CA Versailles, 11 mars 2009, n° 08/08061
VERSAILLES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
La Tour d'Auvergne (SAS)
Défendeur :
SCP Laureau Jeannerot Administrateurs judiciaires (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mandel
Avocats :
Me Laugier, SCP Hadengue
Vu l'ordonnance rendue le 16 septembre 2008 par le vice-président du tribunal de grande instance de Versailles chargé de la vérification des dépens qui, statuant sur la contestation élevée par la société La Tour d'Auvergne à l'encontre de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Versailles fixant la rémunération de la SCP Laureau Jeannerot à la somme de 18 535, 17 euros, a dit que la rémunération de la SCP Laureau Jeannerot pour sa mission d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la société La Tour d'Auvergne ne devait pas porter sur l'établissement d'un diagnostic mais qu'en revanche la SCP Laureau Jeannerot était fondée à réclamer la rémunération majorée au titre de l'établissement du bilan économique et social et la majoration du droit proportionnel en raison de sa mission de représentation de l'entreprise à compter du 5 décembre 2006 ,
Vu la contestation formée le 15 octobre 2008 par la société La Tour d'Auvergne,
Vu les convocations adressées le 4 novembre 2008 à la société La Tour d'Auvergne et à la SCP Laureau Jeannerot pour l'audience du 12 janvier 2009,
Vu les observations présentées par la société La Tour d'Auvergne les 15 octobre 2008 et 8 janvier 2009 et par la SCP Laureau Jeannerot le 12 novembre 2008,
Considérant que l'ordonnance ayant été notifiée le 17 septembre 2008 le recours formé par LRAR en date du 15 octobre 2008 a régulièrement été formé dans le délai d'un mois ;
Considérant que la note en délibéré adressée le 13 janvier 2009 sera écartée dès lors qu'à l'issue de l'audience du 12 janvier 2009, nous n'avons sollicité aucune note en délibéré ;
Considérant qu'il convient de rappeler que par jugement en date du 27 juin 2006, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société La Tour d'Auvergne et désigné la SCP Laureau Jeannerot en qualité d'administrateur judiciaire avec mission, outre les pouvoirs conférés par le code de commerce d'assister la débitrice dans ses actes de gestion et de disposition; que par jugement en date du 5 décembre 2006, une mission de représentation a été confiée à la SCP Laureau Jeannerot et que par jugement du 18 décembre 2007, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement par voie de continuation et nommé la SCP Laureau Jeannerot en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Considérant qu'à l'appui de son recours, la société La Tour d’Auvergne fait valoir que c'est à tort qu'il a été fait droit à la demande de majoration de la rémunération de l'administrateur judiciaire au titre de l'établissement du bilan économique et social au motif qu'un plan de continuation a été adopté dès lors que l'adoption de ce plan est due au seul mérite du débiteur, l'administrateur judiciaire ayant conclu pour sa part à la liquidation judiciaire et ayant présenté un commentaire de présentation du plan totalement dépourvu de probité ;
Qu'en second lieu, la société La Tour d'Auvergne critique l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit à une rémunération proportionnelle au chiffre d'affaires et expose qu'eu égard aux fautes commises par l'administrateur qui ont eu pour effet de prolonger inutilement la période d'observation alors que les chances de redressement étaient caractérisées dans les 6 premiers mois, celui-ci ne peut prétendre à une telle rémunération ; qu'elle ajoute que l'administrateur judiciaire ne s'explique pas sur la base de chiffre d'affaires à partir de laquelle il a calculé sa demande de rémunération complémentaire, ayant dans une première demande pris en compte un chiffre d'affaire fixé à plus de 875 000 euros puis dans une seconde demande à plus de 941 000 euros ;
Qu'enfin, la société La Tour d'Auvergne fait valoir que la SCP Laureau Jeannerot ne peut solliciter de rémunération au titre de sa mission de représentation alors qu'elle n'a jamais été exercée et remplie ;
Qu'elle en conclut que la rémunération de l'administrateur judiciaire doit être fixée à la somme de 8 800, 80 euros ;
Considérant que la SCP Laureau Jeannerot réplique qu'au titre de l'article R 663-9 du code de commerce, elle est fondée à solliciter une majoration de rémunération dès lors qu'un plan de redressement a été adopté ; qu'elle ajoute que les avis émis l'ont été dans le respect de ses fonctions et attributions et que l'octroi de la majoration de rémunération n'est pas subordonnée à l'avis favorable de l'administrateur judiciaire ;
Qu'en ce qui concerne sa rémunération au titre de l'article R 663-5 du code de commerce, la SCP Laureau Jeannerot fait valoir que la requérante ne démontre ni la méconnaissance des dispositions de cet article, ni une erreur de calcul et que la durée de la période d'observation réside dans les difficultés créées par la société La Tour d'Auvergne;
Considérant en troisième lieu, que relativement à la rémunération complémentaire, elle expose que la rémunération proportionnelle au chiffre d'affaires doit être fixée à la somme de 13 197, 04 euros et non 9 752 eruos ;
Considérant enfin que la SCP Laureau Jeannerot soutient que c'est à tort qu'il n'a pas été fait droit à sa rémunération au titre du « diagnostic » lequel constitue un préalable nécessaire et indispensable à l'élaboration du bilan économique et social dont il est une des composantes ;
Considérant les moyens des parties ainsi exposés qu'il convient d'examiner successivement chacun des chefs de la contestation ;
Considérant qu'en vertu de l'article R 663-4 du code de commerce, il est alloué à l'administrateur judiciaire, pour les diligences relatives au diagnostic de la procédure de redressement judiciaire au titre de laquelle il a été désigné, une rémunération fixée, en fonction du nombre de salariés employés par le débiteur ou de son chiffre d'affaires ; que ce texte relatif aux frais de procédure ( Chapitre III du titre 3 du livre 6 « des difficultés des entreprises » du code de commerce ) n'est pas en contradiction, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge , avec l'article R. 631- 16 du chapitre 1er relatif à 'l'ouverture et au déroulement de la procédure' et non aux frais de procédure ; que cette rémunération qui doit être versée par le débiteur à l'administrateur judiciaire sans délai dès l'ouverture de la procédure se distingue de la rémunération prévue à l'article R 663- 9 du même code qui n'est acquise que lorsque le tribunal a statué sur le plan de sauvegarde ou de redressement ;
Mais considérant toutefois que la rémunération visée à l'article 663-4 ne peut être réclamée que s'il est justifié de l'établissement d'un diagnostic ;
Or considérant qu'en l'espèce si la SCP Laureau Jeannerot rapporte la preuve qu'elle a établi le 24 juillet 2006 un bilan économique et social de la société La Tour d'Auvergne, elle ne justifie pas de l'établissement distinct d'un diagnostic et du dépôt d'un rapport dans un délai de deux mois après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; que sa demande de ce chef sera donc écartée ;
Considérant sur la rémunération au titre de l'article R. 663-9 du code de commerce que l'administrateur est en droit de la réclamer lorsque le tribunal a statué sur le plan de sauvegarde ou de redressement et elle est majorée de 50% en cas d'arrêté du plan ;
Considérant qu'en l'espèce il est constant que par jugement en date du 18 décembre 2007, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement de la société La Tour d'Auvergne par voie de continuation ;
Considérant que le 24 juillet 2006 la SCP Laureau Jeannerot a établi un bilan économique et social de la société ;
Considérant qu'il ressort du bilan économique et social que la SCP Laureau Jeannerot a établi ce bilan conformément aux dispositions de l'article L. 623-1 du code de commerce , a présenté l'entreprise, a analysé ses comptes de résultats des années 2003 à 2006 ( les six premiers mois de 2006), recherché l'origine des difficultés financières, établi la situation active et passive à partir des déclarations de la société et évalué les perspectives en précisant in fine que ' compte tenu des résultats atteints sur les 6 premiers mois de l'exercice 2006, le prévisionnel pourrait être atteint par l'entreprise sous réserve d'une gestion rigoureuse. Le tribunal pourrait autoriser la poursuite d'activité aux fins d'apprécier les perspectives de redressement. La période d'observation devra être mise à profit notamment pour que l'entreprise démontre une capacité d'épargne minimum de 5 Keuros par mois' ;
Que même si La SCP Laureau Jeannerot a, par lettres du 28 novembre et 8 décembre 2006, critiqué le projet de plan de redressement proposé par le dirigeant de la société La Tour d'Auvergne et même si lors du dépôt du projet de plan de redressement, elle a fait observer qu'un plan de redressement par continuation d'exploitation serait très difficile à respecter, c'est à juste titre que le premier juge a fait droit à la rémunération majorée de 50% dès lors que le texte ne subordonne pas l'octroi de cette majoration à la circonstance que le plan ait été établi et adopté à l'initiative de l'administrateur judiciaire ;
Considérant sur la rémunération réclamée par la SCP Laureau Jeannerot au titre de l'article R 663-5 du code de commerce, qu'il résulte des pièces mises aux débats et notamment des lettres adressées par la SCP Laureau Jeannerot que la société La Tour d'Auvergne a, au cours de l'année 2006, transmis des documents incomplets à l'administrateur judiciaire ou tardé à lui adresser les documents réclamés pour l'établissement du bilan économique et social ; que l'expert-comptable choisi par la requérante, le cabinet EPEXCO n' a pas fourni les explications et justificatifs réclamés ce qui a contraint l'administrateur a sollicité du président du tribunal de commerce la désignation d'un expert-comptable ; que le dirigeant de la société La Tour d'Auvergne s'est opposé à cette mesure ce qui n'a pu que contribuer à prolonger la période d'observation ;
Considérant par ailleurs que si dès décembre 2006, le dirigeant de la société La Tour d'Auvergne a adressé un plan de redressement à la SCP Laureau Jeannerot, il demeure que les créanciers devaient être consultés conformément à l'article L. 626-5 et L. 631- 19 du code de commerce ; que par ailleurs le dirigeant de la société La Tour d'Auvergne ne justifie pas avoir adressé de lettres à l'administrateur judiciaire pour le convaincre de déposer au plus vite le projet de plan de redressement; que bien plus il ressort de l'avenant au projet de plan, déposé le 11 octobre 2007, que la société La Tour d'Auvergne a retiré un intérêt certain du dépôt du projet fin 2007 puisqu'à cette date elle a pu d'une part, faire valoir que compte tenu d'un changement d'organisation intervenu en mai 2007,son chiffre d'affaires de juin à septembre 2007 avait progressé par rapport à celui de 2006, pour la même période, d'autre part proposer un plan d'apurement du passif sur 8 ans au lieu de 10 ans comme prévu à l'origine , durée qui a été retenue par le jugement du 18 décembre 2007 ;
Que s'agissant des frais judiciaires engagés, la Tour d'Auvergne ne rapportant pas la preuve que l'ordonnance ayant admis la créance de la Banque Fortis pour la somme de 321 201, 99 euros a été infirmée voir même frappée d'appel, ne peut faire grief à l'administrateur judiciaire de s'en être rapporté sur ce point ; qu'il n'est pas démontré que l'administrateur judiciaire aurait été défaillant lors des procédures en contestation de créances;
Considérant que compte tenu de ces éléments, c'est à bon droit que la SCP Laureau Jeannerot a calculé sa rémunération proportionnelle sur la base du chiffre d'affaires réalisé entre le jugement d'ouverture ( 27 juin 2006) et le 31 octobre 2007 (la SCP Laureau Jeannerot n'ayant pas pris en compte le chiffre d'affaires réalisé en novembre 2007 et au cours des 17 premiers jours de décembre 2007) ; qu'au vu des pièces produites (bilan économique et social et compte de résultat prévisionnel à fin septembre 2007) la société La Tour d'Auvergne ne démontre pas que la somme de 875 299 euros soit inexacte ; qu'en conséquence au titre de sa mission d'assistance la SCP Laureau Jeannerot est bien fondée à solliciter le paiement d'une somme de 9 751, 78 euros ;
Considérant que la SCP Laureau Jeannerot a fait valoir devant le premier juge qu'elle avait omis de solliciter une rémunération au titre de sa mission de représentation et réclame au total une somme de 13 197, 04 euros au lieu et place de la somme de 9 751, 78 euros réclamée à l'origine en prenant pour base un chiffre d'affaires de 254 479 euros pour l'assistance et de 941 052 euros pour la représentation avec application de la majoration prévue à l'article
R. 663-7 du code de commerce ;
Mais considérant que la pièce 4 qui se rapporte à ce décompte n'étant confortée par aucune pièce permettant de déterminer sur quelles bases ont été arrêtées les sommes de 254 479 et 941 052 euros alors même que la SCP Laureau Jeannerot indique par ailleurs qu'elle ne prend pas en compte le chiffre d'affaires réalisé au mois de novembre 2007 et pendant les 17 premiers jours de décembre 2007 , seule sera retenue la somme de 9 751, 78 euros ;
Considérant en conséquence que la SCP Laureau Jeannerot est fondée à obtenir paiement sur le fondement de l'article R. 663-5 de la somme de 9 751, 78 euros, sur le fondement de l'article R 663-9 de la somme de 3 000 euros soit au total la somme de 12 751, 78 euros ;
Considérant que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ; que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique par ordonnance contradictoire,
Infirmons l'ordonnance entreprise,
Ecartons des débats la note en délibéré du 13 janvier 2009,
Disons que la rémunération de la SCP Laureau Jeannerot pour sa mission d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société La Tour d'Auvergne doit être fixée sur le fondement de l'article R 663-5 du code de commerce à la somme de 9 751, 78 euros (NEUF MILLE SEPT CENT CINQUANTE ET UN EUROS SOIXANTE DIX HUIT) et sur le fondement de l'article R 663-9 du même code à la somme de 3 000 euros (TROIS MILLE),
Déboutons la SCP Laureau Jeannerot du surplus de ses demandes,
Disons que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,
Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.