Cass. com., 22 avril 1997, n° 94-21.412
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, M. Foussard
Attendu, selon l'arrêt déféré, que le receveur divisionnaire des Impôts de l'Ariège (le receveur) a notifié, le 24 septembre 1993, à M. X, liquidateur judiciaire de la société Bergère Frères, un avis à tiers détenteur pour avoir paiement de diverses taxes dues au titre de la période postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que le liquidateur a refusé de lui remettre les fonds ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt d'avoir ordonné qu'il remette les fonds au receveur à concurrence du montant de la créance, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le droit de poursuite individuelle d'un créancier, dont la créance non payée à l'échéance est née postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective, ne le dispense pas de se soumettre à l'ordre de priorité prévu par la loi relativement à la distribution des deniers dès lors que le rang de sa créance est régulièrement contesté ; qu'en décidant qu'ayant fait délivrer au liquidateur un avis à tiers détenteur portant sur diverses taxes nées après la mise en liquidation judiciaire du débiteur, le comptable public devait être payé sans avoir à se conformer au classement imposé par la loi, par cela seul qu'il bénéficiait d'un droit de poursuite individuelle, bien qu'il résultat de ses énonciations qu'il existait un litige portant sur le rang de la créance en cause, la cour d'appel a violé les articles 40 de la loi du 25 janvier 1985, 61 et 122 du décret du 27 décembre 1985, ainsi que L. 262, L. 263 et L. 281 du Livre des procédures fiscales ; et alors, d'autre part, que si l'acte de saisie-attribution emporte transfert immédiat au profit du saisissant de la propriété des sommes appréhendées, le créancier ne peut être payé que si la loi lui en confère le droit ; que, dès lors, la mise en oeuvre d'une telle voie d'exécution par le créancier dont le titre est né postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective ne l'exempte pas du respect de l'ordre de distribution des deniers prévu par la réglementation lorsqu'il existe une contestation quant au rang de la créance ; qu'en retenant que, par l'effet d'attribution immédiate des fonds appréhendés au moyen d'un avis à tiers détenteur, le comptable public, en sa qualité de premier saisissant, devait être payé en priorité, quel que fût l'ordre de sa créance, la cour d'appel a encore violé les textes susvisés ainsi que les articles 43 et 86 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a énoncé exactement que les dispositions des articles 61 et 122 du décret du 27 décembre 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, n'ont pas pour effet de subordonner à l'établissement de la liste des créances mentionnées à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 qui n'ont pas été payées, ni à l'inscription sur cette liste, l'exercice du droit de poursuite individuelle dont dispose tout créancier dont la créance, née régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, n'a pas été payée à son échéance ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, se fondant sur les dispositions de l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991, qui prévoit que l'acte de saisie emporte attribution immédiate au profit du saisissant des sommes disponibles entre les mains du tiers saisi et que la signification ultérieure d'autres saisies, même émanant de créanciers privilégiés, ne remet pas en cause cette attribution, ainsi que sur les dispositions de l'article 86 de la même loi suivant lesquelles l'avis à tiers détenteur comporte l'effet d'attribution prévu à l'article 43, en a justement déduit que le premier saisissant est le premier payé, quel que soit l'ordre de sa créance et décidé que les sommes saisies par le percepteur devaient, en conséquence, être remises à celui-ci, peu important l'existence, éventuellement, d'autres créances bénéficiant d'un rang préférentiel dans l'ordre de classement établi par l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Vu l'article 173 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt énonce que si, selon ce texte, aucune opposition n'est recevable sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations, le terme « opposition » n'a plus de signification en procédure d'exécution depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 1991, de sorte que les effets du texte susvisé, dans sa rédaction applicable en la cause, ne peuvent être étendus à la saisie-attribution instituée par cette loi ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 173 du décret du 27 décembre 1985 interdit toute opposition, et, par là même, toute saisie-attribution ou avis à tiers détenteur sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations, de sorte que n'était pas recevable l'avis à tiers détenteur délivré au liquidateur, tiers saisi, pour obtenir l'attribution de sommes versées à cette Caisse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° 671 rendu le 13 septembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.