CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 13 décembre 2012, n° 12/13247
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monin-Hersant
Conseillers :
M. Loos, M. Picque
Vu le jugement prononcé le 6 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Melun qui, saisi d'une demande d'ouverture de sauvegarde, a prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de M. Laurent C., exerçant la profession d'agriculteur sous l'enseigne ETA du Chatel, a désigné Maître C. de la SCP C.-A. en qualité de mandataire judiciaire et a fixé au 1er juin 2012 la date de cessation des paiements,
Vu l'appel de M. C. reçu le 13 juillet 2012,
Vu les conclusions déposées le 27 septembre 2012 par M. C.,
Vu les conclusions déposées le 26 octobre 2012 par la SCP C.-A., en la personne de Maître C., ès qualités de mandataire judiciaire de M. C., intimée,
Vu l'ordonnance du 29 octobre 2012 du délégataire du premier président ordonnant l'arrêt de l'exécution provisoire,
Vu la communication de la procédure au ministère public le 31 août 2012,
SUR CE, LA COUR
Considérant que M. C. demande à la cour d'annuler le jugement déféré et, subsidiairement, de l'infirmer et de faire droit à sa demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde ; qu'au soutien de sa demande de nullité, il soutient que le ministère public n'avait pas à être présent lors de l'audience tenue devant les premiers juges le 1er juin 2012 ; qu'il expose par ailleurs que les premiers juges, saisis d'une demande d'ouverture de sauvegarde, n'étaient pas autorisés à ouvrir un redressement judiciaire, son état de cessation des paiements n'étant par ailleurs aucunement caractérisé ;
Considérant que Maître C., ès qualité, s'en rapporte à justice en faisant observer que le tribunal, sur demande d'ouverture de procédure de sauvegarde, ne pouvait pas directement ouvrir un redressement judiciaire et devait respecter la procédure de saisine d'office dans les termes de l'article R. 631-3 du code de commerce ;
Considérant, sur la demande de nullité, que si la présence du ministère public n'est pas mentionnée par l'article L. 621-1 du code de commerce lors de l'examen de la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde non précédée d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation, cette présence est toujours requise en matière d'ouverture de procédure collective et à fortiori insusceptible d'affecter la régularité de la décision entreprise ; qu'enfin, et en toute hypothèse, l'entier litige est dévolu à la cour ;
Considérant ensuite, qu'en application de l'article R. 621-5 du code de commerce, « Lorsqu'il apparaît que le débiteur ne remplit pas les conditions requises pour l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, le tribunal rejette la demande »; que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sur saisine d'office, doit nécessairement respecter la procédure prévue par l'article R. 631-3 du code de commerce ; que le jugement qui, sur demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, a directement ouvert une procédure de redressement judiciaire doit nécessairement être infirmé ;
Considérant par ailleurs que, dans sa requête déposée le 23 avril 2012, M. C. expose que, conformément à l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Paris le 17 mars 2011 et en présence d'une situation demeurant inchangée, il ne se trouve pas en état de cessation des paiements ; que cette absence de cessation des paiements n'est pas contredite par les éléments contenus dans le rapport dressé le 18 juillet 2012 par Maître C., ès qualités, qui retient en outre une activité cumulée bénéficiaire ;
Considérant ensuite que M. C. rencontre « des difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter » au sens de l'article L. 620-1 du code de commerce ; qu'en effet, sur demande de la MSA dont il refuse l'assujettissement forcé, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Melun, par jugement du 11 octobre 2011 , a validé la saisie de ses droits d'associé ou de valeur mobilière et a rejeté sa demande de mainlevée d'une saisie pratiquée le 14 décembre 2010 par la MSA entre les mains du GFA DU CHATEL afin de recouvrer la somme de 131.369,41 euros ; que la procédure sollicitée par M. C. est ainsi susceptible de faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité, de maintenir son emploi et d'examiner dans quelles conditions le passif peut être apuré ;
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande de nullité du jugement ;
Infirme le jugement déféré ;
Ouvre une procédure de sauvegarde de justice à l'égard de M. Laurent C., demeurant [...], exerçant la profession d'agriculteur sous l'enseigne ETA DU CHATEL, immatriculé au RCS de Melun sous le n° A 405211459 ;
Désigne la SELARL C.-C. en la personne de Maître Philippe C. en qualité d'administrateur judiciaire, demeurant [...] ([...]) ;
Fixe la première période d'observation à 3 mois ;
Renvoie la procédure devant les premiers juges pour la désignation des autres organes de la procédure et le suivi de celle-ci ;
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective et accorde aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.