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Décisions

Cass. com., 19 octobre 1993, n° 91-15.310

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Pasturel

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

M. Choucroy, M. Foussard

Paris, du 5 févr. 1991

5 février 1991

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 1991), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Gessy, prononcée par un jugement du 26 septembre 1988, la société Exor, propriétaire de locaux commerciaux dans lesquels la débitrice exerçait son activité, lui a fait commandement de reprendre et maintenir en état d'utilisation effective les lieux loués, conformément aux baux, ledit commandement visant en outre la clause résolutoire insérée à ceux-ci ; qu'en vertu d'une ordonnance du juge-commissaire en date du 31 mars 1989, prononcée sur le fondement de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985, le liquidateur a procédé à une cession globale d'unité de production au profit de la société Transac ; qu'après avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de cette société, le Tribunal a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 25 novembre 1988 et ordonné l'expulsion de la société Gessy et de tous occupants de son chef ; qu'appel a été interjeté par la société Gessy, par le liquidateur et par la société Transac, de cette décision dont la société Exor a également relevé appel incident en demandant subsidiairement à la juridiction du second degré de prononcer la résiliation judiciaire des baux aux torts du liquidateur et de la société Transac pour défaut d'exploitation et de paiement des loyers postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, et de déclarer nulle et inopposable la cession des baux intervenue au profit de cette société ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Exor fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir rejeté sa demande en résiliation formée contre le liquidateur ès qualités, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dès lors que, comme le constate l'arrêt, le liquidateur avait clairement manifesté sa volonté de poursuivre les baux et que cette poursuite avait été, sur sa demande, expressément autorisée par le juge-commissaire, l'annulation des ordonnances l'y autorisant le privait nécessairement et rétroactivement du droit de céder les locaux en question ; que l'arrêt n'a donc pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a faussement appliqué l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, tout en violant les articles 1134 du Code civil et les règles du contrat judiciaire ; et alors, d'autre part, que dans la mesure où, comme le rappelaient les conclusions, l'ordonnance du 31 mars 1989 comme l'ordonnance antérieure du 20 décembre 1988, n'avait autorisé la cession qu'à des personnes nommément désignées ou à " toute personne physique ou morale pouvant s'y substituer " et où l'élément essentiel du fonds de commerce était le droit au bail, l'arrêt a méconnu les conditions d'application de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985 et les règles de la subrogation conventionnelle, en dispensant le liquidateur de justifier de la régularité de la substitution au profit de la société Transac qui avait d'abord été écartée de la reprise de l'unité de production ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que, n'ayant jamais reçu de la bailleresse la mise en demeure prévue à l'article 37, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, le liquidateur ne pouvait être présumé avoir renoncé à la poursuite du bail, et qu'il avait clairement manifesté sa volonté contraire en sollicitant du juge-commissaire des prorogations de délai mais que ces autorisations n'étaient pas indispensables au liquidateur dès lors qu'il n'avait jamais été sommé de prendre parti sur la continuation du bail et qu'il trouvait dans l'alinéa 1er du texte susvisé la faculté de poursuivre seul l'exécution des contrats en cours, peu important, en conséquence, l'annulation ultérieure des ordonnances précitées ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que la cession autorisée par l'ordonnance du juge-commissaire en date du 31 mars 1989 n'était pas limitée au bail mais qu'elle comprenait le fonds de commerce y inclus les baux et que la société Exor ne démontrait pas que cette cession serait une cession " camouflée " du seul droit au bail, la cour d'appel a pu en déduire que l'opération constituait une cession globale d'unité de production au sens de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985 ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de résiliation des baux formée contre la société Transac, aux motifs, selon le pourvoi, que cette société s'est substituée aux droits et obligations de MM. Z..., X... et A... dans l'acquisition de l'unité de production incluant le droit au bail sans qu'il soit démontré que ces dernières n'auraient pas donné leur agrément ; qu'elle justifie d'un acte de caution bancaire du 6 décembre 1990, se substituant au précédent cautionnement du 1er juin 1989 ; que, certes, ce cautionnement, ordonné par le juge des référés, ne garantit que 10 mois de loyers et non 18 et ne couvre les charges qu'à hauteur de 10 % du loyer principal ; qu'il n'est pas non plus établi que ladite société ait satisfait à l'obligation de donner sa caution pour garantir le paiement des loyers et charges, mais que cette inexécution partielle de ses obligations ne présente pas, eu égard aux litiges en cours, un caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation du bail et qu'il suffira d'une régularisation dans les 3 mois, alors, d'une part, que l'arrêt a inversé la charge de la preuve et méconnu les règles de la subrogation conventionnelle en présumant la régularité d'une substitution par agrément de MM. Z..., X... et A... ; qu'il a donc violé les articles 1250 et 1341 du Code civil ; et alors, d'autre part, et en tout cas, que l'arrêt a méconnu que l'obligation de cautionnement n'était pas contractuelle mais imposée par le juge des référés comme condition de la cession, en sorte que son inobservation constatée emportait résiliation ; que l'arrêt a donc violé l'article 1184 du Code civil qu'il prétend appliquer ;

Mais attendu, d'une part, qu'en vertu de l'article 155, alinéa 5, de la loi du 25 janvier 1985, le liquidateur choisit l'offre d'acquisition de l'unité globale de production qui lui paraît la plus sérieuse et permet, dans les meilleures conditions, d'assurer durablement l'emploi et le paiement des créanciers, la cession étant ordonnée par le juge-commissaire ; qu'il s'ensuit qu'en autorisant la cession de l'unité de production au profit de MM. Z..., Y... et A... ou, à défaut, de " toute personne physique ou morale pouvant s'y substituer ", l'ordonnance du 31 mars 1989 a institué, pour le cas où les cessionnaires désignés ne donneraient pas suite à leur offre, une faculté de substitution à l'usage du seul liquidateur et que, dès lors, les règles de la subrogation conventionnelle n'étaient pas applicables ; que, par ce motif de pur droit, substitué à celui de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt, que la société Exor ait soutenu devant la cour d'appel que le cautionnement mis par le juge des référés à la charge de la société Transac ait été imposé comme condition de la cession de l'unité de production ;

D'où il suit qu'irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa seconde branche, le moyen ne peut être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.