Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-13.739
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 9 février 2004) et les productions, que M. X..., propriétaire d'un immeuble objet d'une réserve au plan d'occupation des sols a exercé son droit de délaissement en application de l'article L. 123-9 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi SRU du 13 décembre 2000 et a proposé l'acquisition de l'immeuble au département des Yvelines (le département) le 5 avril 1993 ; que ce dernier a offert d'acheter le bien au prix de 1 600 000 francs ; que M. X..., qui a accepté cette proposition le 23 août 1993, a été mis en redressement judiciaire le 18 novembre 1993 sous le régime simplifié ; que la vente a été constatée par acte authentique du 26 novembre 1993 lequel stipulait le transfert de propriété immédiat au profit du département, mais différait la prise de possession à l'expiration du délai d'un an à compter du paiement du prix, date à laquelle le vendeur devait livrer les biens vendus libres de toute occupation ou location ; qu'en cas de non-délivrance à l'expiration du délai d'un an, était stipulée une indemnité forfaitaire et non susceptible de réduction de 500 francs par jour de retard jusqu'à la libération effective et la remise des clés ; que le prix ayant été payé par le département le 26 janvier 1994, l'immeuble était toujours occupé par M. Y... se prévalant d'un bail commercial à la date fixée pour sa libération le 26 janvier 1995 ; que par arrêt du 18 mai 2001, la cour d'appel de Paris a rejeté la demande du commissaire à l'exécution du plan de M. X... visant à voir annuler la vente et l'a déclarée parfaite ; que, par l'arrêt déféré, la cour d'appel a notamment rejeté la demande d'expulsion du département contre M. X..., prononcé la nullité de la clause pénale stipulée par l'acte du 26 novembre 1993, constaté l'existence d'un bail commercial au profit de M. Y... et en a prononcé la résiliation aux torts du locataire pour défaut de paiement des loyers ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le département fait grief à l'arrêt d'avoir reçu M. X... en son exception tendant à voir prononcer la nullité de la clause pénale et d'avoir annulé cette clause, alors, selon le moyen :
1 / que les juges ne doivent pas méconnaître les termes du litige qui sont déterminés par les conclusions des parties ; que la cour d'appel qui reçu M. X... en son exception tendant à voir prononcer la nullité de la clause pénale, l'a déclarée fondée et a prononcé la nullité de la clause pénale stipulée à l'acte du 26 novembre 1993, bien que M. X..., appelant, demandait à la cour d'appel de constater qu'il n'aurait pas eu la qualité de contraindre un locataire à quitter les lieux en raison de la procédure collective, et par conséquent de l'exonérer de la responsabilité pour inexécution de l'engagement stipulé en application de l'article 1148 du Code civil et, subsidiairement la réduction de la clause pénale stipulée par application des articles 1149 et 1152 du même Code, a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 954 du même Code ;
2 / que le débiteur en redressement judiciaire continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur et les actes de gestion courantes qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi ; que la cour d'appel qui, pour prononcer la nullité de la clause pénale stipulée à l'acte du 26 novembre 1993, a retenu que M. X... en redressement judiciaire était dans l'impossibilité de passer seul un acte de disposition et de s'engager dans une clause susceptible d'aggraver son endettement, sans constater que ces actes auraient été compris dans la mission de l'administrateur, a violé les articles 32 et 33 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-23 et L. 621-24 du Code de commerce ;
3 / que le débiteur en redressement judiciaire continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur et les actes de gestion courantes qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi ; que la cour d'appel qui, pour prononcer la nullité de la clause pénale stipulée à l'acte du 26 novembre 1993, a retenu que M. X... en redressement judiciaire était dans l'impossibilité de passer seul un acte de disposition et de s'engager dans une clause susceptible d'aggraver son endettement ;
qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la cour d'appel de Paris avait débouté le mandataire judiciaire de son action en nullité de la vente, et que M. X... n'avait pas satisfait à l'obligation prévue par l'article 1605 du Code civil , et sans rechercher, comme elle y était invitée, si à la date de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les parties n'étaient pas convenues de la vente de l'immeuble libre de toute occupation de sorte que l'engagement du vendeur relatif aux modalités de la délivrance et les sanctions stipulées ne pouvaient constituer un acte de disposition, a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 et 33 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-23 et L. 621-24 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que dès lors que M. X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel qu'il n'avait pas qualité à la date du 26 novembre 1993 pour prendre l'engagement stipulé dans la clause pénale en raison de sa mise en redressement judiciaire le 18 novembre 1993, la cour d'appel n'a pas méconnu l'objet du litige en statuant comme elle a fait ;
Attendu , en second lieu, que la cour d'appel de Paris, par sa décision du 18 mai 2001, s'étant bornée à déclarer la vente parfaite entre les parties dès le 23 août 1993 et définitivement conclue à cette date, l'arrêt déféré, appelé à se prononcer sur la validité de la clause pénale stipulée dans l'acte authentique du 26 novembre 1993, postérieur à la mise en redressement judiciaire de M. X..., a exactement retenu qu'une telle clause susceptible d'aggraver le passif du débiteur en redressement judiciaire par la mise en oeuvre de l'astreinte stipulée constituait un acte de disposition étranger à la gestion courante que le débiteur était dans l'impossibilité de passer seul; que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche inopérante demandée par la deuxième branche en l'absence de désignation d'un administrateur, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le département fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement rejetant sa demande d'expulsion dirigée contre M. X... et rejeté sa demande tendant à voir condamner ce dernier à libérer l'immeuble, ainsi que tous occupants de son chef et ordonner son expulsion, alors, selon le moyen, que l'acquéreur d'un bien vendu libre de toute occupation est en droit de poursuivre l'expulsion du vendeur et de tous occupants de son chef ; que la cour d'appel, qui a rejeté la demande du département tendant à voir condamner M. X... à libérer l'immeuble, ainsi que tous occupants de son chef et ordonner son expulsion, tout en constatant que M. X... n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance, et en prononçant la résiliation du bail à l'encontre de M. Y..., occupant du chef de M. X..., a violé les articles 1610 et 1611 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le département ne demandait pas l'expulsion de M. Y..., mais seulement celle de M. X... et de tous occupant de son chef, et relevé que M. X... n'a jamais occupé l'immeuble à titre personnel, l'arrêt retient que M. Y..., occupant des lieux, est titulaire d'un bail commercial portant sur l'immeuble dont le département est propriétaire et en prononce la résiliation pour défaut de paiement des loyers par le preneur, de sorte que M. Y... n'étant plus depuis la vente occupant des lieux du chef de M. X..., la demande d'expulsion formée contre ce dernier se trouve dépourvue d'intérêt; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.