Cass. com., 27 septembre 2016, n° 14-24.993
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 avril 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 novembre 2012, pourvoi n° 11-24.152), que la société Miroiterie brestoise (la société débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, par des jugements des 3 juillet et 11 septembre 2007, M. X étant désigné administrateur judiciaire avec une mission d'assistance et M. Y, mandataire, puis liquidateur judiciaire ; que la société Raico Bautechnik (la société Raico), qui avait livré, avec réserve de propriété jusqu'au paiement complet du prix, à la société débitrice des marchandises destinées à divers chantiers, a déclaré sa créance puis revendiqué les marchandises impayées ; que, par une ordonnance du 10 avril 2008, le juge-commissaire a constaté la validité de la clause de réserve de propriété et ordonné le paiement des factures ainsi que la restitution d'une partie du matériel ; que, n'ayant pu obtenir l'exécution de l'ordonnance, la société Raico a recherché la responsabilité personnelle de l'administrateur et du liquidateur ;
Attendu que la société Raico fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de M. X... alors, selon le moyen :
1°) que, dès l'ouverture de la procédure collective, il doit être dressé un inventaire et réalisé une prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent ; que cet inventaire, remis à l'administrateur et au mandataire judiciaire, doit être complété par le débiteur par la mention des biens qu'il détient susceptibles d'être revendiqués par un tiers ; qu'il appartient à l'administrateur judiciaire, lorsque l'inventaire qui lui a été remis ne comporte aucune mention à ce titre, de vérifier si des biens présents dans le patrimoine du débiteur sont susceptibles d'être revendiqués ; qu'en l'espèce, la société Raico Bautechnik faisait valoir que le débiteur n'avait pas remis au commissaire-priseur la liste des biens susceptibles d'être revendiqués par des tiers, et qu'il appartenait dès lors à l'administrateur judiciaire, M. X, de veiller à la transmission de cette liste, afin de préserver les droits des tiers, ce qu'il n'avait pas fait ; qu'en écartant toute faute de M. X au motif qu'il n'appartient pas à l'administrateur de s'assurer du caractère fidèle et complet des déclarations du débiteur, et que M. X n'avait, dès lors, « pas manqué à ses obligations en ne recherchant pas si une liste des biens faisant l'objet d'une garantie devait être établie ou en ne réclamant pas au débiteur d'effectuer les déclarations que celui-ci est tenu de faire spontanément », tandis qu'il appartient à l'administrateur de vérifier si les biens présents en nature au jour de l'ouverture sont susceptibles d'être revendiqués en l'absence d'indication sur ce point donnée par le débiteur, la cour d'appel a violé les articles L. 622-6 du code de commerce et 1382 du code civil ;
2°) que l'administrateur judiciaire est tenu de prendre les dispositions appropriées en vue d'assurer la protection et la conservation des biens du débiteur et de permettre l'exercice effectif des droits des revendiquants et leur éventuelle indemnisation ; qu'en l'absence d'établissement, par le débiteur, de la liste des biens détenus susceptibles d'être revendiqués par un tiers, l'administrateur judiciaire doit à tout le moins s'assurer de la conservation des biens présents en nature chez le débiteur lors de l'ouverture, ou de celle du produit de leur vente éventuelle, tant que le délai de revendication n'est pas expiré ; qu'en écartant toute faute de l'administrateur judiciaire, au motif qu'il n'était pas tenu de vérifier « si une liste des biens faisant l'objet d'une garantie devait être établie ou en ne réclamant pas au débiteur d'effectuer les déclarations que celui-ci est tenu de faire spontanément », sans rechercher, comme elle y était invitée si M. X n'était pas tenu, dès lors le débiteur n'avait pas dressé de liste des biens détenus susceptibles d'être revendiqués, de s'assurer de la conservation, en nature ou en valeur des marchandises mentionnées dans l'inventaire de juillet 2007 tant que le délai de revendication n'était pas expiré, afin de préserver les droits des revendiquants éventuels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-6 du code de commerce et 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'administrateur judiciaire n'a pas l'obligation de pallier la carence du débiteur dans l'établissement et le dépôt de l'inventaire prescrits par les articles L. 622-6 et R. 622-4 du code de commerce ; que l'arrêt relève que le débiteur n'avait pas remis au commissaire-priseur chargé de l'inventaire la liste des biens susceptibles d'être revendiqués et que le créancier ne s'était pas prévalu de son droit de propriété avant la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire et donc avant la fin de la mission de l'administrateur, de sorte que ce dernier n'a pu être averti de l'existence d'une clause de réserve de propriété et du statut particulier des marchandises ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.