Cass. 3e civ., 3 novembre 2016, n° 15-16.827
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Andrich
Avocat général :
Mme Salvat
Avocats :
Me Occhipinti, SCP Delaporte et Briard
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 145-33 du code de commerce ;
Attendu que la stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est composé d'un loyer minimum et d'un loyer calculé sur la base du chiffre d‘affaires du preneur n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative ; que le juge statue alors selon les critères de l'article L. 145-33 précité, notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l'abattement qui en découle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 février 2015), que, le 2 avril 2001, la société Unibail, aux droits de laquelle se trouve la SCI Marveine, a donné à bail à la société San Marina des locaux commerciaux situés dans un centre commercial pour une durée de dix ans ; que le bail stipule un loyer composé d'un loyer de base minimum et d'un loyer additionnel représentant 8 % du chiffre d'affaires de la locataire et prévoit, en cas de renouvellement, que, « dans les termes et conditions découlant de la législation en vigueur, le loyer de base sera fixé selon la valeur locative telle que déterminée par les articles 23 à 23-5 du décret du 30 septembre 1953 ou tout autre texte qui lui sera substitué », et qu'à « défaut d'accord le loyer de base sera fixé judiciairement selon les modalités prévues à cet effet par la législation en vigueur » ; que la société bailleresse, qui a accepté le principe de renouvellement, a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation de la valeur du loyer minimum garanti ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'existence d'une clause de loyer binaire induit une incompatibilité avec les règles statutaires relatives à la fixation du loyer puisque celui-ci, dans un tel bail, n'est pas fixé selon les critères définis à l'article L. 145-33 que le juge des loyers commerciaux a l'obligation d'appliquer, mais peut prendre en considération des éléments étrangers à cette énumération tel qu'un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé par le preneur, que l'accord des parties et la liberté contractuelle dont il est l'expression ne permet pas d'écarter cette incompatibilité, que, si les parties peuvent librement stipuler s'agissant du loyer initial et peuvent, d'un commun accord, fixer par avance les conditions de fixation du loyer du bail renouvelé, elles ne peuvent que stipuler sur les droits dont elles ont la disposition, qu'en l'espèce, dans le débat judiciaire qui s'ouvre en raison du désaccord des parties, les dispositions de l'article L. 145-33 s'imposent au juge des loyers commerciaux qui ne saurait fixer par application d'autres critères que ceux que la loi lui prescrit le loyer du bail renouvelé qui ne peut en aucun cas excéder la valeur locative ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la SCI Marveine de sa demande de fixation judiciaire du loyer de base, l'arrêt rendu le 19 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.