CA Paris, 4e ch. B, 21 janvier 2005, n° D20050004
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Élinor (SARL)
Défendeur :
Wix Mix (SARL)
La cour est saisie d'un appel formé par la société à responsabilité limitée ELINOR à l'encontre d'un jugement rendu contradictoirement par le tribunal de commerce de Paris le 18 octobre 2002 qui a :
- dit que la société ELINOR a commis, au préjudice de la société à responsabilité limitée WIX MIX des actes de contrefaçon ;
- interdit à la société ELINOR de poursuivre la commercialisation des produits litigieux c'est-à-dire d'un pantalon à cordons à la ceinture et au bas des jambes avec passe-poil en coton sur-côté sur toute la longueur des deux côtés, deux poches avant stylisées par des dessins en double surpiqûre, double-pince à l'avant des genoux et inscription chinoise brodée sur l'avant du pantalon, sous astreinte de 100 euros par produit vendu à compter du jour qui suivra la signification du jugement ;
- ordonné la publication du jugement dans trois journaux ou magazines au choix de la société WIX MIX et aux frais exclusifs de la société ELINOR, dans la limite de 2 000 euros par insertion;
- condamné la société ELINOR à payer à la société WIX MIX les sommes de 6 000 euros au titre de la contrefaçon et 3 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement uniquement pour la mesure d'interdiction ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la société ELINOR à payer les dépens.
La société WIX MIX est spécialisée dans la création, la fabrication et la commercialisation de produits textiles diffusés sous les marques VOYOUSE et COSTELLO. Elle reproche à la société ELINOR de commercialiser un pantalon qui serait une contrefaçon de son modèle HUGO. Une saisie contrefaçon a eu lieu le 6 décembre 2000 au siège de la société ELINOR.
Par acte du 20 décembre 2000, la société WIX MIX a assigné la société ELINOR en contrefaçon et concurrence déloyale. Elle ne réitère pas ses demandes au titre de la concurrence déloyale en cause d'appel.
Dans ses dernières écritures signifiées le 2 décembre 2004, la société ELINOR, appelante, demande à la cour de :
- dire et juger que la société WIX MIX ne rapporte pas la preuve de sa titularité des droits de création sur le modèle de pantalon référencé HUGO ;
- débouter la société WIX MIX de l'ensemble de ses demandes formées au titre de la contrefaçon;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la société WIX MIX ne rapporte pas la preuve de sa titularité des droits de création sur le modèle de pantalon référencé HUGO dans sa collection avant le mois de mars 2000 ;
- dire et juger que le modèle référencé HUGO revendiqué par la société WIX MIX n'est pas original et protégeable par le droit d'auteur ;
- débouter la société WIX MIX de l'ensemble de ses demandes formées au titre de la contrefaçon;
- à titre subsidiaire, débouter la société WIX MIX de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon pour défaut d'éléments susceptibles d'apporter la preuve d'un hypothétique préjudice ;
- débouter la société WIX MIX de sa demande de publication judiciaire ;
- débouter la société WIX MIX de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société WIX MIX à payer à la société ELINOR la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées le 30 avril 2003, la société WIX MIX, intimée, demande à la cour de :
- faire droit à l'appel incident du chef du quantum des dommages-intérêts alloués en réparation de la contrefaçon ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la société WIX MIX la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamner la société ELINOR au paiement de la somme de 76 225 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamner la société ELINOR à payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC et en tous les dépens.
I - Sur la titularité des droits d'auteur du modèle revendiqué par la société WIX MIX
Considérant que la société ELINOR soutient que les pièces versées aux débats ne présentent pas de force probante suffisante pour établir avec certitude que la référence HUGO portée sur les factures de commercialisation de la société WIX MIX correspond bien au modèle original revendiqué par cette dernière et qu'à défaut de preuve de cette identité, la société WIX MIX ne saurait bénéficier de la présomption de titularité des droits d'auteur sur le modèle revendiqué ;
Considérant toutefois que la société WIX MIX verse aux débats une attestation de M.ADJEGE, styliste, qui atteste avoir créé le modèle HUGO en 1997 et avoir cédé ses droits à la société WIX MIX ; que quand bien même M. A serait lié à la société WIX MIX, ainsi que le prétend l'appelante, cette attestation est accompagnée d'une fiche technique significative du modèle HUGO ; que la société WIX MIX produit également des factures de commercialisation de l'année 2000 sur lesquelles figure la référence HUGO ;
Que dans ces conditions, la société WIX MIX apparaît bien fondée à revendiquer la présomption de titularité instituée par les articles L. 113-1 et L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle qui n'est pas renversée par la société appelante ;
II - Sur la date de création
Considérant que l'attestation rédigée par M. A indique que le modèle HUGO aurait été fabriqué et commercialisé par les sociétés RIVAS et AIMTEX pour la saison Hiver 1997 /1998; que cette attestation est accompagnée d'une fiche de lancement sur laquelle figure la date de création, à savoir mai 1997 ;
Considérant toutefois que ces pièces ne suffisent pas à établir avec certitude la date de création du modèle HUGO, n'étant confortées par aucune facture de commercialisation du modèle HUGO pour la saison Hiver 1997 /1998 ;
Qu'elle a en revanche versé aux débats des factures de commercialisation de la société AIMTEX relatives au modèle de pantalon litigieux pour l'année 2000 ;
Qu'elle ne peut par conséquent bénéficier de la présomption de titularité des droits de création sur le modèle HUGO qu'à compter du mois de mars 2000 ;
III - Sur l'originalité du modèle HUGO
Considérant que la société ELINOR soutient que la société WIX MIX ne définit pas les caractéristiques originales de son oeuvre mais se contente de revendiquer un procédé technique; que le fait simple d'apposer sur un pantalon un passepoil coton surcôté et des cordons en ceinture et au bas des jambes ne confère pas à ce produit une quelconque originalité ;
Que la société appelante soutient encore qu'elle a dès 1998 commercialisé son modèle de pantalon LISERET antérieurement à la commercialisation par la société WIX MIX de son pantalon référencé HUGO et qu'en outre, le modèle de pantalon référencé SOLAAR commercialisé sous la marque TRIANGLE par la société ABC ACCESSOIRES depuis 1999 présente les mêmes caractéristiques que le modèle de pantalon revendiqué par la société WIX MIX ;
Mais considérant que les pièces versées aux débats par la société ELINOR afin de prouver la date de commercialisation de son modèle LISERET ne sont pas probantes dans la mesure où les attestations qu'elle produit ne sont pas confortées par des factures, les factures jointes ne spécifiant pas qu'il s'agit de pantalons LISERET ; que la société ELINOR ne justifie dès lors pas avoir commercialisé son pantalon LISERET avant celui de la société WIX MIX en mars 2000 ;
Que si le modèle SOLAAR comporte, comme le modèle HUGO, des cordons à la ceinture et au bas des jambes, des pinces aux genoux et une inscription chinoise, cette dernière est beaucoup plus visible sur le pantalon HUGO et n'est pas brodée sur une poche, contrairement au modèle SOLAAR ; qu'en outre, le pantalon HUGO est également caractérisé par un passepoil coton sur toute la longueur des deux côtés extérieurs lesquels sont agrémentés d'une double surpiqûre ;
Que c'est avec motifs justes et pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont considéré que l'examen de ces deux pantalons permet de constater l'originalité du modèle HUGO caractérisée par ce passepoil de la même couleur que les inscriptions brodées, passepoil qui donne une forme particulière et spécifique au pantalon quand il est porté; que le modèle HUGO est ainsi marqué par l'empreinte de la personnalité de son créateur;
Que le jugement sera dès lors confirmé de ce chef ;
IV - Sur la contrefaçon
Considérant que la société ELINOR ne conteste pas en cause d'appel les ressemblances entre son modèle LISERET et le modèle HUGO de la société WIX MIX ;
Qu'il est manifeste que le modèle litigieux commercialisé par la société ELINOR constitue une imitation servile du pantalon original et protégeable HUGO de la société WIX MIX ; que la société ELINOR a par conséquent commis des actes de contrefaçon en commercialisant le pantalon LISERET du pantalon original et protégeable HUGO ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
V - Sur le préjudice subi du fait de la contrefaçon
Considérant que la société WIX MIX sollicite une somme de 76 225 euros à titre de réparation de son préjudice ;
Considérant toutefois que la société WIX MIX n'apporte pas plus en cause d'appel qu'en première instance de justificatif concernant les investissements réalisés pour concevoir puis promouvoir son modèle HUGO et les quantités vendues ;
Qu'il est établi que 1100 pantalons contrefaisants ont été découverts lors de la saisie- contrefaçon et que 200 pantalons ont été commercialisés par la société ELINOR en 15 jours ;
Que les premiers juges ont justement évalué à 6 000 euros le préjudice subi par la société WIX MIX du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre par la société ELINOR ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
VI - Sur les mesures d'interdiction et de publication
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a interdit, en ordonnant l'exécution provisoire, à la société ELINOR de poursuivre la commercialisation des produits litigieux correspondant au modèle LISERET, sous astreinte de 100 euros par produit vendu à compter du jour suivant la signification du jugement ;
Considérant qu'il convient d'ordonner des mesures de publication à titre de mesures réparatrices complémentaires ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; que ces mesures de publication tiendront compte du présent arrêt ;
VII - Sur l'article 700 du NCPC et les dépens
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société WIX MIX une indemnité complémentaire de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
Que la société ELINOR sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Dit que les mesures de publication ordonnées par les premiers juges tiendront compte du présent arrêt ;
Condamne la société ELINOR à verser à la société WIX MIX la somme complémentaire de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société ELINOR aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître B, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.