Livv
Décisions

Cass. com., 27 mai 2014, n° 12-28.657

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Canivet-Beuzit

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

Me Foussard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Metz, du 25 sept. 2012

25 septembre 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 septembre 2012), que la société PAAM investissements et sa filiale, la société PAAM logistique, ont été mises en redressement judiciaire le 4 juin 2008, la SCP Y...- Z...- A... étant désignée mandataire judiciaire de ces sociétés et la SCP C...- D...- E... administrateur du redressement judiciaire de la filiale avec mission d'assistance ; que le plan de redressement par voie de continuation de la société PAAM investissements a été arrêté le 3 juin 2009 et la société PAAM Logistique mise en liquidation judiciaire le 1er juillet suivant, la SCP Y...- Z...- A... devenant liquidateur (le liquidateur) ; que ce dernier a assigné M. X..., gérant des deux sociétés en responsabilité civile personnelle, lui reprochant de n'avoir pas déclaré au passif de la société mère le montant du compte courant d'associé de la filiale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales ; que ne constitue pas une faute intentionnelle d'une particulière gravité l'absence de déclaration, par le dirigeant d'une SARL en redressement judiciaire, de la créance que celle-ci détient sur une autre société du même groupe, dès lors que l'existence de cette créance est connue de l'ensemble des organes de la procédure ; qu'en considérant que l'absence de déclaration, par M. X..., de la créance détenue par la société Paam logistique sur la société Paam investissements au titre d'un compte courant, était constitutive d'une fraude de nature à engager la responsabilité personnelle de celui-ci, quand cette créance était connue de l'ensemble des organes de la procédure, y compris la SCP Y..., Z..., A..., ès qualités, la cour d'appel a violé l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 223-22, alinéa 1er, du code de commerce que le gérant d'une SARL est personnellement responsable envers les tiers des fautes commises dans sa gestion, lorsqu'elles sont séparables de ses fonctions ; qu'engage sa responsabilité à ce titre le gérant qui commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions ; qu'ayant retenu que M. X..., en s'abstenant de mentionner la créance de la société PAAM logistique sur la liste des dettes de la société PAAM investissements remise au mandataire judiciaire de celle-ci et en ne la déclarant pas, avait sciemment voulu avantager la société mère au détriment de la filiale et de ses créanciers, les privant de la possibilité d'obtenir un règlement dans le cadre du plan de redressement, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, peu important que la créance omise ait pu être connue des organes des procédures collectives ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en cas de carence du débiteur dans l'établissement de la liste certifiée de ses créanciers, le représentant des créanciers est tenu d'avertir personnellement tous les créanciers connus de l'obligation qui pèse sur eux de déclarer, dans les délais légaux, leur créance au passif du débiteur en redressement judiciaire ; qu'en affirmant au contraire que M. Z..., représentant des créanciers de la société Paam Investissements, n'était pas tenu d'informer la société Paam Logistique dont il connaissait pourtant la créance, de la nécessité de déclarer celle-ci au passif de la société en redressement judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 622-6 du code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que l'absence d'invitation par le mandataire judiciaire de la société PAAM investissements à la société PAAM logistique en tant que créancier connu de déclarer sa créance était sans incidence sur le défaut de déclaration de cette créance, dès lors que M. X... avait connaissance de l'ouverture de la procédure collective de la société PAAM investissements dont il était dirigeant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que l'administrateur judiciaire a, quelle que soit l'étendue de la mission qui lui a été confiée par le tribunal, le pouvoir d'accomplir seul les actes conservatoires qui sont destinés à préserver le patrimoine de l'entreprise et notamment celui de procéder à une déclaration de créance ; qu'en affirmant au contraire, qu'en sa qualité d'administrateur judiciaire, M. C... pouvait s'abriter derrière le fait qu'il s'était vu confier une simple mission d'assistance pour ne prendre aucune initiative afin d'éviter l'extinction des créances de la société Paam logistique, la cour d'appel a violé l'article L. 631-12 du code de commerce ;

2°/ qu'en toute hypothèse, il appartient à l'administrateur judiciaire, s'il l'estime nécessaire pour préserver les intérêts de l'entreprise qu'il est chargé d'assister, de demander l'extension de la mission qui lui a été confiée ; qu'en affirmant qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de M. C..., administrateur judiciaire, dès lors qu'il ne pouvait agir sans le concours du représentant légal de la société Paam logistique, sans rechercher comme elle y était expressément invitée, si l'administrateur judiciaire, constatant la carence de M. X..., n'aurait pas dû prendre l'initiative de demander une extension de sa mission, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 631-12 du code de commerce ;

Mais attendu que, lorsqu'un administrateur a été désigné avec mission d'assistance, il appartient au débiteur en redressement judiciaire de déclarer ses créances avec son contreseing, cet administrateur n'ayant ni le pouvoir de les déclarer seul, ni l'obligation de demander que sa mission soit, à cette fin, étendue à l'administration de l'entreprise ; qu'ayant relevé que M. X... n'alléguait ni avoir sollicité le concours de la SCP C...- D...- E..., ni s'être heurté à son refus, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité personnelle pour n'avoir pas déclaré la créance litigieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que M. X... fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au liquidateur judiciaire de la société PAAM logistique le montant du compte courant d'associé, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit de poursuite individuelle du créancier qui n'a pas déclaré sa créance au redressement judiciaire de son débiteur est maintenu en cas de résolution du plan ; que le créancier non déclarant à la première procédure peut alors valablement déclarer sa créance dans la seconde procédure collective ouverte à l'encontre de son débiteur ; qu'en décidant que la créance de la société Paam logistique ne pourrait faire l'objet d'une déclaration dans le cadre de la seconde procédure collective ouverte à l'encontre de la société Paam investissements en cas de résolution du plan de redressement de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 622-26 du code de commerce ;

2°/ que le préjudice lié à l'extinction de la créance ne correspond pas nécessairement au montant de cette créance ; qu'en fixant le montant du préjudice de la société Paam logistique au montant de sa créance au titre de son compte courant dans la société Paam investissements arrêté au 3 juin 2008, soit 276 018 euros, quand le montant du préjudice ne pouvait être supérieur au montant auquel elle aurait pu prétendre dans l'apurement du passif de la société Paam investissements, la cour d'appel a violé l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Mais attendu que, loin de refuser d'apprécier les possibilités d'apurement du passif de la société PAAM investissements, la cour d'appel a retenu qu'en fonction du chiffre d'affaires, des résultats, des actifs et des perspectives de redressement de cette société, la créance de la société PAAM logistique aurait pu être réglée dans son intégralité dans le cadre du plan de redressement de la société mère ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, pour critiquer un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.