Cass. 3e civ., 17 mai 2018, n° 17-15.146
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, et le Guerer, SCP Briard
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2017), que, le 11 juillet 1994, la société Hôtelière Lutetia Concorde, dénommée A. Hôtel, a donné à bail commercial à la société Paris Look des locaux pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 1994, moyennant un loyer indexé annuellement sur l'indice du coût de la construction ; que, le 29 juin 2010, la société bailleresse a saisi le tribunal de grande instance en révision du loyer indexé à la valeur locative à compter du 23 décembre 2009 ; qu'à titre reconventionnel, la société locataire a demandé de réputer non écrite la clause d'indexation stipulée au bail ;
Attendu que la société Paris Look fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°) que les clauses d'échelle mobile sont illicites dès lors que leur application conduit à une distorsion entre la période de variation de l'indice et celle de variation du loyer ; qu'en l'espèce, le contrat de location conclu entre la société A. Hôtel et la société Paris Look contient une clause d'échelle mobile stipulant que la révision du loyer opéré chaque 1er juillet « s'effectuera en prenant pour indice de référence l'indice de départ du 4ème trimestre 1993 et pour indice de comparaison, celui du 4ème trimestre de l'année civile précédant le jour anniversaire de la révision » ; qu'ainsi que la société Paris Look le faisait valoir cette clause est illicite alors qu'elle conduit, dans le cadre de la révision judiciaire du loyer sollicitée par le bailleur fixant la date de révision du loyer renouvelé au 23 décembre 2009, à une distorsion entre la période de variation de l'indice et celle contenue entre chaque révision ; qu'en refusant néanmoins de déclarer ladite clause illicite, la cour d'appel a violé l'article L. 112-1 du code monétaire et financier ;
2°) que le juge saisi d'une demande de révision judiciaire, en cas de variation du montant du loyer, de plus d'un quart depuis la dernière révision, ne peut modifier l'indice et la méthode d'indexation que les parties ont convenu d'appliquer ; qu'en refusant de déclarer la clause d'échelle mobile litigieuse illicite bien que son application conduise à une distorsion entre la période contenue entre chaque révision et celle de variation de l'indice au motif qu'il appartenait au juge « d'adapter le jeu de la clause d'échelle mobile à la valeur locative par application de l'article R. 145-22 du code de commerce de sorte que la révision du loyer ne peut elle-même organiser la distorsion prohibée », quand le juge saisi d'une demande de révision judiciaire ne dispose pas du pouvoir de modifier le contenu ou les modalités d'application de la clause d'échelle mobile convenue par les parties, la cour d'appel a violé les articles R. 145-22 du code de commerce et L. 112-1 du code monétaire et financier et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) que si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au montant du loyer précédemment fixé ; que dès lors que le montant du loyer a augmenté de plus du quart par le jeu de la clause d'échelle mobile, toute demande de révision tendant à ce que soit fixé le loyer à une valeur locative supérieure doit être déclarée irrecevable ; qu'en l'espèce, la société Paris Look faisait valoir que « lorsque le loyer se trouve augmenté de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement, la révision qui peut être demandée ne peut tendre à obtenir un loyer supérieur à l'augmentation de 25 % » ; qu'en retenant néanmoins, pour dire recevable
la demande de révision judiciaire du loyer de la société A. Hôtel, que c'est à tort que la société Paris Look faisait valoir que la valeur locative ne saurait être supérieure au montant du loyer indexé, la cour d'appel a violé les articles L. 145-39 et R. 145-22 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la clause d'indexation disposait que le loyer serait indexé tous les ans sur l'indice du coût de la construction et, pour la première fois, le 1er janvier 1995 et qu'en raison du décalage existant entre la date de publication de l'indice et le jour d'échéance de la révision, l'indice de référence serait celui du 4e trimestre 1993 et l'indice de comparaison celui du 4e trimestre de l'année civile précédant le jour anniversaire de la révision et, pour la première révision au 1er juillet 1995, l'indice du 4e trimestre 1994 et relevé qu'aucune distorsion n'avait été constatée entre l'indice de base fixe (4e trimestre 1994) et l'indice multiplicateur qui avait été, lors des révisions successives, celui du 4e trimestre précédant la date de révision et que, si le loyer révisé à venir était fixé à une date différente de celle prévue par la clause, le juge devrait adapter le jeu de la clause d'échelle mobile à la valeur locative, la révision du loyer ne pouvant elle-même organiser la distorsion prohibée par la loi, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause d'indexation n'était pas illicite et que, le loyer ayant augmenté de plus du quart depuis sa dernière fixation, la demande de fixation du loyer révisé à la valeur locative était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.