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Décisions

Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, n° 99-16.496

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

SMABTP (Sté), Alliaume, Cabinet Philippe Alliaume (SARL), Socotec (Sté), Baronnie (ès qual.), DFT (Sté), Compagnie Gan, Syndicat des copropriétaires du 217, rue de Charenton à Paris 12e, Pavec (ès qual.), Somagel (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

M. Villlien

Avocat général :

M. Guérin

Paris, 23e ch. B, du 15 avr. 1999

15 avril 1999

Sur le premier moyen ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 15 avril 1999 et 27 septembre 1996) qu'à la fin des années 1980, la SCI Villa de la Mairie (la SCI) dont le gérant est le Groupement foncier Français (GFF) a fait édifier, après démolition des bâtiments existants, un groupe d'immeubles ; que le GFF a souscrit auprès de la compagnie UAP, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Axa Global Risks (Axa), une police d'assurance ; que l'opération de démolition et de construction a été confiée à la société Somagel assurée par la SMABTP, en qualité d'entreprise générale ; que celle-ci a sous-traité les travaux concernant les voiles périphériques, l'infrastructure et le terrassement à la société DFT ayant pour assureur la compagnie Gan ; qu'au cours des travaux, des désordres sont apparus et une expertise a été ordonnée ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise de M. K, des syndicats de copropriétaires et des copropriétaires d'immeubles voisins ont assigné la SCI et le GFF en réparation du préjudice subi en raison des travaux entrepris ; que la SCI et le GFF ont appelé en garantie, l'UAP, la société Somagel, son assureur la SMABTP, la société Socotec bureau de contrôle, l'architecte, M. L en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société DFT en redressement judiciaire, M. M en sa qualité de représentant des créanciers de cette société et le Gan assureur de cette dernière ; que, au cours de la procédure d'appel une nouvelle expertise a été confiée à M. N ;

Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes à l'encontre, d'une part, de M. L et de M. M, pris respectivement en leur qualité d'administrateur et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société DFT et de représentant des créanciers de la société DFT, d'autre part, de la compagnie Gan, assureur de la société DFT, alors, selon le moyen :

1°) que, le commissaire à l'exécution du plan est nommé pour la durée du plan à laquelle s'ajoute éventuellement la période de location-gérance et que sa mission est prolongée jusqu'au paiement intégral du prix de cession si le paiement a lieu après l'expiration du plan ; qu'en retenant que la mission de M. L, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société DFT, avait nécessairement pris fin le 15 mai 1991, au terme de la durée du plan, la cour d'appel a violé les articles 67 et 88 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) que, le commissaire à l'exécution du plan est nommé pour la durée du plan à laquelle s'ajoute éventuellement la période de location-gérance et que sa mission est prolongée jusqu'au paiement intégral du prix de cession si le paiement a lieu après l'expiration du plan ; qu'en retenant que la mission de M. L avait pris fin au terme de la durée du plan, sans, en toute hypothèse, constater qu'à cette date le prix de la cession avait été intégralement payé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 67 et 88 de la loi du 25 janvier 1985 ;

3°) qu'en cas de cession de l'entreprise, le tribunal prononce la clôture des opérations après l'accomplissement de tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession ; que le jugement de clôture doit être mentionné au registre du commerce et des sociétés , qu'en ne tirant aucune conséquence de ce que le registre du commerce et des sociétés ne mentionnait pas l'existence d'un jugement de clôture, sans rechercher en quoi la société Axa pouvait avoir connaissance de ce jugement -à admettre qu'il ait été rendu- et, partant, de la fin de la mission de M. L, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 67, 88 et 92 de la loi du 25 janvier 1985 et 106 du décret du 27 décembre 1985 ;

4°) que l'exercice de l'action directe contre l'assureur du responsable par le tiers victime dispense ce dernier, lorsque le responsable est soumis à une procédure collective, de produire sa créance au passif de celui-ci, sauf dans la mesure où il entendrait faire valoir une créance de somme d'argent ; qu'en considérant que la soumission à la procédure de vérification des créances était en outre obligatoire lorsque la mise en cause du responsable était inutile ou impossible, la cour d'appel a violé l'article L. 124-3 du Code des assurances ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que le jugement du 17 janvier 1991 arrêtant le plan de cession a fixé la durée du plan jusqu'au 15 mai 1991 et désigné M. L comme commissaire à l'exécution du plan ce dont il résultait que sa mission avait pris fin le 15 mai 1991, au terme de la durée du plan ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations et sans qu'il puisse lui être fait grief de n'avoir pas fait une recherche qui ne lui était pas demandée concernant le point de savoir si le prix de cession avait été intégralement payé à la date fixée pour le terme du plan, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient exactement que l'absence de mention au registre du commerce et des sociétés du jugement de clôture des opérations de cession et le fait pour le commissaire à l'exécution du plan de n'avoir pas rendu compte de l'exécution du plan sont sans incidence sur la durée de la mission de ce mandataire de justice ;

Attendu, qu'enfin, l'arrêt retient que l'exercice de l'action directe contre l'assureur du responsable par le tiers victime dispense ce dernier lorsque le responsable est en redressement judiciaire de se soumettre à la procédure de vérification des créances, sauf dans la mesure où il entendrait faire valoir une créance de somme d'argent à l'encontre de l'assuré et sauf si cette mise en cause est inutile ou impossible, faisant ainsi ressortir que l'exercice de l'action directe n'impose ni la déclaration de créance au passif de l'assuré ni sa mise en cause lorsqu'elle est inutile ou impossible ; que la décision est ainsi légalement justifiée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Axa Global Risks fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de Mme O, liquidateur de la société Somagel, et de la SMABTP, alors, selon le moyen :

1°) que les juges ne sauraient, sans le dénaturer, donner à un écrit clair et précis un sens et une portée qu'il n'a manifestement pas ; qu'en retenant qu'au vu des rapports d'expertise il était manifeste que le choix de la technique dite de la banquette inversée n'était pas en lui-même critiquable, quand M. K, l'un des experts, critiquait ce choix, la cour d'appel, qui a dénaturé le rapport de M. K, a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) que les juges ne sauraient, sans le dénaturer, donner à un écrit clair et précis un sens et une portée qu'il n'a manifestement pas ; qu'en ajoutant qu'aux termes des deux rapports d'expertise d'autres méthodes que celle dite de la banquette inversée pouvaient provoquer d'importants désordres, que cette méthode aurait pu donner de bons résultats à la condition d'être parfaitement mise en oeuvre et qu'ainsi le choix de celle-ci n'était pas fautif, quand seul M. N se prononçait de la sorte et en aucun cas M. K, la cour d'appel, qui a dénaturé le rapport d'expertise de ce dernier, a violé l'article 1134 du Code civil ;

3°) que sur le fondement de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle, les constructeurs sont tenus à concurrence de leurs fautes ; qu'en considérant que la société Somagel n'avait pas commis de faute dans le choix de son sous-traitant, la société DFT, dès lors que l'activité de cette dernière était celle "d'infrastructures", quand le champ d'activité d'une entreprise ne présume pas de ses compétences, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

4°) que l'entrepreneur principal est personnellement responsable vis-à-vis du maître de l'ouvrage de la bonne exécution des prestations sous-traitées ; qu'en écartant toute responsabilité de la société Somagel à raison des fautes commises par la société DFT au motif que la société Somagel n'avait aucune obligation de surveillance ou de contrôle à l'égard de son sous-traitant, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et 1er de la loi du 31 décembre 1975 ;

5°) que les juges sont tenus de répondre aux moyens des conclusions dont ils sont saisis ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Axa Global Risks faisait valoir que la société Somagel avait commis une faute en ignorant les préconisations de la société Simecsol laquelle, à la demande du maître de l'ouvrage, avait effectué une campagne de reconnaissance du sol ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6°) que les juges sont tenus de répondre aux moyens des conclusions dont ils sont saisis ; que, dans ses écritures d'appel, la société Axa Global Risks faisait aussi valoir que la société Somagel était pareillement fautive pour avoir négligé, après l'apparition des désordres, d'exécuter les travaux de consolidation prescrits par l'expert, M. Borges ; qu'en ne répondant pas plus à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que M. K avait incriminé le choix même de la technique dite de la banquette inversée, et que M. N avait observé que ce choix était admissible, mais imposait une exécution plus scrupuleuse et attentive, la cour d'appel, qui a précisé avoir statué au vu des deux rapports d'expertise, n'a pas dénaturé celui de M. K ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le reproche fait à la société Somagel dans le choix de son sous-traitant n'était pas caractérisé, dès lors qu'il ne résultait d'aucun élément que la société DFT n'avait pas eu les compétences techniques nécessaires pour exécuter des travaux convenus, et que n'était pas fondé le grief de ne pas avoir contrôlé les conditions dans lesquelles ce sous-traitant exécutait les travaux puisque, sauf stipulation contraire, l'entrepreneur principal n'a aucune obligation de surveillance et de contrôle de son sous-traitant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples arguments relatifs à des préconisations de la société Simecsol, et à des propositions de travaux faites par l'expert K, a pu retenir qu'aucune faute n'était établie contre la société Somagel sur le fondement quasi-délictuel, dont l'application n'était pas contestée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.