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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 20 août 2020, n° 19/02030

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Comelex (SA)

Défendeur :

Selarl Ajassociés (ès qual.), Vergnet (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Caillard

Conseillers :

Mme Chenot, Mme Michel

T. com. Orléans, du 13 mai 2019

13 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE :

La société Vergnet, qui a pour activité la fourniture de solutions en énergies durables, a conclu le 9 octobre 2008 avec la société Ethiopian Electric Power Company (EEPCo) un contrat de construction portant sur l'installation d'un parc éolien sur le site d'Ashegoda, situé près de la ville de Mekele en Ethiopie.

Pour réaliser cette opération, la société Vergnet a conclu le 31 mars 2011 avec la société Alstom Wind France (Alstom) deux contrats : un contrat portant sur la fourniture et l'installation de turbines éoliennes, puis un contrat d'opération et de maintenance de 54 turbines de ce parc.

Le contrat de fourniture a été entièrement exécuté par la société Alstom et par avenant du 31 décembre 2014, les parties ont décidé de substituer à la société Alstom la société Compagnie de montages électriques à l'exportation (Comelex) pour la poursuite du contrat d'opération et de maintenance, avec effet rétroactif au 1er juillet 2014.

En contrepartie d'une rémunération annuelle de 3 375 000 euros HT pour les 54 éoliennes du parc (avec stipulation d'une clause de variation de prix et de pénalités en cas de performances insuffisantes), le contrat d'opération et de maintenance obligeait la société Alstom, puis après elle la société Comelex, à assurer, notamment, le démarrage et la mise à l'arrêt des turbines éoliennes, la supervision des données communiquées par un système dit Scada, la surveillance des turbines, la maintenance préventive et corrective du parc éolien, la formation du personnel autorisé et une disponibilité moyenne annuelle des turbines de 95 %.

Selon jugement du 30 août 2017, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA Vergnet, en désignant la SELARL Ajassociés, prise en la personne de Maître Franck M., en qualité d'administrateur, et la SELARL V., prise en la personne de Maître Julien V., en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier recommandé du 22 septembre 2017, réceptionné le 25 septembre suivant, la société Comelex a mis en demeure l'administrateur judiciaire de la société Vergnet, en application de l'article L. 622-13, III, 1°, de prendre parti sur la poursuite du contrat d'opération et de maintenance.

Confrontée à des difficultés de paiement de sa cliente éthiopienne, la société Vergnet a adressé le 3 octobre 2017 à la société Comelex un courrier dans lequel elle lui indiquait qu'ensuite de leurs échanges téléphoniques du 27 septembre 2017, elle se trouvait obligée de modifier temporairement son offre de service à la société EEPCo, et lui demandait en conséquence d'adapter ses prestations, en arrêtant dès que possible un groupe de machines et en limitant ses services sur le reste du parc, précisant que ses propres services support seraient inopérants.

Le lendemain 4 octobre 2017, la société Comelex a adressé un courriel à Maître M., en lui joignant le courrier reçu de la société Vergnet et en l'informant qu'en l'absence des services support de la société Vergnet, elle n'était pas en mesure de maintenir ses services sur le site sans enfreindre les règles de sécurité et ne souhaitait donc pas seulement limiter ses activités, mais les suspendre dans l'attente de la reprise normale des activités de la société Vergnet.

Suivant requête du 11 octobre 2017, à laquelle le juge-commissaire a fait droit par ordonnance du 16 octobre suivant, Maître M. a sollicité un délai supplémentaire de deux mois pour prendre parti sur la poursuite ou la résiliation du contrat.

Le 15 novembre 2017, la société Comelex a déclaré au passif du redressement judiciaire de la société Vergnet une créance de 4 076 303,80 euros au titre de prestations de maintenance et de « refacturation » de taxes à la fois antérieures et postérieures au jugement d'ouverture -une procédure de contestation est pendante devant le juge-commissaire et la société Vergnet, qui fait valoir que la société Comelex n'a pas correctement exécuté ses obligations, a saisi le juge des référés du tribunal de commerce d'Orléans le 18 octobre 2019 à fin d'organisation d'une expertise.

Par courrier du 8 janvier 2018, Maître M., ès qualités, a informé la société Comelex que la consultation des nouveaux managers de la société Vergnet lui permettait désormais de prendre prendre position, qu'il entendait renoncer immédiatement à la continuation du contrat, et ce à effet rétroactif au 4 octobre 2017, date à laquelle, selon les termes de l'administrateur, la société Comelex lui avait signifié le retrait de ses équipes du chantier éthiopien.

Par requête reçue au greffe le 12 janvier suivant, relevant que Maître M. n'avait pas opté pour la continuation du contrat dans le délai qui lui avait accordé pour prendre parti, qui avait expiré le 26 décembre 2017, et contestant la date de résiliation au 4 octobre 2017 retenue par l'administrateur, la société Comelex a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du contrat au 26 décembre 2017 en application de l'article L. 622-13, III, 1°, du code de commerce.

Selon jugement du 6 mars 2018, après changement d'actionnariat et de gouvernance, le tribunal de commerce d'Orléans a homologué le plan de redressement de la SA Vergnet et désigné la SELARL Ajassociés, en la personne de Maître M., en qualité de commissaire à l'exécution.

Par courrier recommandé du 4 juillet 2018, la société Comelex a mis en demeure la société Vergnet de lui régler la somme de 1 322 557,40 euros en règlement de ses factures émises entre le prononcé du redressement et la date de résiliation du contrat et par ordonnance du 23 juillet suivant, statuant sur la requête de la société Comelex du 12 janvier 2018, le juge-commissaire a pris acte de la résiliation de plein droit du contrat conclu le 31 mars 2011 entre la société Vergnet et la société Comelex « à compter du 4 octobre 2017 », au motif que la société Comelex avait notifié à la société Vergnet le retrait de l'ensemble de ses équipes de maintenance du chantier éthiopien « Ashegoda » à compter de cette date.

La société Comelex a formé opposition le 6 août 2018 devant le tribunal de commerce d'Orléans qui, par jugement du 13 mai 2019, a :

- accueilli aux débats la note de l'administrateur judiciaire et la lettre du mandataire judiciaire du 30 août 2018

- dit que le juge-commissaire n'a pas enfreint le principe du contradictoire

- rejeté l'exception tirée de l'estoppel et jugé recevable le recours formé par la société Comelex

- confirmé l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 23 juillet 2018 en toutes ses dispositions, en particulier en ce qu'il a pris acte que le contrat d'opération et de maintenance de 54 turbines éoliennes modèle EC074 conclu entre les sociétés Vergnet et Comelx le 31 mars 2011 est résilié de plein droit à compter du 4 octobre 2017

- débouté la société Comelex de ses demandes, fins et conclusions

- condamné la société Comelex à payer à la société Vergnet la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamné la société Comelex à payer à la société Vergnet la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Comelex aux dépens

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont d'abord retenu, pour écarter la demande de nullité de l'ordonnance, que la société Comelex ne pouvait reprocher au juge-commissaire d'avoir méconnu le principe de contradiction en statuant sans l'avoir entendue ou appelée, alors qu'il n'en avait pas l'obligation et que, dans le cas d'ordonnances sur requête, le débat contradictoire est provoqué par le recours.

Ecartant ensuite toute contradiction dans l'attitude procédurale de la société Comelex, le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel soulevée par la société Vergnet.

Sur le fond, le tribunal a considéré qu'en application de l'article R. 622-13 du code de commerce, il appartenait au juge-commissaire, non seulement de constater la résiliation de plein droit du contrat non poursuivi, mais de fixer la date de cette résiliation et, relevant que la société Comelex ne démontrait pas avoir maintenu ses activités d'opération et de maintenance entre le 4 octobre et le 26 décembre 2017, en a déduit que le juge-commissaire avait justement constaté la résiliation de plein droit du contrat à compter du 4 octobre 2017.

Retenant enfin que la société Comelex réclamait le paiement de factures qui apparaissaient injustifiées en l'absence de preuve de l'accomplissement de quelconques prestations entre le 4 octobre et le 26 décembre 2017, et que dans ces circonstances son opposition procédait d'une stratégie visant à trouver une justification à cette facturation, le tribunal a condamné la société Comelex à régler à la société Vergnet la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société Comelex a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 13 juin 2019, en intimant, outre la société Vergnet, la SELARL V. Floreck, ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL AJassociés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Vergnet, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause, hormis celui ayant écarté la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel soulevée par la société Vergnet.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Comelex demande à la cour, au visa des articles L. 622-13 et R. 622-13 du code de commerce, 14, 16 et 32-1 du code de procédure civile, de:

- la déclarer bien fondée en son appel

- dire et juger que le juge-commissaire ne pouvait se prononcer sans l'entendre ou la convoquer

- dire et juger que le juge-commissaire puis le tribunal, saisis sur le fondement des articles L. 622-13 et R. 622-13 du code de commerce, ne pouvaient pas fixer rétroactivement la date à laquelle la résiliation du contrat [dit] O&M est intervenue

- dire et juger que son recours à l'encontre de l'ordonnance du 23 juillet 2018 n'a pas été abusivement exercé

- infirmer, par voie de conséquence, le jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 13 mai 2019 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau :

- constater que la résiliation du contrat « O&M » est intervenue le 26 décembre 2017 en l'absence de réponse de Maître M. ès qualités dans le délai qui lui était imparti

- débouter la société Vergnet SA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- condamner la société Vergent SA à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner aux entiers dépens

La société Comelex commence par rappeler qu'en vertu de l'article R. 662-1 du code de commerce, les règles du code de procédure civile sont applicables devant le juge-commissaire quand il n'en est pas disposé autrement, ce dont elle déduit qu'en application des articles 14 et 16 du code de procédure civile, le juge-commissaire au redressement judiciaire de la société Vergnet ne pouvait fixer unilatéralement la date de résiliation du contrat au 4 octobre 2017, au mépris de sa propre demande tendant à voir fixer cette date au 26 décembre 2017, sans l'avoir entendue pour qu'elle puisse faire valoir ses observations.

Sur le fond, la société Comelex fait ensuite valoir que lorsque la résiliation intervient à la suite de l'envoi par le contractant d'une mise en demeure à l'administrateur judiciaire, en application de l'article L. 622-13, III, 1° du code de commerce, le contrat se trouve résilié de plein droit lors de la décision de l'administrateur de renoncer au contrat ou à l'expiration du délai de réponse imparti, souligne que dans l'attente de l'option exercée par l'administrateur, le contrat, qui n'est ni poursuivi ni résilié, mais obéit à un régime spécifique, ne peut être résilié selon les règles du droit commun et ajoute que lorsque le juge-commissaire est saisi, comme en l'espèce, à fin de constater la résiliation de plein droit du contrat et fixer la date de cette résiliation, en application de l'alinéa 2 de l'article R. 622-13 qui offre cette faculté à tout intéressé, le juge-commissaire, qui n'est pas le juge de la résiliation, n'est pas libre de fixer la date de celle-ci comme il l'entend, mais telle qu'elle découle de la date de l'impayé ou de la date à laquelle l'administrateur s'est prononcé, soit expressément, soit en gardant le silence sur la mise en demeure qui lui a été adressée par le contactant à fin qu'il prenne parti.

Rappelant que Maître M., qu'elle avait mis en demeure par courrier recommandé réceptionné le 25 septembre 2017 d'opter pour la continuation ou non du contrat qui la liait avec la société Vergnet, a obtenu le 16 octobre 2017 du juge-commissaire un délai supplémentaire de deux mois pour prendre position, l'appelante fait valoir que l'administrateur devait se prononcer avant le 26 décembre 2017 et que, n'ayant apporté aucune réponse à cette date, le contrat s'est trouvé résilié de plein droit le 26 décembre 2017 en application de l'article L. 622-13 du code de commerce.

La société Comelex souligne que le courrier que Maître M. lui a adressée le 8 janvier 2018, soit postérieurement à la résiliation intervenue de plein droit le 26 décembre 2017, n'a pu produire aucun effet, qu'il appartenait à l'administrateur, s'il entendait mettre un terme au contrat dès le 4 octobre 2017, de se prononcer en ce sens en temps utile, mais qu'il ne pouvait ensuite faire rétroagir sa décision, pas plus que le juge-commissaire, saisi à seule fin de constat, ne pouvait fixer rétroactivement cette date de résiliation.

L'appelante souligne enfin que les premiers juges ont dénaturé les faits en retenant qu'elle aurait pris l'initiative de rompre le contrat le 4 octobre 2017, en faisant abstraction du courrier que la société Vergnet lui avait adressé le 3 octobre pour lui indiquer qu'elle avait décidé de suspendre temporairement ses prestations à fin d'obtenir le paiement de ses factures par son client éthiopien, ce dont elle-même avait immédiatement informé l'administrateur qui, plutôt que d'opter pour un résiliation du contrat, a alors saisi le juge-commissaire d'une demande tendant à disposer d'un délai complémentaire pour prendre parti sur le sort du contrat de maintenance.

La société Comelex conclut que par infirmation du jugement déféré, la cour devra constater la résiliation de plein droit du contrat litigieux à la date du 26 décembre 2017, et débouter la société Vergnet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, en relevant que contrairement à ce que lui ont reproché les premiers juges, elle n'a jamais réclamé devant eux le paiement de ses factures, mais que cette demande fera le cas échéant l'objet d'une procédure spécifique.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2019, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de leurs moyens, la société Vergnet, la Selarl V. Florek et la Selarl Ajassociés, ès qualités, demandent à la cour, au visa des articles L. 622-13 et R. 622-13 du code de commerce, et 32-1 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Comelex de ses demandes, fins et conclusions

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Comelex à payer à payer à la société Vergnet la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Y ajoutant,

- condamner la société Comelex à payer à la société Vergnet la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamner la société Comelex à payer à la société Vergnet la somme de 10 000 euros en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Comelex aux entiers dépens

Les intimées commencent par expliquer qu'ensuite du courrier que la société Vergnet lui a adressé le 3 octobre 2017 pour récapituler les décisions qui avaient être prises en commun lors de réunions et conférences téléphoniques, la société Comelex a pris unilatéralement la décision de stopper immédiatement ses prestations, tout en demandant au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du contrat à la date d'expiration du délai complémentaire de réflexion que le juge-commissaire avait accordé le 11 octobre 2017 à Maître M., et ce dans le seul but de réclamer le paiement de factures pour des prestations postérieures au 4 octobre 2017, ce qu'elle a fait le 4 juillet 2018 en sollicitant le paiement de sommes considérables pour des prestations inexistantes. Elles en déduisent que dans ces circonstances, le juge-commissaire a justement pris acte de la résiliation du contrat à la date du 4 octobre 2017.

En réplique aux critiques de l'appelante, les intimées font valoir qu'aucun texte ne prévoit l'organisation d'un débat contradictoire lorsque le juge-commissaire est saisi, non pas d'une demande de résiliation d'un contrat par l'administrateur, mais d'une demande de constat de résiliation de plein droit, et ajoute que lorsque le juge-commissaire est saisi sur requête, il est fait exception au principe de contradiction, qui n'est assuré que de manière différée devant le tribunal statuant sur opposition.

Sur le fond, les intimés soutiennent qu'en application de l'article R. 622-13 du code de commerce, le juge-commissaire ne fait pas que constater, à la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats qui ne sont pas poursuivis, mais fixe la date de cette résiliation selon sa propre appréciation, ce dont elles déduisent qu'au cas particulier, le juge-commissaire a fixé à raison la date de la résiliation au 4 octobre 2017, en se fondant sur le refus que la société Comelex avait manifesté de continuer à assurer ses obligations contractuelles, en retirant ses équipes du site dès le 4 octobre 2017, devançant ainsi, sans en avoir le droit, la décision de l'administrateur judiciaire.

Soulignant enfin que l'appelante poursuit une intention nuisible, en tentant de faire fixer la date de résiliation du contrat au 26 décembre 2017 dans le seul but de justifier la facturation de prestations fictives entre le 4 octobre et le 26 décembre 2017, les intimées demandent à la cour de condamner ce qu'elles indiquent constituer une instrumentalisation de la procédure en sanctionnant l'appelante pour procédure abusive et en portant la condamnation indemnitaire des premiers juges à 15 000 euros.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 avril 2020, pour l'affaire être initialement plaidée le 2 avril suivant.

Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, l'audience du 2 avril 2020 n'a pu être tenue et, sans accord des avocats pour que la procédure se déroule sans audience, l'affaire a d'abord été renvoyée à l'audience du 14 mai 2020, qui n'a pu être tenue elle non plus en sorte que, sur opposition de l'appelant à réception du courrier qui avait été adressé dès le 7 avril 2020 aux parties pour leur indiquer que, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, la cour envisageait que la procédure se déroule sans audience, l'affaire a finalement été renvoyée à l'audience du 18 juin 2020, pour être effectivement plaidée et mise en délibéré au 20 août 2020.

SUR CE, LA COUR :

L'article R. 662-1 du code de commerce énonce qu'à moins qu'il n'en soit disposé autrement, les règles du code de procédure civile sont applicables dans les matières régies par le livre VI de la partie législative du code.

Comme pour toute décision juridictionnelle, lorsqu'un débat s'instaure devant le juge-commissaire, il est nécessaire de respecter le principe fondamental de contradiction posé aux articles 14 et 16 du code de procédure civile, mais toutes les décisions du juge-commissaire ne nécessitent pas un débat.

L'alinéa 2 de l'article R. 622-13 du code de commerce prévoit à son alinéa 2 que le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L. 623-13 et à l'article L. 622-14, ainsi que la date de cette résiliation, puis ajoute à son alinéa 3 : la demande de résiliation présentée par l'administrateur en application du IV de l'article L. 622-13 est formée par requête adressée ou déposée au greffe. Le greffier convoque le débiteur et le cocontractant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et avise l'administrateur de l'audience.

L'article R. 662-13 fait donc une distinction entre les décisions du juge-commissaire susceptibles de faire grief et les autres. Lorsqu'il prononce la résiliation à la demande de l'administrateur, le juge-commissaire doit convoquer le débiteur et le cocontractant concernés par le contrat dont la résiliation est sollicitée. Lorsqu'il est seulement saisi afin de constater une résiliation intervenue de plein droit, et qu'il ne lui appartient alors que de constater que les conditions sont réunies pour que la résiliation soit acquise et la date à laquelle cette résiliation est intervenue, sans aucun pouvoir d'appréciation dans la résiliation, le juge-commissaire n'est pas tenu de convoquer le débiteur et le cocontractant.

Au cas particulier, le juge-commissaire au redressement judiciaire de la société Vergnet, qui avait été saisi par requête de la société Comelex reçue le 12 janvier 2018 d'une demande tendant au constat de la résiliation de plein droit du contrat liant cette dernière à la débitrice en procédure collective, n'avait donc pas l'obligation de convoquer les parties au contrat en cause pour statuer.

La nécessité de convoquer les parties à une audience afin de permettre un débat contradictoire ne s'apprécie pas au regard de ce que le juge a décidé, mais en considération de ce qui lui était demandé.

Si le juge-commissaire, en l'espèce, n'a pas constaté la résiliation de plein droit du contrat litigieux à la date qui découlait du seul écoulement du temps depuis la mise en demeure de prendre parti qui avait été adressée à l'administrateur et le délai complémentaire qui lui avait été octroyé pour opter, la question n'est pas tant de savoir si, pour procéder comme il l'a fait, le juge-commissaire aurait dû organiser un débat contradictoire ou même seulement entendre la société Comelex dont les intérêts risquaient d'être affectés par sa décision, que de savoir si le juge-commissaire, saisi en application de l'article R. 622-13, alinéa 2, disposait d'un pouvoir d'appréciation pour fixer la date de résiliation du contrat autrement qu'en comptant les délais de l'article L. 622-13, III, 1° du code de commerce.

Selon cet article L. 622-13, III, 1°, applicable à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14, alinéa 1, le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur, restée plus d'un mois sans réponse, sauf la possibilité pour le juge-commissaire, avant l'expiration de ce délai, d'impartir à l'administrateur un délai plus court ou de lui accorder une prolongation ne pouvant excéder deux mois pour se prononcer.

En l'espèce, il est constant que la société Comelex a mis Maître M., ès qualités, en demeure de prendre parti par courrier recommandé réceptionné le 25 septembre 2017, que par ordonnance du 16 octobre suivant, le juge-commissaire a accordé à l'administrateur un délai supplémentaire de deux mois pour se prononcer et qu'à l'expiration de ces délais, le 26 décembre 2017, l'administrateur n'avait toujours exercé aucune option.

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, l'article R. 622-13 ne prévoit pas, à son alinéa 2, que sur demande de tout intéressé, le juge-commissaire constate la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus à l'article L. 622-13 et fixe la date de cette résiliation, mais prévoit que le juge-commissaire constate la résiliation de plein droit des contrats ainsi que la date de cette résiliation.

La date de résiliation, qu'il ne fait que constater, comme la résiliation de plein droit du contrat lorsque les conditions de cette résiliation sont réunies, s'impose donc au juge-commissaire, qui n'a aucun pouvoir d'appréciation.

C'est donc de manière inexacte que les intimés, qui confondent les pouvoirs du juge-commissaire saisi à seule fin de constatation de la résiliation de plein droit d'un contrat en cours avec ceux que le même juge tient du paragraphe IV de l'article L. 622-13 en cas de saisine par l'administrateur à fin de prononcé de la résiliation, soutiennent que le juge-commissaire au redressement judiciaire de la société Vergnet pouvait fixer la date de résiliation du contrat en se fondant sur le refus qu'aurait manifestée celle-ci de continuer d'assurer ses obligations.

La cour observe à titre surabondant que dans son courrier du 4 octobre 2017, la société Comelex n'avait pas annoncé qu'elle entendait résilier, c'est-à-dire mettre un terme au contrat qui la liait à la société Vergnet, mais que l'appelante avait seulement indiqué que compte tenu de la décision de la société Vergnet de limiter ses propres prestations faute d'avoir été payée par sa cliente éthiopienne, ce dont elle avait été informée la veille, elle n'était plus en mesure de maintenir ses équipes sur le site d'Ashegoda et souhaitait en conséquence suspendre l'exécution du contrat dans l'attente de la reprise normale des activités de la société Vergnet.

Par infirmation du jugement entrepris, il convient donc de constater que la résiliation de plein droit du contrat d'opération et de maintenance qui liait la société Comelex à la société Vergnet est intervenue à la date du 26 décembre 2017.

Indépendamment de la date de résiliation du contrat, la société Comelex ne pourra obtenir le paiement de prestations fournies entre le 4 octobre et le 26 décembre 2017 que si elle n'a pas effectivement suspendu l'exécution du contrat dès le 4 octobre 2017, et si elle continué à assurer ses prestations conformément aux prévisions du contrat.

Les intimées ne peuvent donc sérieusement soutenir, alors qu'il ne peut y avoir d'obligation à paiement que contre prestations, qu'en demandant à la cour de constater que le contrat s'est trouvé résilié de plein droit au 26 décembre 2017, la société Comelex chercherait à faire justifier par une juridiction la facturation de prestations fictives.

Dès lors que le recours de la société Comelex a été acueilli, les intimées ne peuvent de toute façon qu'être déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, infondée.

La société Vergnet, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et régler à la société Comelex, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :

CONSTATE la résiliation de plein droit, au 26 décembre 2017, du contrat d'opération et maintenance conclu le 31 mars 2011 entre la société Vergnet et la société Comelex venant aux droits de la société Alstom Wind France,

DEBOUTE la société Vergnet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la société Vergnet à payer à la société Comelex la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Vergnet aux dépens de première instance et d'appel.