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Décisions

Cass. soc., 8 décembre 2016, n° 15-19.172

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Avocat :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Lyon, du 1er avr. 2015

1 avril 2015

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er avril 2015), que M. X... a été engagé, le 18 juillet 2011 par la société Btampon services, en qualité d'analyste financier ; que cette société a été placée, le 3 octobre 2011, en redressement judiciaire ; que, par lettre du 13 décembre 2011, le salarié a été licencié pour faute grave, sans l'assistance de l'administrateur judiciaire ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le 27 janvier 2012 ; que contestant cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour être notamment reconnu créancier de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, est inopposable à la procédure collective et à l'AGS et que celle-ci représentée par le centre de gestion et d'étude de l'AGS d'Annecy, n'est pas tenue à garantir les créances du salarié nées de ce licenciement, à savoir l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause et les dommages-intérêts pour défaut d'information sur le droit individuel à la formation, alors selon le moyen :

1°/ qu'un acte de gestion passé par le débiteur soumis à une procédure de redressement judiciaire sans le concours de l'administrateur chargé de l'assister pour tous les actes de gestion est opposable à la procédure collective et à l'AGS dès lors qu'il a été ratifié, même tacitement, par l'administrateur ; qu'il faisait valoir, d'une part, que l'administrateur judiciaire chargé d'assister le gérant de la société Btampon services pour tous les actes de gestion était au courant de la procédure de licenciement intentée à son encontre, d'autre part, que l'administrateur lui-même lui avait indiqué, par lettre du 3 janvier 2012, que l'employeur conservait son pouvoir disciplinaire pendant la procédure collective, et, enfin, que les documents de fin de contrat lui avaient été remis et que son solde de tout compte avait été réglé par la procédure collective ; qu'en se bornant à relever que la lettre du 3 janvier 2012 ne pouvait aller à l'encontre de la loi et que le liquidateur avait satisfait à son obligation légale en établissant et en adressant au salarié les documents de fin de contrat, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les éléments invoqués, pris ensemble, ne permettaient pas de caractériser une approbation non équivoque du licenciement valant ratification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-12 du code de commerce, ensemble les articles L. 622-3 et L. 631-14 du même code ;

2°/ que l'administrateur chargé d'assister le débiteur en redressement judiciaire pour tous les actes de gestion peut tacitement ratifier un acte de gestion passé sans son concours par le débiteur ; qu'en retenant que la lettre de l'administrateur du 3 janvier 2012 ne pouvait aller à l'encontre de la loi ou du jugement de redressement judiciaire quand, l'administrateur judiciaire, répondant à la lettre du salarié du 21 décembre 2011 sollicitant son intervention et l'informant de la procédure de licenciement engagée à son encontre, avait indiqué que « malgré l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, l'employeur n'est pas dessaisi de son pouvoir disciplinaire », ce qui revenait à approuver ainsi tacitement la procédure de licenciement engagée et ses suites éventuelles, dont le licenciement finalement intervenu, la cour d'appel a violé l'article L. 631-12 du code de commerce, ensemble les articles L. 622-3 et L. 631-14 du même code ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que par sa lettre du 6 janvier 2012, le mandataire judiciaire, devenu par la suite liquidateur judiciaire, lui a indiqué qu'il lui adressait « les règlements afférents à la rupture de votre contrat de travail » ; qu'en retenant, pour exclure la ratification du licenciement et son opposabilité à la procédure collective et à l'AGS, qu'il importait peu que le liquidateur ait réglé des créances dénuées de lien avec le licenciement, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre susvisée soulignant explicitement le lien entre les créances réglées et la rupture du contrat, a violé le principe faisant interdiction aux juges de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;

4°/ que le règlement par les organes de la procédure collective, d'une créance résultant d'un acte de gestion exécuté par le débiteur sans l'assistance de l'administrateur au cours de la période d'observation, constitue une ratification tacite dudit acte ; qu'en affirmant que le liquidateur n'avait pas ratifié la décision de licenciement mais simplement satisfait à son obligation légale en établissant et en adressant au salarié l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail, et que le fait que l'AGS ait fait l'avance des sommes ayant permis au liquidateur de régler des créances dénuées de lien avec le licenciement ne permettait pas de conclure que l'AGS avait accepté de garantir les créances nées du licenciement sans rechercher, comme elle y était invitée, si le règlement du solde de tout compte, soit d'un solde d'indemnité compensatrice de préavis et d'un solde de RTT, n'établissait pas la ratification du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-12 du code de commerce ;

5°/ que toute personne a droit à un accès effectif au juge pour faire valoir ses droits ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur judiciaire avait été alerté sur le prononcé du licenciement par la société en redressement judiciaire sans son assistance ; qu'elle a encore constaté que les organes de la procédure collective lui ont délivré les documents afférents à la rupture de son contrat ; qu'elle a enfin relevé que c'était bien pour la première fois en cause d'appel qu'avait été opposée l'inopposabilité du licenciement aux AGS et à la procédure collective ; qu'en retenant pourtant, au vu de telles constatations, l'inopposabilité du licenciement aux AGS, ayant pour effet de priver le salarié de la garantie de paiement et de rendre illusoire, compte tenu de la situation économique de la société employeur, le recouvrement des sommes afférentes à son licenciement pour faute grave jugé par la cour d'appel elle-même sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et en tout état de cause disproportionnée à la substance de son droit à un recours effectif devant le juge prud'homal, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

6°/ que toute personne a droit à la protection de ses biens, laquelle protection couvre les créances ainsi que les espérances légitimes de créance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur judiciaire avait été alerté sur le prononcé du licenciement par la société en redressement judiciaire sans son assistance ; qu'elle a encore constaté que les organes de la procédure collective lui ont délivré les documents afférents à la rupture de son contrat ; qu'elle a enfin relevé que c'était bien pour la première fois en cause d'appel qu'avait été opposée l'inopposabilité du licenciement aux AGS et à la procédure collective ; qu'en retenant pourtant, au vu de telles constatations, l'inopposabilité du licenciement aux AGS, ayant pour effet de le priver de la garantie de paiement et de rendre illusoire, compte tenu de la situation économique de la société employeur, le recouvrement des sommes afférentes à son licenciement pour faute grave jugé par la cour d'appel elle-même sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et en tout état de cause disproportionnée au droit du salarié au respect de ses biens, garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu d'abord qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que le salarié a soutenu devant la cour d'appel que l'inopposabilité du licenciement à la procédure collective et à l'AGS portait une atteinte disproportionnée aux droits protégés par les articles 6. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier protocole additionnel à la dite Convention ;

Et attendu ensuite que la cour d'appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le licenciement disciplinaire prononcé sans l'assistance de l'administrateur judiciaire chargé d'assister la société pour tous les actes de gestion, n'avait pas été ratifié par ce dernier ; qu'elle en exactement déduit qu'il était inopposable à la procédure collective ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, comme tel irrecevable en ses 5e et 6e branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.