Cass. com., 26 novembre 2002, n° 99-12.426
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Sur les premier et second moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 6 janvier 1999) et les productions, que, selon acte notarié du 19 juin 1989, la Société de développement régional Centrest (la société Centrest), aux droits de laquelle vient la société Dijon finance, a consenti un prêt ayant pour objet le financement d'investissements locatifs à la Société d'économie mixte de la Vallée de la Loue et des trois Plateaux de la Loue (la SEM), laquelle a, dans le même acte, consenti au profit de la société Centrest une délégation des loyers dus par la société Rivex au titre d'un contrat de crédit-bail, celle-ci étant intervenue audit acte pour accepter expressément cette délégation ; que la SEM n'ayant pas payé des échéances du prêt, la société Centrest a notifié le 8 septembre 1993 à la société Rivex une demande de réglement de loyers en exécution de la délégation ; que, le 18 octobre 1993, la SEM a été mise en redressement judiciaire, converti ultérieurement en liquidation judiciaire, M. X (le liquidateur) étant nommé liquidateur ; que la société Rivex ayant demandé au juge de l'exécution la désignation d'un séquestre, la société Centrest a sollicité la délégation des loyers litigieux à son profit ; que le juge de l'exécution a rejeté ces demandes par décision du 9 juin 1995, dont la société Centrest a relevé appel ; que, par ordonnance du 25 octobre 1995 ayant acquis force de chose jugée, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à céder à la société Rivex les biens immobiliers faisant l'objet du crédit-bail et dit que, "depuis" le 1er septembre 1995, le prix portera intérêts au taux légal jusqu'à son versement effectif ; que l'acte de vente a été signé les 20 et 21 novembre 1996 ; que, réformant la décision du juge de l'exécution, la cour d'appel a dit que la société Rivex était tenue, au titre de la délégation de loyers, de verser à la société Centrest la totalité des loyers échus entre le 10 septembre 1993 et le 21 novembre 1996 ;
Attendu que le liquidateur et la société Rivex font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°) que la délégation d'une créance de loyers consentie par un débiteur à son créancier constitue un mode de paiement de sa dette et est, à ce titre, soumise à l'interdiction faite au débiteur en redressement judiciaire de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, édictée par l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en l'espèce, en décidant au contraire que le paiement par délégation litigieux échappait, comme étant effectué par un tiers, à la prohibition faite au débiteur soumis à une procédure collective de faire des paiements, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2°) que comme le soutenait la société Rivex dans ses écritures d'appel, il résultait de l'ordonnance du juge-commissaire du 25 octobre 1995, autorisant la cession de gré à gré de l'immeuble litigieux, qu'à compter du 1er septembre 1995, elle n'était plus débitrice envers la SEM que des intérêts au taux légal sur la somme de 4 500 000 francs correspondant au prix de cession dudit immeuble ; qu'en vertu de cette ordonnance, devenue définitive par suite du rejet des recours formés par la société Centrest devant le tribunal de commerce de Besançon, puis devant la cour d'appel, postérieurement à la date du 1er septembre 1995, la société Centrest ne pouvait donc réclamer, au titre de la délégation à elle consentie, le versement de loyers que la société Rivex ne devait pas ;
qu'en considérant néanmoins que la société Rivex était tenue de verser à la société Centrest la totalité des loyers échus entre le 10 septembre 1993 et le 21 novembre 1996, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance entreprise et a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble les articles 154, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 et 138 du décret du 27 décembre 1985 ;
3°) qu'il s'évinçait également de l'acte authentique de vente des 20 et 21 novembre 1996, conclu entre la SEM, représentée par son liquidateur judiciaire et la société Rivex, et opposable à la société Centrest, qu'à compter du 1er septembre 1995, cette dernière ne demeurait débitrice envers le vendeur que des intérêts au taux légal sur le prix de vente de 4 500 000 francs, et ce jusqu'au versement effectif de ce prix ; qu'ainsi, selon la convention des parties, à compter du 1er septembre 1995, la société Rivex n'était plus redevable d'aucun loyer à l'égard de la SEM ; qu'en déclarant cependant, au mépris de ces dispositions contractuelles, que la société Rivex était tenue, au titre de la délégation de loyers litigieuse, de verser à la société Centrest la totalité des loyers échus entre le 10 septembre 1993 et le 21 novembre 1996, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a exactement retenu que les dispositions de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ne s'appliquent qu'aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers ;
Attendu, en second lieu, que lorsque le juge-commissaire autorise, en application de l'article 154, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 622-16, alinéa 3, du Code de commerce, la cession amiable de biens immobiliers compris dans l'actif de la procédure collective, il résulte de l'article 138, alinéa 3, du décret du 27 décembre 1985 que le liquidateur passe les actes nécessaires à la réalisation de la vente ; que, dès lors, et s'il n'en est autrement décidé par l'ordonnance du juge-commissaire, le transfert de la propriété des biens s'opère à la date de la passation des actes précités ; qu'ayant relevé que c'est la passation de l'acte de vente qui avait mis un terme au crédit-bail et au paiement des loyers, et non l'ordonnance du juge-commissaire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.