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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 6 mars 2014, n° 10/12732

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cardon (ès qual.), Plage des Dunes (SARL), CHECP (Sté)

Défendeur :

Sudinvestments (Sté), Foncière Clannathone (SAS), Ville de Cannes, DG Résidences (SARL), CGEA de Marseille

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mme Durand, Mme Verdeaux

Avocats :

Me Tollinchi, Me Badie, Me Lantourne, Me Hannoune, Me Court-Menigoz, Me Crepeaux, Me Boulan, Me Gastaud, Me Latil, Me Klein, Me Kohn, Me Ayala Dufour

T. com. Cannes, du 12 nov. 2013

12 novembre 2013

- Vu le jugement frappé de contredit rendu le 15 juin 2010 par le tribunal de commerce de Cannes ;

Vu l'arrêt en date du 4 novembre 2010 ;

Vu le jugement frappé d'appel en date du 28 juin 2011 ;

Vu l'arrêt en date du 20 octobre 2011ayant ordonné le sursis à statuer ;

Vu, dans les procédures ouvertes sur ces appels jointes sous le numéro 10/ 12732,

- les conclusions déposées le 10 septembre 2013 par la société SUDINVESTMENTS, demanderesse au contredit et intimée;

- les conclusions déposées le 20 novembre 2012 par la société CANNES PALACE, défenderesse au contredit et intimée;

- les conclusions déposées le 11 septembre 2013 par maître CARDON, mandataire judiciaire au redressement judiciaire des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES, appelant et défendeur au contredit ;

- les conclusions déposées le 22 février 2013 par la société CHECP, défenderesse au contredit et appelante, ainsi que par la société PLAGE DES DUNES, appelante ;

- les conclusions déposées le 11 septembre 2013 par Me F..., administrateur judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société CHECP, défendeur au contredit et appelant ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 25 novembre 2013 ;

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 26 février 2013 par le tribunal de commerce de Cannes ;

Vu, dans la procédure numéro 13/4416 ouverte sur cet appel :

- les conclusions déposées le 6 septembre 2013 par la société COMPAGNIE HÔTELIÈRE EXPLOITATION DU CANNES PALACE (CHECP), H... B... et la société PLAGE DES DUNES, appelants ;

- les conclusions déposées le 5 septembre 2013 par la société FINANCIERE VENDÔME, appelante et intervenante volontaire;

- les conclusions déposées le 10 septembre 2013 par la société SUDINVESTMENTS, intimée ;

- les conclusions déposées le 23 janvier 2014 par la société FONCIÈRE CLANNATHONE, intimée ;

- les conclusions déposées le 15 janvier 2014 par maître F..., administrateur judiciaire au redressement judiciaire des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES, intimé ;

- les conclusions déposées le 10 janvier 2014 par maître CARDON, commissaire à l'exécution du plan et ancien mandataire judiciaire au redressement judiciaire des société CHECP et PLAGE DES DUNES, intimé;

- les conclusions déposées le 19 juillet 2013 par le CENTRE DE GESTION ET D'ÉTUDE AGS de Marseille (CGEA), intimé ;

- les conclusions déposées le 2 décembre 2013 par la société CANNES PALACE, intimée;

- les conclusions déposées le 22 janvier 2014 par la VILLE DE CANNES, intervenante volontaire ;

- l'assignation délivrée le 2 juillet 2013 à I... C..., intimé, l'acte ayant été délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile ;

- l'assignation délivrée le 28 juin 2013 à la société R..., l'acte ayant été remis à une personne habilitée ;

- l'assignation délivrée le 27 juin 2013 à la société DG RÉSIDENCES, intimée, l'acte ayant été remis à une personne habilitée ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 25 novembre 2013;

- les explications fournies oralement à l'audience par I... C..., comparant en personne ;

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 12 novembre 2013 par le tribunal de commerce de Cannes ;

Vu, dans la procédure numéro 13/22 188 ouverte sur cet appel :

- les conclusions notifiées le 28 janvier 2014 par la société COMPAGNIE HÔTELIÈRE D'EXPLOITATION DU CANNES PALACE (CHECP), H... B... et la société PLAGE DES DUNES, appelants;

- les conclusions notifiées le 17 janvier 2014 par la société FONCIÈRE CLANNATHONE, intervenante volontaire ;

- les conclusions notifiées le 15 janvier 2014 par maître F..., administrateur judiciaire au redressement judiciaire des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES, intimé ;

- les conclusions notifiées le 10 janvier 2014 par maître CARDON, commissaire à l'exécution du plan et ancien mandataire judiciaire au redressement judiciaire des société CHECP et PLAGE DES DUNES, intimé;

- les conclusions notifiées le 17 janvier 2014 par la société CANNES PALACE, intervenante volontaire;

- l'assignation délivrée le 3 janvier 2014 à I... C..., intimé, l'acte ayant été remis à la personne du destinataire ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 25 novembre 2013;

- les explications fournies oralement à l'audience par I... C..., comparant en personne ;

Vu l'arrêt en date du 19 septembre 2013 auquel il est en tant que de besoin renvoyé ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;

Attendu que, projetant l'acquisition de l'hôtel Cannes Palace en vue de sa revente par lots à des investisseurs et de son exploitation par une société commerciale qui verserait des loyers aux copropriétaires, H... B... a créé, pour l'acquisition des murs la société de droit luxembourgeois SUDINVESTMENTS dont il était initialement le seul associé, et pour l'exploitation de l'hôtel la société COMPAGNIE HÔTELIÈRE D'EXPLOITATION DU CANNES PALACE (CHECP); que la société PRESTIGE ACQUISITION, filiale à 100 % de la société SUDINVESTMENTS, a acquis le 31 mars 2006 l'intégralité des actions de la société CANNES PALACE jusqu'alors détenue par les consorts O... au prix déclaré de 19,2 millions d'euros financé par la banque DEXIA et garanti par un cautionnement hypothécaire portant sur les murs et un cautionnement solidaire consenti par la société CHECP; que la société CANNES PALACE a cédé l'immeuble d'exploitation à la société SUDINVESTMENTS au prix de 17,9 millions d’euros le 30 novembre 2006 et son fonds de commerce à la société CHECP le même jour au prix de 1,233 millions d’euros ; que la société SUD INVESTMENTS a conclu avec la société CHECP une convention de mise à disposition de l'immeuble puis le 1er octobre 2007 «  l'opération projetée de revente par lots à des investisseurs ayant échoué » un bail jusqu'au 31 décembre 2008;

Attendu que, le prix du fonds de commerce n'ayant pas été réglé dans les délais convenus, le tribunal de commerce de Cannes, par un jugement en date du 14 mai 2009 frappé d'un appel pendant, a ordonné la résolution de la vente du fonds aux torts de la société CHECP ; que par un jugement en date du 14 août 2009 également frappé d'un appel pendant, le tribunal de grande instance de Grasse a prononcé la résolution du contrat de bail et condamné la société CHECP à payer une somme de 2 238 461,70 euros au titre des loyers dus jusqu'au 31 décembre 2008 ; que, la société CHECP ayant été déclarée en redressement judiciaire le 1er décembre 2009, et les loyers n'ayant pas été réglés au cours de la procédure collective, la société SUDINVESTMENTS a fait délivrer un second commandement de payer qui fait également l'objet d'une procédure pendante; qu'elle a en outre saisi le juge-commissaire afin de voir résilier le bail en raison du non-paiement des loyers au cours de la période d'observation par application des dispositions de l'article L. 622-14 du code de commerce; que par jugement en date du 2 novembre 2010 le tribunal de commerce de Cannes a prononcé l'extension de la procédure de redressement judiciaire de la société CHECP à la société PLAGE DES DUNES ;

Attendu que maître F..., administrateur judiciaire, et maître CARDON, mandataire judiciaire en fonction, ont réclamé l'extension de la procédure collective de la société CHECP aux sociétés CANNES PALACE et SUDINVESTMENTS; que par jugement en date du 15 juin 2010 le tribunal de commerce de Cannes a retenu sa compétence et renvoyé les parties à conclure au fond; que sur le contredit formé par la société SUDINVESTMENTS la cour, par arrêt en date du 4 novembre 2010, a dit que le tribunal aurait dû statuer par un jugement unique sur la compétence et sur le fond et sursis dans l'attente de la décision au fond ; que par jugement en date du 28 juin 2011 le tribunal a rejeté la demande tendant à l'extension de la procédure collective à la société SUDINVESTMENTS; que ce dernier jugement a été frappé d'appel par la société CHECP et les organes de sa procédure collective ; que par arrêt en date du 20 octobre 2011 la cour a joint les procédures et sursis à statuer jusqu'à l'intervention d'un avis de la Cour de Justice de l'Union Européenne sollicité par la Cour de Cassation; que, cet avis ayant été rendu le 15 décembre 2011, les parties ont repris l'instance ; que par ordonnance en date du 22 novembre 2012 le conseiller de la mise en état a ordonné la production, par la société SUDINVESTMENTS, des justificatifs de la composition de son capital social et de la détention de ses actions; que le recours par voie de déféré ' nullité formé contre cette ordonnance par la société SUDINVESTMENTS a été déclaré irrecevable par un arrêt en date du 31 janvier 2013;

Attendu que par jugement en date du 26 février 2013 le tribunal de commerce de Cannes a:

- rejeté le projet de plan de redressement par voie de continuation présenté par les sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

- ordonné la cession forcée à la société FONCIÈRE CLANNATHONE des parts sociales des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES détenues par H... B....

- désigné un expert aux fins d'estimation de ces parts et dit que la cession deviendrait effective à compter du paiement de la valeur déterminée par cet expert.

- désigné maître F..., administrateur judiciaire, avec mission d'exercer les droits de vote attachés à ces parts dans l'attente du transfert effectif à la société cessionnaire.

- donné acte à la société FONCIÈRE CLANNATHONE de son engagement de verser une somme de 500 000 euros aux fins de désintéressement des créanciers.

- chargé Mme N... D... de l'exécution du plan.

- désigné maître CARDON en qualité de commissaire à l'exécution du plan et donné acte à ce dernier de son engagement de se désister de sa demande d'extension de la procédure de redressement judiciaire à la société SUD INVESTMENTS.

- donné acte aux sociétés SUD INVESTMENTS et CANNES PALACE de l'abandon de leurs créance déclarées au redressement judiciaire des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

- fixé provisoirement le montant du passif à 3 872 930 euros à parfaire ou à diminuer en fonction de l'issue des contestations en cours.

- fixé la durée du plan à un maximum de 10 ans et dit qu'il prendrait fin lorsque la totalité des créanciers serait désintéressée.

- donné acte des délais et remises consentis par certains créanciers.

- ordonné l'inaliénabilité des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce de la société CHECP pendant la durée du plan.

- donné acte à la société FONCIÈRE CLANNATHONE de son engagement ne pas céder les parts sociales des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES jusqu'au terme du plan et en toute hypothèse dans les deux années de l'arrêté du plan.

- ordonné l'incessibilité pendant toute la durée du plan des parts sociales des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

- imposé aux sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES l'établissement semestriel d'une situation comptable et sa transmission au commissaire à l'exécution du plan.

Attendu que ce jugement a été frappé d'appel par H... B..., la société CHECP, la société PLAGE DES DUNES et la société FINANCIÈRE VENDÔME, repreneur évincé ; que la société FONCIÈRE CLANNATHONE a relevé appel incident; que la société FINANCIÈRE VENDÔME et la VILLE DE CANNES sont intervenues volontairement dans l'instance d'appel ; que par arrêt en date du 19 septembre 2013 la cour a :

- Déclaré l'appel nullité de la société FINANCIERE VENDÔME irrecevable et condamné cette dernière aux entiers dépens en découlant.

Déclaré recevable l'intervention volontaire de cette société au soutien des prétentions de H... B... et des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

Déclaré pour le surplus les appels recevables.

Déclaré recevable l'intervention volontaire de la ville de Cannes.

Annulé le jugement attaqué en ce qu'il avait ordonné la cession des parts sociales de H... B... sans respecter la procédure de l'article R. 631-34-1 du code de commerce, et en ce qu'il avait conséquemment désigné un expert aux fins d'évaluation de ces parts et confié une mission de mandataire ad hoc à maître F....

Constaté que, la nullité affectant la saisine du tribunal de commerce, l'annulation n'emportait pas effet dévolutif et renvoyé les parties à saisir ce tribunal dans les meilleurs délais pour qu'il soit à nouveau statué sur les chefs annulés.

Dit n'y avoir lieu à annulation du surplus des dispositions du jugement attaqué.

Sursis à statuer sur ces dispositions jusqu'à ce qu'ait été rendue une décision définitive sur la cession des parts et ses suites directes. 

Attendu que par jugement en date du 12 novembre 2013 le tribunal de commerce de Cannes a :

- « ordonné la cession forcée à la société FONCIÈRE CLANNATHONE des parts sociales détenues par H... B... dans le capital des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

- Dit que la valeur de ces droits sociaux sera déterminée par un expert désigné en application de l'article 1843-4 du Code civil.

- Dit que ce jugement était indissociable de celui du 23 février 2013 pour lequel l'arrêt de l'exécution provisoire avait été arrêté par le délégataire du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence » ;

Attendu que ce dernier jugement a été frappé d'appel par les sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES ainsi que par H... B... ; que la société FONCIÈRE CLANNATHONE est intervenue volontairement dans la procédure d'appel ;

SUR CE,

Sur la jonction des procédures.

Attendu que la cession des parts sociales de H... B..., condition du maintien de l'offre de la société FONCIÈRE CLANNATHONE, fait partie intégrante du plan soumis à l'appréciation de la cour de sorte que, même si procéduralement elle n'est pas indivisible du plan, il convient de joindre les appels interjetés contre les jugements des 23 février et 12 novembre 2013 dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que dès lors qu'il ne peut être statué sur la cession sans que soit préalablement écartée au moins en opportunité l'éventualité de l'extension de la procédure à la société SUD INVESTMENTS, il convient de joindre également l'appel des jugement du 15 juin 2010 et du 28 juin 2011 ;

Sur la recevabilité des conclusions du Ministère Public ;

Attendu que dans chacune des deux procédures jointes relatives à la cession des parts de H... B... et à l'arrêté du plan de cession le Ministère Public conclut à l'infirmation du jugement attaqué et au prononcé de la liquidation judiciaire afin que puisse prospérer l'action en confusion des patrimoines sur laquelle il a été sursis ; que les appelants ainsi que les sociétés FONCIÈRE CLANNATHONE et CANNES PALACE entendent voir déclarer ces conclusions irrecevables aux motifs qu'en première instance le Ministère Public, indivisible, a émis un avis favorable au plan proposé et a même saisi le tribunal de commerce de la requête qui a abouti au jugement du 12 novembre 2013, et que par suite, en vertu du principe de l'estoppel, il ne peut adopter une position différente en appel ; que cette fin de non-recevoir sera rejetée dès lors que le Ministère Public n'a pas relevé appel des décisions en cause, que son revirement ne pourrait éventuellement le priver que de la voie de la cassation, et que par suite il demeure libre de son opinion quel que soit le sens de ses réquisitions en première instance;

Sur le sursis à statuer et la demande en extension.

Attendu que les appelants « que le Ministère Public rejoint en appel sur ce point » estiment qu'il convient d'examiner en premier lieu l'appel du jugement du 28 juin 2011 relatif à l'extension de procédure sur lequel il a été sursis ; que, selon eux, le projet de cession n'a été présenté par la société FONCIÈRE CLANNATHONE que pour éviter une éventuelle extension à sa société soeur SUD INVESTMENTS, toutes deux étant des filiales de la société CLANNATHONE STERN contrôlée par Éric D..., individu au passé judiciaire chargé, et l'économie du plan étant fondée sur la renonciation à une créance de loyer exorbitante, fondement de la demande d'extension et preuve de l'existence d'une confusion des patrimoines;

Attendu qu'il résulte à cet égard des pièces produites que le capital social de la société SUD INVESTMENTS « dont H... B... prétend qu'il en a été dépossédé par ruse alors pourtant qu'il a signé l'acte constatant le transfert de propriété et qu'il n'a pour l'heure introduit aucune instance civile en annulation » a changé ultérieurement de mains à plusieurs reprises avant d'échoir à la société belge CLANNATHONE STERN dirigée par Éric D..., société-mère de la société FONCIÈRE CLANNATHONE dirigée par la soeur d'Éric D...; qu'il est établi et non contesté que ce dernier a fait l'objet à titre personnel le 6 juillet 1994 d'une liquidation judiciaire clôturée le 22 novembre 2012 avec une insuffisance d'actif de l'ordre de 20 millions de francs, et a été condamné à la faillite personnelle pour une durée de 50 ans par un jugement du tribunal de commerce de Lille en date du 17 juin 1996 pour avoir, dans cette procédure collective, dissimulé et détourné de l'actif, omis de déclarer l'état de cessation des paiements, et établi des créances fictives; que compte tenu du changement de législation la durée de la sanction a été réduite à 15 ans par un jugement du même tribunal en date du 12 décembre 2006; qu'Éric D... détient néanmoins à présent « au moins officiellement » la quasi-totalité du capital de la société CLANNATHONE STERN et indirectement de celui de sa filiale FONCIÈRE CLANNATHONE auteur de l'offre de reprise, les fonds dont il dispose étant considérables à en juger d'après les avoirs de près de 4 millions d’euros portés au crédit de la société FONCIÈRE CLANNATHONE selon une attestation de la banque BNP PARIBAS, et les opérations menées par ailleurs, notamment dans le domaine de l'hôtellerie, pour plusieurs millions d’euros selon les assertions figurant dans les conclusions ;

Attendu que si ces circonstances légitiment totalement les réserves des appelants, du Ministère Public et de maître F..., force est de constater qu'aucune preuve positive n'est rapportée, même par présomption, de ce qu'Éric D... manierait des capitaux d'origine douteuse ou frauduleuse, éventuellement soustraits aux organes et créanciers de sa propre procédure de liquidation ; qu'aucune des investigations entreprises « notamment par l'intermédiaire de TRACFIN selon les déclarations recueillies à l'audience » n'a en effet mis au jour la provenance douteuse des fonds détenus ou le caractère frauduleux de l'une des opérations juridiques intervenues, notamment la reprise de plusieurs autres hôtels par d'autres sociétés du groupe dont dépend la repreneuse; que dès lors le seul passé judiciaire fort ancien d'Éric D... ne peut, en l'absence d'empêchement légal, suffire à justifier le rejet d'emblée de l'offre de la société FONCIÈRE CLANNATHONE;

Attendu qu'il est établi que la société SUD INVESTMENTS domiciliée ..., qui possède les parts sociales de la société CANNES PALACE dont l'unique actif est situé à Cannes, n'a sur le plan économique pour objet que de porter ces parts et d'encaisser les revenus générés par cet actif ; qu'elle a été constituée à cette fin ainsi que, à l'évidence, pour permettre le cautionnement par la société CHECP du prêt contracté par sa filiale PRESTIGE ACQUISITION qui n'aurait certainement pas été accordé en l'absence de démembrement; qu'il a par ailleurs été constaté qu'elle a changé d'adresse au Luxembourg à intervalles rapprochés à plusieurs reprises, des présomptions suffisamment sérieuses de fixation du siège dans de simples boîtes aux lettres n'étant cependant pas réunies dès lors que les tentatives de localisation n'ont échoué qu'à une seule reprise, que le siège n'a pas changé depuis le 21 septembre 2011, et qu'il n'est pas établi qu'elle n'occupe pas réellement des locaux et ne dispose pas d'organes de direction et de représentants au Luxembourg ; que par ailleurs, si son unique actif est situé à Cannes en France, elle a néanmoins vocation de manière licite à encaisser les loyers au Luxembourg où elle a contracté un emprunt pour l'acquisition de l'hôtel, le non encaissement étant la conséquence de la situation financière désastreuse de la société CHECP ; qu'au regard des dispositions du règlement CE 1346/2000 du 29 mai 2000 et de l'arrêt de la cour de justice de l'UE du 15 décembre 2011, il pourrait dès lors être retenu sans trop de risque que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de l'action en extension en affirmant que le centre des intérêts principaux de la société SUD INVESTMENTS se confond avec le siège de l'hôtel de la société CANNES PALACE en France où les tiers peuvent la localiser de manière certaine;

Attendu que les chances d'aboutissement favorable au fond de l'action en extension devant les juridictions françaises, éventuellement à l'issue d'un inévitable pourvoi, ne seraient sans doute pas négligeables compte tenu notamment du montant exorbitant des loyers exigés à l'origine par la société SUD INVESTMENTS, augmentés de 200 % en un an et demi et sans rapport avec la valeur locative et les revenus de la société CHECP, ainsi que du cautionnement consenti par cette dernière à la société PRESTIGE ACQUISITION en violation de son objet et de son intérêt social alors qu'elle n'avait aucun rapport avec elle, le tout ne s'expliquant que par l'intérêt personnel du promoteur initial de l'opération faisant fi de la personnalité et de l'autonomie de chacune des sociétés ;

Attendu cependant que le montage de l'opération n'est reprochable ni à la société FONCIÈRE CLANNATHONE, ni à sa société mère, mais à H... B... dont les intérêts personnels ne peuvent l'emporter sur ceux des créanciers et des salariés de la société CHECP; qu'il faut retenir d'abord que la consécration de la compétence des juridictions françaises pour connaître de l'action en extension en dépit des incertitudes caractérisées ci-dessus, et l'éventuel prononcé de l'extension sur le fondement de la fictivité ou de la confusion des patrimoines, exposeraient les sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES de manière quasi certaine à l'aléa de procédures longues et coûteuses avec, dans l'immédiat, prononcé de la liquidation judiciaire et licenciement des salariés, ensuite que selon les organes de la procédure collective qui ont procédé à une comparaison précise et convaincante, l'offre de la société FONCIÈRE CLANNATHONE est préférable à celle de la société FINANCIERE VENDÔME qui d'ailleurs n'a pas été formellement maintenue postérieurement à l'arrêt du 19 septembre 2013, enfin qu'il n'a été procédé à aucune évaluation de la valeur vénale actuelle de l'hôtel, murs et fonds compris, qui compte tenu des initiatives prises par la banque DEXIA, permettrait seule en cas de liquidation et de confusion des patrimoines de tabler avec certitude sur une issue plus favorable que celle analysée ci-dessous proposée par la société FONCIÈRE CLANNATHONE;

Attendu que dans ces conditions, et malgré les interrogations qui demeurent, ... ;

Sur la cession des parts sociales et l'appel du jugement du 12 novembre 2013.

* Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société FONCIÈRE CLANNATHONE.

Attendu que, bénéficiaire de la cession forcée des parts sociales de H... B..., la société FONCIÈRE CLANNATHONE, dont l'offre incluant cette cession a été acceptée par le tribunal de commerce, a intérêt à faire valoir son point de vue dans l'instance relative à l'appel du jugement qui, à la suite de l'arrêt du 19 septembre 2013, a de nouveau statué sur la cession ; que seront en conséquence rejetées les conclusions des appelants soutenant qu'aux termes des articles L. 631-19-1 et R. 631-34-1 du code de commerce le repreneur n'est pas partie à l'instance en cession forcée et que son intervention est dès lors irrecevable;

* Sur la nullité du jugement et l'effet dévolutif de l'appel.

Attendu que le tribunal de commerce ne pouvait statuer sur la demande de cession de parts sociales qu'au vu du rapport du juge commissaire qui était obligatoire en vertu des dispositions de l'article R. 662-12 du code de commerce ; qu'est versée aux débats la copie d'un rapport manuscrit daté du 4 novembre 2013 concluant dans un sens favorable à la cession; que cependant le jugement attaqué ne comporte aucune mention, même sous forme de visa, de la présence de ce juge à l'audience ou du dépôt de son rapport; que dans ces conditions il faut retenir que le tribunal de commerce pas recueilli l'avis du juge commissaire et que le jugement est nul pour irrégularité de forme; que la saisine du tribunal à l'initiative du Ministère Public ne s'en trouve cependant pas affectée, de sorte que malgré la nullité le litige se trouve dévolu en son entier à la cour en vertu des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile;

Attendu que dans leurs dernières conclusions les appelants, qui en première instance ont comparu et conclu au fond, se contentent d'invoquer la nullité et de solliciter le renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce ou éventuellement une injonction de conclure au fond ; que ces prétentions seront rejetées dès lors que les appelants ont conclu au fond avant de se raviser dans leur dernier écrit, que l'appel tend à l'annulation du jugement pour une autre cause que la nullité de l'acte introductif d'instance et que par suite la dévolution s'opère en toute hypothèse pour le tout sans que la cour ait à enjoindre de conclure au fond aux appelants qui s'en sont en dernier lieu abstenus volontairement (Cass. civ. 2 13 juillet 1999) ;

* sur le fond.

Attendu qu'il est pris acte de ce que, dans leurs dernières conclusions, les appelants ne maintiennent pas leur moyen antérieur pris d'une expropriation forcée méconnaissant les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, ce moyen n'étant en toute hypothèse pas fondé dès lors que, comme précisé ci-dessous, la cession des parts est en l'espèce nécessaire à la survie des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES et répond ainsi à un objectif d'intérêt général ; que la cession sera en conséquence ordonnée dans les termes arrêtés par les premiers juges sous cette réserve qu'il convient de désigner un administrateur provisoire chargé d'exercer les droits de vote jusqu'à la signature des actes de cession et de donner acte à la ville de Cannes de ce que son agrément est nécessaire pour le transfert de l'autorisation d'exploitation de la plage des dunes ;

Sur le plan de cession et l'appel du jugement du 26 février 2013.

Attendu que le projet de plan du 10 septembre 2012, dont les dispositions essentielles ont été reproduites dans le jugement attaqué et que la société FONCIÈRE CLANNATHONE a maintenu bien qu'il ait été stipulé initialement valable jusqu'au 15 novembre 2012 seulement, prévoit :

- la reprise et l'apport à la société FONCIÈRE CLANNATHONE de l'ensemble des parts sociales des sociétés SUD INVESTMENTS et CANNES PALACE.

- l'acquisition des parts sociales des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES détenues par H... B....

- le paiement dans le mois de l'homologation de l'offre de reprise des créanciers superprivilégiés et de ceux dont la créance est inférieure 300 euros

- l'apurement du passif à 100 % en six échéances, la première dans le mois suivant le prononcé de la décision définitive d'adoption du plan et les suivantes à la date anniversaire de la même décision avec, à titre optionnel, l'indemnisation à 50 % des créanciers définitivement admis au passif dans le mois du prononcé.

- la renonciation par les sociétés SUD INVESTMENTS et CANNES PALACE, moyennant l'adoption du plan, aux créances déclarées au passif de la société CHECP se montant respectivement à 6 143 997 et 1 371 373 euros.

- le financement du plan sur fonds propres au moyen d'apports en compte courant.

- l'octroi à la société CHECP d'un bail commercial sur la base d'un loyer annuel de 905 000 euros pour la première période triennale avec engagement, pendant la durée du plan, de ne percevoir les loyers que sur justification du paiement des créanciers, ces loyers étant réduits en fonction de l'excédent de trésorerie après paiement des créanciers de l'exploitation et du plan.

- la limitation de la créance de loyer au titre de la période d'observation, jusqu'à la décision définitive arrêtant le plan, à une somme correspondant au solde de trésorerie au jour de cette décision sous déduction des frais de justice.

- l'apport à la société CHECP de la créance de loyer relative à la période d'observation avec possibilité de simple abandon de créance, avec ou non clause de retour à meilleure fortune.

- la mise à disposition de la société CHECP d'une somme d'un million d’euros au travers d'une société d'exploitation.

- la renonciation à tout prélèvement dans les comptes des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES pendant toute la durée du plan d'apurement du passif.

- le maintien de l'intégralité des contrats de travail permanents et/ou saisonniers en cours au jour de l'homologation du plan.

- l'embauche de personnels qualifiés.

- le financement par la repreneuse sur fonds propres ou crédits à moyen terme des travaux de rénovation nécessaires à la valorisation et à l'optimisation des fonds de commerce des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

- la reprise de l'ensemble des contrats en cours sous réserve de résiliation dans le respect des règles et usages de ceux qui seraient désavantageux.

Attendu que cette offre s'est trouvée améliorée depuis lors par la remise à l'administrateur judiciaire de chèques d'un montant total de 2 millions d’euros permettant d'augurer du respect des engagements pris ; que, l'offre de la société FINANCIERE VENDÔME n'ayant pas été maintenue et étant moins avantageuse de l'aveu des organes de la procédure, il faut constater que le projet soumis à homologation préserve dans des conditions satisfaisantes l'existence et l'avenir de la société CHECP, les contrats de travail et l'intérêt des créanciers ; que sous réserve des dispositions précédemment infirmées et des précisions requises quant à l'exercice des droits de vote attachés aux parts cédées et à l'indispensable accord de la ville de Nice au transfert du contrat d'exploitation de la plage des dunes, les jugements des 26 février et 12 novembre 2013 seront en conséquence confirmés;

Attendu qu'eu égard à l'issue du litige et aux motifs d'opportunité qui ont conduit la cour à écarter la solution de l'extension de procédure, il convient de laisser à chacune des parties à l'instance en extension la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel; que pour le surplus les dépens sera mis à la charge de la procédure collective commune des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES ; qu'aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Ordonne la jonction des procédures connexes 10/ 12732, 13/4416 et 13/22 188.

Déclare recevable l'intervention volontaire la société FONCIÈRE CLANNATHONE dans la procédure ouverte sur l'appel du jugement du 12 novembre 2013.

Déclare recevables les conclusions du ministère public.

Annule le jugement attaqué du 12 novembre 2013 en raison de l'absence de rapport du juge commissaire.

Vu l'effet dévolutif de l'appel,

Ordonne la cession forcée à la société FONCIÈRE CLANNATHONE des parts sociales détenues par H... B... dans le capital des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

Dit que la valeur de ces parts sera déterminée par un expert désigné en application de l'article 1843-4 du Code civil.

Désigne maître J..., administrateur judiciaire, pour exercer les droits de vote attachés aux parts cédées jusqu'au paiement du prix fixé par l'expert à désigner.

Constate que la cession de la concession de la plage des dunes ne pourra intervenir sans l'accord de la ville de Cannes.

Confirme le jugement en date du 26 février 2013 en toutes ses dispositions non annulées ou infirmées par l'arrêt en date du 19 septembre 2013.

Y ajoutant,

Donne acte à la société FONCIÈRE CLANNATHONE de ce qu'elle a remis à l'administrateur judiciaire des chèques d'un montant total de 2 millions d’euros.

Rejette toutes demandes ou fins de non-recevoir contraires.

Dit qu'en conséquence des dispositions ci-dessus il n'y a pas lieu de statuer sur les recours devenus sans objet formés contre les jugements des 15 juin 2010 et 28 juin 2011.

Laisse à chacune des parties aux instances relatives à ces recours la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Met le surplus des dépens à la charge de la procédure collective commune des sociétés CHECP et PLAGE DES DUNES.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Accorde aux avocats des parties bénéficiaires de condamnations aux dépens le privilège de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.