agir en contrefaçon, les droits de propriété intellectuelle et de modèles appartenant, au jour de l'assignation du 27 septembre 1999, à Monsieur de R ;
Mais considérant que les faits argués de contrefaçon ont pour origine la conception et la réalisation d'un conditionnement entrepris dès 1997 par la société TULIPIA pour le compte des sociétés NESTLE ; que la société ECODEV, titulaire des droits d'exploitation sur le modèle déposé n° 94.3266 depuis le 24 mai 1994, n'a cédé ce dernier à Monsieur de R que par acte du 13 janvier 1998 ; que la société ECODEV a qualité à agir en contrefaçon pour les faits antérieurs à cette date, à tout le moins sur le fondement du Livre Ier du Code de la propriété intellectuelle, Monsieur de R, durant cette même période, ayant qualité à agir en défense de son droit moral d'auteur ;
Considérant, en revanche, que la société ECODEX ne peut valablement agir en contrefaçon à raison de ses seules activités "d'organisation de la fabrication du modèle de Monsieur de R et de gestion des campagnes de personnalisation des produits", lesquelles ne sont pas en soi suffisantes pour faire présumer que cette société était également investie des droits d'exploitation d'auteur sur les modèles en cause, exercés par la société ECODEV, titulaire du modèle déposé, puis par Monsieur de R ; que Me TRENSZ ès qualités de mandataire liquidateur de cette société doit donc être déclaré irrecevable à agir sur le fondement des Livres Ier et V du Code de la propriété intellectuelle ;
1 - Sur la validité des saisies-contrefaçon pratiquées :
Considérant que les sociétés NESTLE, contestant la titularité des droits de propriété intellectuelle des sociétés ECODEV et ECODEX sur les modèles prétendument contrefaits, prétendent que celles-ci ne pouvaient en aucun cas se joindre aux requêtes tendant à solliciter l'autorisation de faire procéder à des saisies contrefaçon, et invoquent de ce fait la nullité des saisies pratiquées ensuite de ces requêtes ;
Mais considérant que l'intervention des sociétés ECODEV et ECODEX aux côtés de Monsieur de RUYTER, dont la titularité des droits n'est pas contestée, n'a pas eu pour effet d'affecter la validité des opérations de saisies contrefaçon pratiquées sur autorisation du juge ; que le droit d'agir en contrefaçon a par ailleurs été partiellement reconnu à la société ECODEV ;
Que ce moyen de nullité a été à bon droit rejeté par les premiers juges ;
2 - Sur la validité du modèle n° 94.3266 :
Considérant que pour prétendre à la validité du modèle déposé le 26 mai 1994, Monsieur de R et la société ECODEV font valoir que celui-ci présente un caractère "résolument" individuel et nouveau qui lui permet de bénéficier de la protection des dessins et modèles, n'étant pas démontré, comme l'exige la directive n° 98/71 du 13 janvier 1998, que ses effets extérieurs soient exclusivement dictés par des impératifs techniques ; qu'ils critiquent la décision déférée d'avoir annulé ce modèle pour défaut d'originalité, estimant que celle-ci ne constitue nullement une condition requise pour la protection des dessins et modèles déposés ;
Considérant que le modèle en cause est décrit dans le dépôt comme un emballage plastique isotherme avec bandeau, constitué d'un socle plateau avec crochets de fermeture et d'un couvercle cloche ;
Considérant que si aucune antériorité de toute pièce destinée à détruire la nouveauté de ce modèle n'est effectivement produite aux débats, ni même alléguée, force est de constater que les caractéristiques revendiquées, qu'il s'agisse de la forme générale de l'emballage destinée à épouser la forme de la bûche, de la réalisation d'une double coque pour en assurer l'isolement thermique, non visible de l'extérieur, du socle en forme de plateau pour réceptionner la glace, la maintenir en place lors de son transport et la sortir plus facilement au moment de la servir, des crochets de fermetures et des contours en forme de gouttières pour accueillir le bord du couvercle cloche et permettre la fermeture hermétique de l'emballage, sont de toute évidence exclusivement fonctionnelles ; que le seul pan coupé de la cloche ou sa couleur bleue, lesquelles sont au demeurant occultées par le bandeau en carton du modèle, ne suffisent pas à conférer à l'ensemble un caractère propre ; que l'impression d'ensemble qui s'en dégage de ce modèle ne se distingue pas de ses seuls aspects exclusivement fonctionnels ; qu'il ne peut, de ce seul fait, bénéficier de la protection instaurée par le Livre V du Code de la propriété intellectuelle ;
Que Monsieur de R et la société ECODEV invoquent en vain, pour s'opposer à la demande de nullité antérieurement formée, la directive n°98/71 du 13 janvier 1998 , aujourd'hui transposée par ordonnance du 25 juillet 2001, dont les dispositions, en tout état de cause, ne permettraient pas de conclure à une solution différente ;
Considérant qu'il convient également de relever que les caractéristiques du modèle, dans la déclinaison qui en est faite, ne procèdent d'aucun parti-pris esthétique indépendant de leur fonctionnalité et qui traduirait une démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ; que le modèle, à défaut d'originalité, ne peut accéder au statut des oeuvres de l'esprit et, comme tel, valablement prétendre à la protection par le droit d'auteur ; que Monsieur de R et ses sociétés ne contestent d'ailleurs pas ce défaut d'originalité devant la Cour ;
Qu'ils invoquent en vain l'existence sur le marché d'autres modèles ou le caractère "révolutionnaire" de l'emballage, invoqué par les sociétés NESTLE comme un simple argument de vente et qui se rattache au surplus aux aspects fonctionnels de celui-ci ;
3 - Sur la validité du modèle n° 99/3266 :
Considérant que Monsieur de R prétend encore que le modèle stylisé qu'il a déposé, le 9 mars 1999, déclinaison de son précédent modèle, est également nouveau et présente un caractère individuel en raison de l'emplacement des fermetures, en forme de bouton poussoir, du couvercle en forme de cloche, du socle en creux se tenant sur deux gouttières allongées ;
Mais considérant que les sociétés NESTLE lui objectent pertinemment que les caractéristiques revendiquées du modèle, même prises en combinaison, ne répondent qu'à des impératifs exclusivement techniques comme celles du modèle de 1994 ; que la combinaison adoptée ne procède d'aucun parti-pris résolument esthétique et ne porte pas l'empreinte de la personnalité de l'auteur ;
Qu'il ne peut donc bénéficier ni de la protection instaurée par le Livre V du Code de la propriété intellectuelle ni de celle instaurée par le Livre Ier de même code ;
Que les sociétés NESTLE font au surplus pertinemment valoir que le dépôt de ce modèle, postérieur à celui qu'elles ont conçu et mis au point avec la société TULIPIA, a été effectué en fraude de leurs droits, l'intéressé ne pouvant valablement prétendre qu'il s'agirait du prototype inachevé qu'il a présenté en 1996 alors que les sociétés NESTLE manifestaient l'intention de changer leur emballage ; que les plans versés à l'appui de cette prétention, destinés à conforter cette opinion, non datés de façon certaine s'agissant d'un simple fax non authentifié, ne sont pas pertinents ne présentant pas l'impression d'ensemble du modèle TULIPIA ; qu'il en est de même du prototype produit non daté ;
Que cet ensemble d'éléments justifie en soi suffisamment l'annulation du modèle déposé le 9 mars 1999 par Monsieur de R ;
Que les prétentions formulées au titre de la contrefaçon de modèle doivent, en conséquence, être intégralement rejetées ;
II - SUR LA CONCURRENCE DELOYALE ET PARASITAIRE :
Considérant que Monsieur de R et les sociétés ECODEV et ECODEX, agissant sur le fondement de l'article 1382 du code Civil, prétendent que les sociétés NESTLE se seraient rendues coupables de concurrence déloyale en rompant abusivement leurs relations contractuelles et en s'appropriant leur savoir-faire ; qu'ils prétendent également que la société HUHTAMAKI DOURDAN (anciennement TULIPIA) aurait commis des actes de concurrence déloyale en acceptant de fabriquer pour les sociétés NESTLE, des bacs à bûche à moindre coût, sachant que ceux-ci étaient antérieurement fournis par la société ECODEV, sur la base des plans par eux transmis ;
Mais considérant que les sociétés NESTLE leur objectent pertinemment que la rupture de relations contractuelles, à la supposer fautive, n'est en aucun cas constitutive d'un acte de concurrence déloyale, susceptible d'être incriminé que sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;
Qu'il convient, au surplus, de relever, indépendamment du caractère erroné du fondement juridique invoqué, que les sociétés ECODEV et ECODEX ne rapportent pas la preuve que les sociétés NESTLE auraient commis une quelconque faute en mettant fin aux relations contractuelles qui ont pu exister entre les parties de 1992 à 1998 ;
Qu'en effet si les sociétés ECODEV et ECODEX n'ont effectivement pas développé leurs activités auprès d'autres sociétés que les sociétés NESTLE, ces dernières ne bénéficiaient d'aucune exclusivité, la société ECODEV n'ayant pas donné suite à la lettre du 2 novembre 1992 qui lui était adressée, exigeant l'insertion d'une clause à laquelle elles n'ont pas souscrites ;
Que les sociétés NESTLE, qui ont négocié, année par année, la fourniture des emballages, étaient d'autant plus libres de changer de fournisseurs que les sociétés ECODEV et ECODEX rencontraient des difficultés financières sérieuses, qui ne leur étaient pas imputables, laissant craindre une désorganisation dans la livraison des emballages de fin d'année, dont elles ne pouvaient assumer le risque ;
Que les sociétés ECODEV et ECODEX, qui depuis 1992 livraient des emballages inchangés et n'ignoraient pas, pour en avoir été tenue informées, l'intention manifeste des sociétés NESTLE de changer l'emballage de leurs bûches de Noël devenu obsolète, ont été dans l'impossibilité de présenter un modèle susceptible de répondre aux attentes de leurs co-contractants, le prototype de 1996, fabriqué par la société ILLIG, présentant, comme elles le reconnaissent elles-même et comme la Cour devant laquelle il a été produit a pu le constater, de graves dysfonctionnements le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné ;
Qu'elles ne démontrent nullement que le modèle mis au point par la société TULIPIA l'aurait été sur la base de leur prototype ou de leurs plans, cette dernière produisant aux débats les multiples plans et études, réalisés depuis 1997, attestant des efforts de conception sans relation avec le simple plan ou le simple prototype présenté par Monsieur de R ;
Qu'en portant, le 7 janvier 1999, à la connaissance de Monsieur de R et aux sociétés ECODEV et ECODEX, informés du désir de changement des emballages depuis 1996, qu'elles ne commanderaient pas les emballages habituels pour la fin de l'année 99, les sociétés NESTLE n'ont pas rompu les relations de manière fautive ;
Que si Monsieur de R, et les sociétés ECODEV et ECODEX ne peuvent valablement prétendre voir sanctionner sur le fondement de l'article 1382 du code Civil un état de dépendance économique, lequel est incriminé par l'article L.442-6 du code de Commerce qu'elles s'abstiennent d'invoquer nonobstant les observations qui leur ont été faites, force est de constater, de manière surabondante, que cet état de dépendance économique est d'autant moins avéré que les intéressés, qui n'ont jamais procédé à la fabrication des emballages en cause, confiés en sous-traitance à d'autres entreprises, ne justifient pas des investissements qu'ils prétendent avoir engagés pour la mise au point du modèle de 1994, qui a seul été commercialisé et sur lequel ils ne disposent d'aucun droit privatif de propriété intellectuelle ; qu'il est constant que, contrairement à ce qu'elles soutiennent sans apporter le moindre élément de preuve, les sociétés ECODEV et ECODEX n'ont jamais supporté la charge ni des machines ni des moules dont les coûts ont été supportés par NESTLE FRANCE ; que les investissements engagés en 1992 étaient nécessairement, compte tenu de la nature du produit et des faibles investissement des sociétés ECODEV et ECODEX, amortis lorsqu'il a été mis fin aux relations, en 1999 ;
Que la notification, au début de l'année 1999, par les sociétés NESTLE de leur intention de ne plus s'approvisionner pour la campagne 1999 auprès des susnommés relève de la liberté du commerce, mais ne peut être qualifiée de fautive compte tenu des circonstances qui viennent d'être rappelées ; que le préjudice invoqué ne procède pas de la rupture des relations contractuelles, dont le caractère brutal n'est nullement démontré, mais d'un défaut de stratégie dans la conduite de leurs activités, non imputable aux sociétés NESTLE ; que leurs activités personnelles étaient au surplus limitées, le chiffre d'affaires qu'elles invoquent incluant celui des sous-traitants qui constitue l'essentiel des chiffres avancés ;
Considérant que Monsieur de R et ses sociétés ne démontrent pas davantage que leur savoir-faire dans l'application de la technique, dont il ne précise pas en quoi il consiste, présenterait une quelconque valeur et leur aurait été "usurpé", ce savoir faire ne pouvant en aucun cas se confondre, comme ils tentent de le faire, avec le modèle 94 lui-même, tel que divulgué par mis sur le marché ;
Qu'aucune faute à l'encontre de la société TULIPIA n'est démontrée, le modèle mis au point par celle-ci apparaissant parfaitement régulière et relève de la simple liberté du commerce et de l'industrie ;
Qu'ils invoquent en vain les négociations qu'ils ont entreprises auprès des sociétés NESTLE pour vendre leurs modèles et redresser leur situation financière antérieurement à 1999 ;
Que la pratique de prix inférieurs non avérée, de déclinaison de couleurs, parfaitement banales et primaires sur le marché concerné, ou de copie servile non établie constituent autant de griefs inopérants qui ne sont pas de nature à caractériser, en soi, des actes de concurrence déloyale dès lors que leur caractère fautif n'est pas démontré ;
Que le grief de parasitisme résultant d'une réduction des coûts de fabrication des bacs à bûche n'est pas étayé et n'apparaît pas sérieux ;
Que le jugement entrepris doit donc sur ce point être infirmé et Monsieur de R, Me FROELICH et Me TRENSZ déboutés de l'intégralité de leurs prétentions et demandes ;
III - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DES SOCIETES NESTLE :
Considérant que la lettre du 7 janvier 1999, par laquelle la société NESTLE FRANCE, faisait savoir à Monsieur de R que la société France Glaces Findus travaillait sur une relance complète de sa gamme de bûches pour la fin de l'année 1999 et ne souhaitait plus utiliser l'emballage actuel, mettant fin aux relations contractuelles, n'a suscité de la part de ce dernier et de ses sociétés aucune réaction immédiate ni protestation d'aucune sorte ;
Qu'en engageant, après avoir fait pratiquer de multiples saisies contrefaçon, un référé interdiction, fin 1999, à un moment crucial pour le respect des dates de livraison et de la commercialisation des bûches, alors qu'aucune réclamation antérieure n'avait été formulée, les susnommés ont manifestement cherché à nuire aux sociétés NESTLE en désorganisant leurs activités ;
Que cette intention est d'autant plus manifeste qu'elles ont dénoncé l'interdiction prononcée par le juge des référés du tribunal de commerce auprès de toute les entreprises de la grande distribution, sans pour autant préciser que l'ordonnance qui la prononçait faisait l'objet d'une procédure d'appel, jetant ainsi l'opprobre sur les sociétés NESTLE ;
Que ce comportement a nécessairement causé à ces dernières un trouble commercial important qui sera entièrement réparé par l'octroi d'une somme de 152.449, 02 euros (1.000.000 francs) de dommages-intérêts ;
Que les sociétés ECODEV et ECODEX étant en liquidation judiciaire, cette somme ne vaut qu'à titre de fixation de créances au passif de ces sociétés ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser aux sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE et HUHTAMAKI DOURDAN la charge de leurs frais irrépétibles, une indemnité de 30.489, 80 euros (200.000 francs) devant être allouée à ce titre aux deux premières et de 20.000 euros à la seconde ;
Que Monsieur de R, Me FROELICH et Me TRENSZ, ès qualités de mandataires liquidateurs des sociétés ECODEV et ECODEX, qui succombent, doivent être déboutés de la demande qu'ils ont formée à ce titre ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare la société ECODEX irrecevable à agir en contrefaçon de modèle,
CONFIRME, mais par substitution de motifs, le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les modèles n° 94.3366 et n° 99.1751 appartenant à Monsieur de R et en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon,
Dit que la présente décision sera transmise par le greffier à L'INPI pour être inscrit sur le registre national des dessins et modèles,
L'INFIRMANT sur le surplus,
Déboute Monsieur de R, Me FROELICH ès qualités de mandataire liquidateur de la société ECODEV et Me TRENSZ ès qualités de mandataire de la société ECODEX de leurs autres demandes,
Fixe à 152.449, 02 euros (1.000.000 francs) le montant des dommages-intérêts alloués aux sociétés NESTLE GRAND FROID, NESTLE FRANCE en réparation du préjudice qui leur a été causé, à 30.489, 80 euros le montant des indemnités qui leur sont dues au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à 20.000 euros celle due à la société HUHTAMAKI DOURDAN à ce même titre,
Condamne Monsieur de R à payer ces sommes et dit que celles-ci valent à titre de fixation de créances au passif des sociétés ECODEV et ECODEX,
REJETTE toute autres demandes,
Dit que les entiers dépens seront supportés par Monsieur de R, Me FROELICH ès qualités de mandataire liquidateur de la société ECODEV et Me TRENSZ ès qualités de mandataire liquidateur de la société ECODEX et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile et dans le respect des dispositions de la loi de 1985 sur les procédures collectives.