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Décisions

CA Besançon, 2e ch. com., 19 février 1993, n° 1903/90

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lip Précision (SA)

Défendeur :

Leclerc (ès qual.), Kiple (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bougon

Conseillers :

M. Gauthier, M. Bangratz

Avocats :

Me Moyne, Me Bellard

T. com. Besançon, du 5 nov. 1990

5 novembre 1990

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 5 novembre 1990, auguel la Cour se réfère expressément pour l'exposé des faits et de la procédure, le Tribunal de commerce de BESANCON a :

- déclaré irrecevable pour cause de forclusion la tierce opposition formée par LIP PRECISION à l'ordonnance du juge-commissaire en date du 24 septembre 1990 ;

- rejeté la demande en dommages-intérêts de Maître Leclerc, ès qualités de mandataire liquidateur de la SMH Kiple;

- condamné la société LIP PRECISION à payer la somme de 10.000 francs à Maitre LECLERC en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- reçu SENSEMAT en son intervention volontaire mais rejeté sa demande de 300.000 francs en réparation du préjudice subi ;

- condamne LIP PRECISION à tous les dépens.

La SA LIP PRECISION a interjeté appel de cette décision.

Elle demandé à la Cour de I'annuler ou de l’infirmer ; d'annuler I'ordonnance attaquée du 24 septembre 1990 avec toutes conséquences de droit ; subsidiairement, d'ordonner le sursis à statuer initialement sollicité dans l’attente de la décision du Tribunal de grande instance de BESANCON, saisi par assignation du 22 octobre 1990 ; de condamner Maitre LECLERC, es qualités, au paiement de la somme de 12.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que l’action ne pouvait être regardée comme entrant dans le champ d'application des articles 115 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ; que les actions civiles relatives aux marques sont de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance et constituent des questions préjudicielles que seul celui-ci peut connaitre, en application de l’article 24 de la loi du 31 décembre 1964; que l’ordonnance déférée a été rendue sur une requête fondée sur les dispositions de I'article 155 de la loi du 25 janvier 1985, alors qu'en I'espèce, la cession de la marque ordonnée et de quelques stocks ne saurait obéir à cette définition.

Elle ajoute que le juge-commissaire ne pouvait autoriser la cession d'un contrat gui n’était pas cessible ; qu'il ne pouvait le faire en passant outre l’audition et l’autorisation des ayants-droit et co-contractants ; que I'ordonnance critiquée n'émane pas du juge-commissaire compètent.

Maitre LECLERC, es qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société KIPLE, demande à la cour de déclarer l’appel irrecevable ; de confirmer le jugement déféré ; de condamner la société LIP PRECISION à lui payer la somme de 10.000 francs au titre de I'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II fait valoir que rien ne permet de soustraire les marques, qui bien qu'incorporelles sont des meubles, du droit commun de la revendication des meubles, édictée par I'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; que si la Cour considérait que cette action n'était pas une action en revendication, l’appel devait être déclaré irrecevable ; que les pouvoirs que le juge-commissaire détient en vertu de I'article 155 de la loi du 25 janvier 1985 et ceux qu'il détient en vertu de I'article 156 sont identiques.

II ajoute que la société LIP PRECISION n'a pas qualité pour agir sur ce fondement ; que les ordonnances rendues par le juge-commissaire en matière de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit ; que la Cour n'a pas le pouvoir d'arrêter cette exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 1992.

DISCUSSION :

En application des dispositions de l’article 173, alinéa 1er, 2, de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, ne sont susceptibles... ni d'appel... les jugements par lesquels le tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions, à l’exception de ceux statuant sur les revendications.

En I'espèce, il résulte de la lecture de l’exposé des motifs de la décision déférée, que le Tribunal, suivant en cela les conclusions de Maitre LECLERC, es qualités, s'est situé sur le terrain de l’action en revendication des meubles, prévue par les dispositions des articles 115 et suivants de la loi précitée.

L'appel interjeté par la SA LIP PRECISION doit ainsi être déclaré recevable.

Il résulte de l’examen de l'ordonnance, en date du 24 septembre 1990, frappée de tierce-opposition par la société LIP PRECISION, qu’elle a été rendue non pas par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la SA SMH KIPLE, mais par le président du tribunal de commerce, le juge-commissaire étant empêche.

II n'est pas soutenu et établi que le président dudit tribunal ait été désigné en qualité de juge-commissaire suppléant de la procédure collective de la société KIPLE, conformément aux dispositions de l’article 23 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985.

Aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoit la suppléance automatique d’un juge-commissaire empêché par le président de la juridiction consulaire.

Dès lors, l'ordonnance attaquée a été rendue par un magistrat qui n'avait aucune compétence d'attribution pour le faire.

II convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré, et d'annuler I'ordonnance rendue le 24 septembre 1990.

II ne peut être fait application des dispositions de l’article 561 du nouveau Code de procédure civile, compte tenu de la spécificité de l’affaire. Les parties seront ainsi renvoyées à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront.

II serait inéquitable de laisser à la charge de la SA LIP PRECISION l’intégralité de ses frais irrépétibles. Il convient de lui allouer la somme de 10.000 francs, en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Maitre LECLERC, es qualités, qui succombe, n'a droit à aucune indemnité au titre des dispositions précitées. Il sera déboute de sa demande correspondante et condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement,

contradictoirement, après en avoir délibéré,

Déclare les appels recevables en la forme ;

Infirme le jugement rendu le 5 novembre 1990 par le Tribunal de commerce de BESANCON;

Et statuant à nouveau ;

Annule I’ordonnance rendue le 24 septembre 1990 par le Président dudit tribunal, suppléant le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la SA SMH KIPLE, empêché ;

Renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront ;

Condamne Maitre LECLERC, es qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA SMH KIPLE à payer à la SA LIP PRECISION la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 francs), en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne Maitre LECLERC, es qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA SMH KIPLE aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LEROUX MEUNIER, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.