CA Versailles, 12e ch., 20 février 2018, n° 17/02746
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
BM&A (SAS)
Défendeur :
Decarp (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leplat
Conseillers :
M. Ardisson, Mme Muller
FAITS :
Mise en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Versailles le 28 avril 2014, la société DECARP a souscrit le 28 avril 2015, par l'intermédiaire de sa gérante et sans l'assistance du mandataire judiciaire désigné, à une convention de la société MB&A pour l'exécution d'une première mission d'audit des comptes, moyennant le prix de 12 000 euros HT, et une seconde mission pour l'établissement d'un projet financier en vue du plan de continuation, et pour un prix à déterminer.
Après que la société MB&A a remis son premier rapport d'audit le 11 mai 2015, facturé celui-ci au prix fixé, puis soumis pour approbation l'objet de sa mission relative au plan de continuation de la société au prix de 16 000 euros, la gérante de la société DECARP a décliné la poursuite de cette seconde mission, et après qu'un plan de continuation de l'activité a été arrêté le 3 décembre 2015 pour une durée de dix ans, la société DECARP s'est opposée à la mise en demeure de la société MB&A de lui payer les honoraires de 17 400 euros TTC avant d'être assignée à cette fin le 5 avril 2016 devant le tribunal de commerce de Versailles.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 22 mars 2017 qui a :
- débouté la société BM&A de ses demandes,
- condamné la société BM&A à payer à la SARL DECARP la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure-civile,
- condamné la société BM&A aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 4 avril 2017 par la société BM&A ;
* *
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 3 octobre 2017 pour la société BM&A aux fins de voir, au visa de l'article 1134 du code civil :
- dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société BM&A,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société DECARP de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société DECARP à payer à la société BM&A la somme de 17 400 euros TTC majorée des intérêts égaux à trois fois le taux de l'intérêt légal à compter de la date de mise en demeure du 26 janvier 2016,
- condamner la société DECARP à payer à la société BM&A une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 9 août 2017 pour la société DECARP aux fins de voir, articles L. 622-7 et L. 622-17 I du code de commerce :
A/ sur la première phase de la mission de la société BM&A
PRINCIPALEMENT
1- Sur l'absence d'approbation des lettres de mission par l'administrateur Maître J...
Confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions,
Constater l'absence d'approbation de l'administrateur judiciaire sur la lettre de mission en date du 28 avril 2015,
En conséquence,
A titre principal,
Débouter purement et simplement la société BM&A de l'intégralité de ses demandes.
SUBSIDIAIREMENT
2- Sur la mauvaise exécution des prestations fournies par la société BM&A,
A titre subsidiaire, si la Cour considérait contre toute attente que la créance de la société BM&A est fondée, il est demandé à la Cour de dire et juger, qu'en tout état de cause, les prestations fournies par la société BM&A sont totalement insuffisantes et ne justifient pas le montant de la facture réclamée par cette dernière.
En conséquence,
A titre subsidiaire,
Débouter purement et simplement la société BM&A de l'intégralité de ses demandes.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
3- Sur la facture disproportionnée établie par la société BM&A à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour considère que la créance de BM&A est valablement formée en l'absence de signature de l'administrateur judiciaire, et que la société BM&A a satisfait à ses obligations contractuelles, la société DECARP sollicite la réduction des factures établies, à de plus justes proportions, limitée à 6 000 euros,
En conséquence,
A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger que la créance de la société BM&A sera réduite à la somme de 6 000 euros,
B/ sur la seconde phase de la mission de la société BM&A
Confirmer la décision de première instance,
En conséquence,
A titre principal,
Débouter purement et simplement la société BM&A de l'intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
Condamner la société BM&A à verser la somme de 5 000 euros à la société DECARP au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la société BM&A aux entiers dépens ;
* *
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
1. Sur l'opposabilité de la créance
Considérant que pour voir infirmer le jugement, la société BM&A relève que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'emporte pas de plein droit le dessaisissement du dirigeant, que la gérante de la société DECARP a accepté la mission d'audit, qu'alors que l'administrateur s'est vu confier une simple mission d'assistance, sa signature de la lettre de mission n'était imposée que pour le paiement, et soutient qu'en tout état de cause, un acte de gestion accompli sans le concours de l'administrateur n'est pas frappé de nullité mais simplement d'inopposabilité à la procédure collective et conserve tous ses effets entre les parties ;
Considérant en premier lieu, que d'après les pièces qu'elle verse aux débats, la société BM&A justifie de la consistance de la première mission qu'elle a accomplie pour la somme de 12 000 euros ; qu'en revanche, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la seconde mission n'a pas été souscrite par la société DECARP, de sorte qu'aucun prix ne peut être appelé à ce titre ;
Considérant en second lieu, que de par son objet, l'audit des comptes d'une société en redressement en vue de l'adoption de son plan de continuation tombe sous la substance même de la mission de l'administrateur désigné pour l'assistance du débiteur, ainsi que cela s'évince de l'article L. 631-19 I. du code de commerce, ce dont il résulte qu'il n'entre pas au nombre des actes de gestion courante que l'article L. 622-3 du code de commerce autorise le débiteur à accomplir seul, et que la créance de 12 000 euros qui lui correspond n'est pas opposable à la procédure collective avant le terme du plan de continuation de la société arrêté le 3 décembre 2015 ;
Que par ces motifs, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société BM&A du recouvrement de sa créance qui sera déclarée inopposable jusqu'au terme du plan de continuation arrêté le 15 décembre 2015.
2. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la société BM&A succombe pour partie dans son action, en sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles, mais de l'infirmer sur la charge des dépens ; qu'il est équitable de laisser à chacune des parties, les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ainsi que celle des dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau ;
Déclare la créance de la société BM&A de 12 000 euros inopposables à la société DECARP jusqu'au terme du plan de continuation arrêté le 3 décembre 2015 ;
Laisse à chacune des parties, la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.