Cass. com., 25 mars 1997, n° 94-16.535
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Les Platanes (SCI), Pirebat (SARL), Société civile immobilière de gestion (Sté), Graci (SA), Casa Florry (SCI), Villa d'Este (SCI), Domaine du colombier (SCI), de Livron (SCI), Ibaia (SCI), Sainte-Croix (SCI), Nautica (SCI), Progestim (EURL)
Défendeur :
Banque générale du commerce (SA), Vendôme investissement (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Badi
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
Me Cossa
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 29 juin 1994) d'avoir, d'un côté, déclaré réguliers les dix-neuf jugements ayant rejeté une demande de jonction des procédures de redressement judiciaire ouvertes à l'égard de quatorze personnes physiques ou morales du "groupe C...", d'un autre côté, rejeté une demande d'ouverture de redressement judiciaire à l'égard de quatre sociétés de ce groupe, rejeté en outre le plan de redressement proposé par la société Banque générale du commerce et la société Vendôme investissement, prononcé la liquidation judiciaire des quatorze débiteurs et, enfin, renouvelé la période d'observation de la SCI Princesse Z..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 24 du décret du 27 décembre 1985, à l'exception du cas où le Tribunal statue sur un recours formé contre une des ordonnances du juge-commissaire, le Tribunal statue "après rapport du juge-commissaire", sur toutes les contestations qui sont nées du redressement ou de la liquidation judiciaire et qui sont portées devant lui; que, selon l'article 36 de la loi du 25 janvier 1985, ce rapport s'impose notamment lorsque le Tribunal statue sur une demande de liquidation judiciaire; que la formalité substantielle que constitue le rapport du juge-commissaire sur le projet de plan de redressement et sur la demande de liquidation judiciaire doit donner lieu à un rapport écrit dans le cadre du régime général; qu'en considérant, pour rejeter la nullité, que le juge-commissaire n'était nullement tenu de faire un rapport écrit sur ce projet, la cour d'appel a violé les textes susvisés; et alors, d'autre part, que l'article 111 du décret du 27 décembre 1985, selon lequel le rapport d'enquête du juge-commissaire peut être présenté oralement, n'est applicable qu'à la procédure simplifiée; que, dès lors, en décidant que le rapport pouvait n'être qu'oral dans le régime général institué par la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;
Mais attendu que la cour d'appel a énoncé exactement que le juge-commissaire n'était nullement tenu de faire un rapport écrit à la juridiction; que le moyen est sans fondement ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard des SCI Sainte-Croix, Ibaia, Nautica et de la SARL Pirebat, alors, selon le pourvoi, que, dans leurs conclusions régulièrement signifiées, ces sociétés avaient demandé l'ouverture d'une procédure à leur égard, en faisant état de la confusion de leur patrimoine avec celui des sociétés du groupe C..., à l'égard desquelles le Tribunal avait déjà ouvert une procédure; que, dès lors, en déclarant que les trois SCI et la SARL n'avaient pas conclu sur leur appel des décisions ayant rejeté les demandes d'ouverture, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel ne s'est pas prononcée pour le seul motif que critique le moyen, lequel est dès lors surabondant; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté une demande de jonction de quatorze procédures collectives ouvertes à l'égard de M. C..., de la société C... et compagnie, de la société C... finances, de la société C... promotion, de la SARL GEACI, de l'EURL Progestim, des SCI Casa Florry, Le Bertrand Y..., Princesse Z..., Villa d'Este, Domaine du colombier, de Livron, Les Platanes et Immobilière de gestion, rejeté une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Pirebat et des SCI Sainte-Croix, Ibaia et Nautica, rejeté une demande de jonction de ces procédures avec les quatorze procédures ouvertes précitées, rejeté le plan de redressement proposé par la société Banque générale du commerce et la société Vendôme investissement, prononcé la liquidation judiciaire des treize sociétés précitées faisant l'objet d'une procédure collective, enfin renouvelé la période d'observation de la SCI Princesse Z..., alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'ayant constaté les participations croisées entre les différentes sociétés d'un même groupe, leur animation par le même dirigeant, la complémentarité de leurs objets sociaux, l'interdépendance et l'intégration de leur activités, de même que leurs liens financiers très étroits ayant conduit le Tribunal à retenir une même date de cessation des paiements pour toutes les procédures de redressement judiciaire, la cour d'appel devait en déduire que la confusion des patrimoines existant entre les sociétés du groupe justifiait la jonction des procédures déjà ouvertes et l'ouverture d'une procédure à l'égard des sociétés in bonis; qu'en se refusant à statuer de la sorte , la cour d'appel a violé l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985; alors, d'autre part, que la confusion des patrimoines ne constitue pas la sanction d'une faute mais celle d'un état de fait; qu'en énonçant, pour rejeter les demandes en jonction des procédures à l'égard des sociétés du groupe C... encore in bonis, que les rapports qu'entretenaient celles-ci avec les autres sociétés du groupe avaient l'apparence de la normalité, la cour d'appel a fait reposer la confusion des patrimoines sur la notion de faute ;
qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 du Code civil; et alors, enfin, qu'après avoir constaté l'imbrication financière et matérielle des sociétés du même groupe, leur animation par un même dirigeant, la complémentarité de leurs objets sociaux, l'interdépendance et l'intégration de leurs activités, la cour d'appel devait rechercher, comme elle y était invitée, si leur dirigeant unique avait habituellement souscrit des emprunts qu'il avait redistribués aux différentes structures du groupe; que, dès lors, en rejetant les demandes en jonction des procédures ouvertes à l'encontre des sociétés mises en redressement judiciaire et en ouverture d'une procédure à l'égard des quatre autres sociétés du même groupe, sans avoir procédé à cette recherche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que chacune des entités du "groupe C..." possède un patrimoine personnel bien identifié, que celles-ci avaient une vie économique autonome au point que certaines d'entre elles sont encore in bonis, que leurs rapports contractuels et financiers, bien qu'étroits, avaient, sans démonstration contraire à ce jour, l'apparence de la normalité et que les appelants ne justifient nullement en quoi la participation de ces sociétés à un groupe à "concentration verticale" ferait en elle-même la preuve de la confusion de leurs patrimoines; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, écartant la confusion des patrimoines, la cour d'appel, à laquelle il ne peut être reproché d'avoir omis une recherche qui n'était pas susceptible d'influer sur la solution du litige, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.