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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 5 juin 2014, n° 13/02936

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Selarl Perin Borkowiak (ès qual.), Trako (SARL)

Défendeur :

Euromaster France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brunel

Conseillers :

Mme Delattre, Mme Barbot

Avocats :

Me Delbe, Me Bessonnet, Me Janneau, Me Besson Mollard

T. com. Lille, du 6 mars 2013

6 mars 2013

Vu le jugement contradictoire du 6 mars 2013 du tribunal de commerce de Lille-Métropole, qui a reçu la société EUROMASTER en son opposition et l'a déclarée bien fondée, réformé l'ordonnance du juge commissaire de la procédure collective TRAKO en date du 30 mai 2012, dit que la société TRAKO, en liquidation judiciaire, doit payer à la société EUROMASTER France la somme de 31 817, 34 euros dans la mesure où la représentation en nature des pneumatiques est impossible, dit que cette créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective, relève du régime de l'article L. 641-13-I du code de commerce, qu'elle est assortie de l'intérêt contractuel de trois fois l'intérêt légal à compter de la requête introductive, débouté la procédure collective de la société TRAKO de toutes ses demandes et l'a condamné au paiement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 22 mai 2013 par la SELARL YVON PERIN JEAN-PHILIPPE BORKOWIAK, ès qualité de mandataire liquidateur de la société TRAKO ;

Vu les conclusions déposées le 3 mars 2014 pour cette dernière, aux termes desquelles elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et demande à la cour, à titre principal, de dire que la revendication des pneumatiques n'est pas possible, de débouter la société EUROMASTER FRANCE de ses demandes, à titre subsidiaire, de limiter la revendication, en valeur, à la somme de 9 036, 61 euros, en tout état de cause de constater que l'inventaire n'a répertorié aucun pneumatique en stock, outre la condamnation de la société EUROMASTER FRANCE aux dépens et au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux motifs que seuls des pneumatiques montés sur des véhicules existaient à l'ouverture de la procédure collective, que l'inventaire ne mentionne aucun pneumatique en stock, que faire droit à la revendication entraînerait des dommages pour les biens, que les véhicules ne pourraient plus circuler, le dommage économique étant certain, qu'à titre subsidiaire, seule la comparaison de l'inventaire et de la liste des véhicules équipés des pneumatiques figurant sur les factures impayées peuvent asseoir la revendication, ce qui n'a pas été fait, et qu'on ne peut lui reprocher aucun retard l'inventaire ayant été réalisé 15 jours après l'ouverture de la procédure collective ;

Vu les conclusions déposées le 24 septembre 2013 pour la société en nom collectif (SNC) EUROMASTER FRANCE, aux termes desquelles elle sollicite la confirmation du jugement entrepris outre l'allocation d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la possibilité pour maître JANNEAU, de recouvrer les dépens, aux motifs que le démontage de pneus montés sur des véhicules ne cause aucun dommage ni au pneu, ni à la roue, la revendication étant ainsi possible, que contrairement à ce qu'elle avait demandé l'inventaire qui a été réalisé ne mentionne que les véhicules en stock sans détailler les pneumatiques montés sur ces véhicules, qu'il est admis que ces véhicules étaient équipés de pneumatiques, qu'ainsi contrairement aux dispositions de l'article L. 622-6 du code de commerce les biens susceptible de revendication n'ont pas fait l'objet d'une mention spéciale dans l'inventaire légal, qu'il en résulte un renversement de la charge de la preuve, le liquidateur judiciaire devant faire la preuve que les biens revendiqués n'existaient plus en nature au jour du jugement déclaratif, qu'à défaut la revendication doit être accueillie, qu'en outre, les pneumatiques étant des biens fongibles, elle est dispensée d'établir que les pneumatiques équipant les véhicules présents en stock au jour du jugement déclaratif, sont ceux qu'elle a vendus, qu'à défaut de restitution le liquidateur judiciaire doit payer leur prix ce qui constitue une créance postérieure bénéficiant du régime privilégié de l'article L. 641-13 I du code de commerce ;

Vu l'ordonnance de clôture du 13 mars 2014 ;

Référence étant faite au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que la société EUROMASTER FRANCE livrait, avec clause de réserve de propriété, des pneumatiques à la société TRAKO ayant donné lieu à des factures d'un montant de 43 499, 36 euros demeurées impayées lors de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société TRAKO le 30 janvier 2012, que les 10 février 2012 et 7 mars 2012, la société EUROMASTER FRANCE demandait au liquidateur judiciaire de prévoir dans l'inventaire des biens de la société liquidée d'isoler les pneumatiques, en raison d'une procédure de revendication à venir, qu'il lui était répondu que le commissaire priseur n'avait trouvé en stock aucun pneumatique et que s'il en existait ils étaient montés sur les véhicules, l'inventaire mentionnant les véhicules sans distinguer les pneumatiques, que par courrier du 12 mars 2012 adressé au mandataire liquidateur la société EUROMASTER FRANCE revendiquait les 65 pneumatiques livrés et non payés, que cette demande ayant été refusée, la société EUROMASTER FRANCE saisissait le juge commissaire par requête du 12 avril 2012, lequel prononçait le 30 mai 2012 une ordonnance de rejet de la demande en revendication, aux motifs que les pneumatiques étaient montés sur les véhicules et ne se retrouvaient plus en état d'origine, que la société EUROMASTER FRANCE formait opposition de cette ordonnance, procédure qui donnait lieu au jugement déféré.

SUR CE

L'existence et la validité de la clause de réserve de propriété, invoquée par la société EUROMASTER FRANCE, ne sont pas contestées et résultent des pièces versées aux débats, l'ensemble des factures, bons de livraison et fiches d'intervention communiqués par la société SNC EUROMASTER FRANCE à l'appui de sa demande, stipulant la clause de réserve de propriété dont s'agit, et révélant un courant d'affaires habituel avec la société TRAKO ;

Si un inventaire du patrimoine de la société TRAKO a bien été réalisé lors de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, il ne mentionne pas les pneumatiques revendiqués par la société EUROMASTER FRANCE, alors qu'elle avait pris le soin, aux termes de ses courriers recommandés avec accusé de réception des 10 février 2012, et 7 mars 2012, adressés au liquidateur, de demander que soient détaillés les pneumatiques vendus par elle à la société TRAKO avec le bénéfice d'une clause de réserve de propriété, qu'ils soient montés ou non sur des véhicules ;

En effet, cet inventaire établi le 16 février 2012, par maîtres THULLIER, SOINNE, DEGUINES, commissaires-priseurs associés, fait état des matériels, mobilier de bureau, matériel d'exploitation, et véhicules de la société TRAKO existant lors de l'ouverture de la procédure collective, sans détailler les pneumatiques équipant les différents véhicules, dont il n'est pas mentionné qu'ils seraient sur cales, étant précisé qu'aucun pneumatique en stock n'est mentionné ;

Par courrier du 30 mars 2012, rejetant la demande de revendication formulée le 12 mars 2012 par la société SNC EUROMASTER FRANCE, le liquidateur judiciaire de la société TRAKO précisait, non que les pneumatiques revendiqués n'étaient plus en stock, mais que les 65 pneus livrés à la société TRAKO avaient été posés sur les véhicules, et ne se trouvaient plus dans leur état d'origine ;

L'imprécision de l'inventaire du patrimoine de la société TRAKO n'est pas imputable au revendiquant, qui s'est manifesté dans les formes et délais légaux et a clairement précisé sa demande ainsi que la nécessité de détailler les pneumatiques, mais aux acteurs de la procédure collective et débiteur qui ont participé à son élaboration ;

Ainsi, cet inventaire n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 622-6 du code de commerce qui exige que soient mentionnés les biens détenus susceptibles d'être revendiqués par un tiers, ce qui équivaut, à l'égard de la société EUROMASTER FRANCE, à inverser la charge de la preuve, le liquidateur devant de ce fait établir la preuve que les biens revendiqués par la société EUROMASTER FRANCE n'étaient plus en stock au jour de l'ouverture de la procédure collective, ce qu'il ne fait pas, admettant que les pneus étaient montés sur les véhicules ;

Le démontage de pneumatiques montés sur des véhicules ne crée aucun dommage pour les pneumatiques, les roues ou les véhicules, qui peuvent être équipés par la suite d'autres pneumatiques, aucun dommage économique ne pouvant être invoqué ;

En outre, la revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles, que sont les pneumatiques, dès lors qu’ils sont aisément remplaçables par d'autres, lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur, ce qui est le cas en l'espèce, les dispositions de l'article L. 624-16 du code de commerce n'imposant pas, s'agissant de la revendication de choses fongibles, une identité entre la marchandise vendue et la marchandise revendiquée ;

Ainsi, il importe peu que les pneumatiques équipant les véhicules mentionnés dans l'inventaire du patrimoine de la société TRAKO soient identifiés comme étant précisément ceux vendus par la société SNC EUROMASTER FRANCE ;

Il s'ensuit que l'action en revendication de la société EUROMASTER FRANCE est recevable et bien fondée, et qu'il n'y a pas lieu de la limiter à la somme de 9 036, 61 euros au motif qu'une partie seulement des pneumatiques vendus par la société EUROMASTER FRANCE pouvait éventuellement se retrouver au sein de la société TRAKO, cette demande devant être rejetée ;

Les éléments de la procédure révèlent que les véhicules munis de pneumatiques, qui existaient au jour de l'ouverture de la procédure collective, comme en atteste l'inventaire, ont été restitués aux crédit bailleurs ou vendus par la procédure collective, ce qui est inopposable à la société SNC EUROMASTER FRANCE en sa qualité de revendiquant ;

Si le liquidateur judiciaire ne peut restituer les pneumatiques dont s'agit, parce qu'ils ont été vendus ou restitués malgré la revendication, ce dont la société SNC EUROMASTER FRANCE n'est nullement responsable, il doit en payer le prix ;

Dans ces conditions, la SNC EUROMASTER FRANCE dispose d'une créance postérieure bénéficiant du régime privilégié de l'article L. 641-13 I du code de commerce ;

La société SNC EUROMASTER FRANCE justifie, par la production des bons de livraison et fiches d'intervention, avoir livré des pneumatiques et effectué des prestations notamment de démontage et montage de pneumatiques pour la société TRAKO , en avoir réclamé le paiement à la société TRAKO aux termes de factures du 3 novembre 2011 au 20 janvier 2012, et que 65 pneus demeurent ..., 34 euros ;

L'inventaire du patrimoine de la société TRAKO réalisé au jour de l'ouverture de la procédure collective révèle, indépendamment des véhicules qualifiés de litigieux, 7 véhicules semi remorques, 6 véhicules semi remorque faisant l'objet d'un prêt, 16 véhicules en location longue durée ou crédit bail véhicules dont il n'est pas mentionné qu'ils sont sur cales, ce qui révèle qu'ils sont munis de quatre pneumatiques chacun , ce qui n'est pas contesté, tandis que la société SNC EUROMASTER ne revendique que 65 pneus pour un prix de 31 817, 34 euros ;

Il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société TRAKO représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL PERIN BORKOWIAK, à payer à la société EUROMASTER FRANCE la somme de 31 817, 34 euros, le jugement déféré devant être confirmé en toutes ses dispositions ;

La SELARL PERIN BORKOWIAK en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TRAKO, qui succombe en toutes ses demandes, sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société EUROMASTER FRANCE les frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'indemnité allouée en première instance étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la SELARL PERIN BORKOWIAK en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TRAKO de sa demande visant à limiter la revendication, en valeur, à la somme de 9 036, 61 euros TTC,

Déboute la SELARL PERIN BORKOWIAK en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TRAKO de l'ensemble de ses demandes comprenant celle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SELARL PERIN BORKOWIAK en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TRAKO à payer à la société EUROMASTER FRANCE la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société TRAKO représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL PERIN BORKOWIAK, aux dépens d'appel,

Autorise, si elle en a fait l'avance sans en avoir reçu provision, maître JANNEAU, avocat, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l'emploi des entiers dépens en frais privilégiés de procédure collective.