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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 14 septembre 1999, n° ECOC9910264X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Concurrence (SA)

Défendeur :

Philips Electronique Grand Public (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

Mme Favre, Mme Kamara

Conseiller :

Mme Riffault

Avocat :

Me Saint-Esteban

CA Paris n° ECOC9910264X

14 septembre 1999

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours ;

Par lettre du 2 octobre 1995, les sociétés Concurrence et Jean Chapelle ont saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques mises en œuvre par la société Philips.

Par décision n° 98-D-51 du 7 juillet 1998, le Conseil de la concurrence, retenant essentiellement que la saisine dénonçait la persistance, postérieurement à 1992, de certaines pratiques précédemment alléguées, savoir les conditions de rémunération des accords de coopération commerciale passés avec des revendeurs et l’octroi de remises supplémentaires occultes, dont le caractère anticoncurrentiel n’avait pas été établi, a, par application des dispositions de l’article 20 de l’ordonnance du 1er décembre 1986: dit n’y avoir lieu de poursuivre la procédure.

La société Concurrence, agissant en son nom et venant aux droits de la société Jean Chapelle, a formé un recours en réformation contre cette décision au soutien duquel elle fait valoir :

-  s’agissant des conditions de rémunération de la coopération commerciale, que l’examen de l’application réelle des accords n’a pas été effectué, alors qu’il était indispensable pour apprécier l’existence d’éventuelles dérogations visées par l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le Conseil aurait dû en conséquence faire diligenter une enquête, la période visée par la saisine étant postérieure à celle couverte par la précédente mesure d’instruction ; qu’en outre, la décision déférée est en contradiction avec les termes de l’arrêt rendu le 8 janvier 1998 par la cour d’appel de Versailles, lequel, bien que fondé sur les dispositions de l’article 33 de l’ordonnance précitée, peut utilement venir à l’appui de sa saisine, les infractions telles que les refus de vente ou de communication de barèmes ainsi que les conditions discriminatoires étant au service du titre III de l’ordonnance ; que les services Philips ne sont ni spécifiques ni définis objectivement alors que l’exigence de règles objectives, qui découle de l’application de l’article 7, conduit nécessairement à un barème qui doit être appliqué sans dérogations ; que le Conseil aurait dû en conséquence estimer que les taux de rémunération des services Philips devaient faire l’objet de critères objectifs écrits et communicables, et de barèmes précis, et non de simples indications de fourchettes, et a fortiori pas sans indication de taux ;

-  s’agissant de l’octroi de remises supplémentaires, « qu’en l’absence d’enquête, il n’était pas possible de savoir si ces remises cachées étaient censées rémunérer les services que la précédente enquête avait soi-disant décelées » ; que le Conseil aurait dû dans ces conditions examiner les factures et les avoirs de Philips et dire que les remises attribuées sans à aucun critère écrit, tels les avoirs sur transactions, sont illicites.

La société Philips France, venant aux droits de la société Philips Electronique Grand Public (Philips), mise en cause d’office, souligne :

- sur les conditions de rémunération des accords de coopération commerciale, que les pratiques dénoncées étaient strictement identiques à celles qui étaient évoquées dans la précédente procédure et ont fait l’objet d’une décision du Conseil du 4 mars 1997, confirmée par un arrêt de la cour d’appel du 10 mars 1998, lequel n’est pas en contradiction avec celui rendu par la cour d’appel de Versailles le 8 janvier 1998, et qu’en l’absence d’élément nouveau on ne voit pas sur quelle base une nouvelle enquête devrait être engagée ;

- sur les remises supplémentaires, que les faits avaient déjà été dénoncés par la société Concurrence et instruits, avant de donner lieu à la décision du 4 mars 1997.

Elle demande en conséquence à la cour de déclarer irrecevable et mal fondé le recours formé par la société Concurrence, de confirmer la décision du Conseil et de condamner la société Concurrence à lui payer la somme de 30 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le ministre chargé de l’économie conclut à la «confirmation » de la décision de non-lieu en faisant observer que le Conseil, puis la cour, ont déjà examiné les faits dénoncés, lesquels ne sont que la perpétuation de faits faisant l’objet de saisines antérieures, qu’il n’appartient pas à la cour, sous le couvert du présent recours, de revenir sur l’arrêt rendu le 10 mars 1998, enfin, que le rapporteur peut procéder librement à l’instruction du dossier qui lui est confié, dans les limites des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986.

Le ministère public a présenté à l’audience des observations orales tendant au rejet du recours.

Lors de l’instruction écrite et à l’audience la société requérante a eu la possibilité de répliquer aux observations de Philips, du ministre et du ministère public ;

Sur ce, la cour :

Considérant, selon l’article 20 de l’ordonnance du Ier décembre 1986, que le Conseil de la concurrence peut décider, après que l’auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure ;

Considérant, en l’espèce, que par lettre du 29 septembre 1995, enregistrée le 2 octobre, les sociétés Concurrence et Jean Chapelle ont saisi le Conseil de pratiques qu’elles estimaient anticoncurrentielles, mises en œuvre par la société Philips Electronique Grand Public, aujourd’hui Philips France, à l’occasion de la commercialisation des produits « vidéo », «hifi-laser» et «audio» de marques Philips, Radiola, Schneider et PDM, en précisant que les pratiques dénoncées n’étaient, «en fait, que la perpétuation des faits dont le conseil est déjà saisi » ;

Considérant, en effet, que les mêmes sociétés avaient précédemment dénoncé auprès du Conseil de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles qu’elles imputaient à Philips, résultant de l’application des conditions générales de vente et de services des appareils électroniques domestiques Philips au cours des années 1988 à 1992 ainsi que des conditions de rémunération des accords de coopération commerciale dont avaient bénéficié certains revendeurs au cours de la même période ;

Considérant que le Conseil a retenu, ce qui n’est pas contesté par la société requérante, que les conditions générales de vente visées par la lettre du mois d’octobre 1995 étaient identiques dans leur rédaction à celles examinées à l’occasion de la précédente saisine, laquelle, après instruction, s’est achevée par une décision de non-lieu en date du 4 mars 1997 ; que, de même, il a relevé, s’agissant des remises supplémentaires occultes, qu’il n’était versé aucun élément nouveau susceptible de constituer un commencement de preuve permettant de conclure à d’éventuelles pratiques discriminatoires ; que, dès lors, il a pu en déduire, sans avoir fait procéder à une nouvelle enquête, que le caractère anticoncurrentiel des conditions de rémunération des accords de coopération commerciale passés avec des revendeurs et de l’octroi dc remises supplémentaires occultes, pratiques critiquées à nouveau par la société Concurrence, mais sans que le moindre élément probatoire soit produit par elle, n’était pas établi ;

Que, contrairement à ce qui est soutenu, le Conseil n’était pas tenu de faire procéder à une nouvelle enquête, dès lors qu’il aurait pu, par application de l’article 19 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, déclarer la saisine irrecevable, estimant que les faits invoqués n’étaient pas appuyés d’éléments suffisamment probants ;

Que les autres arguments de la société requérante, qui tendent en réalité à contester la précédente décision de non-lieu du Conseil, alors que le recours formé par la société Concurrence a été rejeté par un arrêt de cette cour du 10 mars 1998, sont inopérants ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le recours en réformation formé par la société Concurrence doit être rejeté ;

Considérant enfin que ni l’équité ni la situation économique des parties ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Par ces motifs :

Rejette le recours ;

Rejette la demande de la société Philips France en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la société requérante au dépens.