Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 12 novembre 2020, n° 18-25.967

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

SARL Cabinet Briard, SCP Gaschignard

Aix-en-Provence, du 24 mai 2018

24 mai 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mai 2018, rectifié le 20 décembre 2018), M. et Mme S..., bailleurs, ont signifié à la société Sama, preneuse à bail de locaux à usage commercial, un congé avec offre de renouvellement, que celle-ci a accepté dans son principe, et l'ont assignée en fixation du prix du bail renouvelé.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. et Mme S... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en fixation du loyer du bail renouvelé en fonction de la valeur locative par exception à la règle du plafonnement, de dire que le loyer, révisé par application de l'indice trimestriel de la construction, s'élève à 29 923 euros et que la taxe foncière viendrait en déduction de ce montant, alors « qu'il appartient au juge chargé de fixer le montant du loyer du bail renouvelé de rechercher, au besoin d'office, ce qu'est la valeur locative des locaux donnés à bail ; qu'en décidant de fixer le montant du loyer du bail renouvelé par application au loyer d'origine de l'indice du coût de la construction, puis en déduisant de ce montant la charge que représente l'obligation faite au preneur de payer lui-même les travaux de mise en conformité et de gros entretien ainsi que la taxe foncière, tout en constatant que ces sujétions particulières résultaient déjà au bail d'origine, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33 et R. 145-8, dernier alinéa, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. La société Sama conteste la recevabilité du moyen au motif que celui-ci critique une disposition de l'arrêt qui serait favorable à M. et Mme S..., dès lors que la recherche de la valeur locative n'a d'intérêt que si elle est inférieure au montant du loyer plafonné.

4. Cependant, en appliquant des abattements sur le loyer plafonné, le loyer fixé par la cour d'appel peut être inférieur à la valeur locative, en sorte que les bailleurs ne sont pas dépourvus d'intérêt à se prévaloir de la violation des textes invoqués au moyen.

5. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce :

6. Selon ce premier texte, le prix du bail commercial renouvelé doit correspondre à la valeur locative. Selon le second, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de minoration de la valeur locative

7. Pour fixer le prix du bail renouvelé, l'arrêt, après avoir rejeté la demande de la preneuse en fixation du loyer à la valeur locative, faute de démontrer l'incidence négative sur son activité des facteurs locaux de commercialité, applique au loyer plafonné des abattements pour tenir compte des charges exorbitantes du droit commun pesant contractuellement sur le preneur.

8. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher, nonobstant l'absence de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce, si le loyer du bail renouvelé, calculé par application de l'indice prévu à l'article L. 145-34 du même code, excédait la valeur locative, laquelle s'évalue selon les critères définis à l'article L. 145-33 et non sur la base du loyer plafonné auquel, comme loyer contractuel indexé, il n'y a pas lieu d'appliquer des facteurs de minoration, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé, par défaut d'application, et le second, par fausse application.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la demande de déplafonnement du loyer et en ce qu'il condamne M. et Mme S... à payer à la société Sama les intérêts au taux légal sur la somme de 1 981,84 euros, à compter du 1er mars 1999, et avec anatocisme par année entière (au titre du dépôt de garantie supérieur à 2 mois de loyer), l'arrêt rendu le 24 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet sur les autres points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.