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Décisions

Cass. com., 30 mai 2012, n° 11-20.724

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Spinosi, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 22 juin 2011

22 juin 2011

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2011), qu'après avoir constaté que la société Zara France commercialisait un modèle de chaussure féminine comportant une semelle de couleur rouge, M. Christian X, créateur de souliers de luxe, titulaire de la marque semi-figurative internationale représentant une "semelle de chaussure de couleur rouge", déposée à l'Ompi le 23 mai 2001 sous priorité française de la marque française n° 00 3067674 déposée le 29 novembre 2000 pour désigner des chaussures en classe 25, et la société Christian X, se présentant comme titulaire d'un contrat de licence lui permettant d'exploiter cette marque, ont assigné cette société en contrefaçon et concurrence déloyale ; qu'à titre reconventionnel, la société Zara France a sollicité que soit prononcée la nullité ou la déchéance de la marque française ;

Attendu que la société Christian X fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande de nullité, et de l'avoir déclarée, en conséquence, avec ce dernier, irrecevables en leur action fondée sur la contrefaçon de la marque alors, selon le moyen :

1°) que si la représentation graphique de la marque doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective, ces exigences, qui sont commandées par le bon fonctionnement du système de l'enregistrement des marques, ne sont pas sanctionnées, en cas d'insuffisance, par la nullité de la marque ; que seul le signe qui n'est pas susceptible de représentation graphique lui permettant d'être représenté visuellement, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, et qui ne peut en conséquence constituer une marque, est susceptible d'être déclaré nul s'il est néanmoins enregistré ; qu'en se fondant, pour prononcer la nullité de la marque litigieuse, sur la circonstance que, ni la forme, ni la couleur du signe déposé n'étaient déterminées avec suffisamment de clarté, de précision et d'exactitude, la cour d'appel a violé l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L. 714-3 du même code interprété à la lumière de l'article 3 de la directive CE n° 89/104 du 21 décembre 1988 ;

2°) que le caractère distinctif d'un signe s'apprécie de façon concrète au regard de la perception que le public a ou peut en avoir par rapport aux produits pour lesquels l'enregistrement a été demandé et par référence à leurs caractéristiques particulières ; qu'en se bornant à déduire l'absence de caractère distinctif de la marque litigieuse de la considération, formelle, que ni la forme ni la couleur du signe déposé n'étaient déterminées avec suffisamment de clarté, de précision et d'exactitude dans la représentation graphique qui en était faite, la cour d'appel a violé les articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) que le caractère distinctif d'une marque doit faire l'objet d'une appréciation globale et non au regard de chacun des éléments, pris séparément, qui la constituent ; qu'en déduisant l'absence de caractère distinctif de la marque de ce que ni la forme, d'une part, ni la couleur, d'autre part, du signé déposé n'étaient déterminées avec suffisamment de précision et d'exactitude dans la représentation graphique qui en avait été faire lors du dépôt, sans apprécier la distinctivité du signe constitutif de la marque complexe dans son ensemble, la cour d'appel a violé les articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) que le caractère distinctif d'un signe peut être acquis par l'usage ; qu'il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service comme provenant d'une entreprise déterminée ; que, ayant constaté que l'usage systématique d'une semelle rouge pour caractériser des chaussures permettait d'attribuer à M. X la création de souliers féminins sophistiqués munis de semelles de couleur rouge et de les distinguer des chaussures concurrentes produites par d'autres entreprises, la cour d'appel, qui a néanmoins exclu l'acquisition par l'usage d'un caractère distinctif au motif inopérant que cet usage systématique concernait un concept, quand l'application de ce concept impliquait un usage de la marque elle-même, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

5°) qu'une marque renommée posséder un caractère distinctif particulier, non seulement intrinsèquement, mais également grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public ; que, ayant constaté que la renommée du signe constitutif de la marque, à savoir une semelle de couleur rouge, était démontrée par les pièces versées au débat, la cour d'appel, qui lui a néanmoins dénié un caractère distinctif au motif inopérant que cette renommée s'attachait au concept d'usage systématique d'une semelle rouge pour caractériser une gamme de chaussures, quand ce concept impliquait un usage de la marque elle-même, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

6°) que M. Christian X et la société Christian X faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que la société Zara France avait porté atteinte à la marque renommée constituée d'une semelle rouge en en faisant une exploitation injustifiée, au sens de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ; que, en ne répondant pas à ce moyen précis des conclusions, argumenté en fait et en droit, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la semelle visée par la marque litigieuse ne peut se définir par une forme en deux dimensions apte à être représentée, comme en l'espèce, par une figure à plat, mais par une cambrure, une épaisseur ou d'autres éléments caractérisant une forme tridimensionnelle que seule une image en perspective est susceptible de rendre ; qu'il retient encore qu'il est impossible, à l'examen de la figure déposée, de déterminer si celle-ci représente la face extérieure ou la face intérieure de la semelle et qu' à supposer la figure déposée identifiée comme celle d'une semelle, sa forme, dans la mesure où la partie supérieure, plus large, peut s'analyser comme correspondant à l'avant du pied et la zone inférieure, rétrécie, s'interpréter comme la base d'un talon haut, apparaît dès lors imposée par sa nature ou sa fonction ; qu'il relève que, s'agissant de la couleur rouge revendiquée, celle-ci n'est pas définie par une référence permettant de l'identifier avec précision, la figure censée représenter la semelle comportant elle-même plusieurs nuances de rouge, plus foncée à l'extrémité inférieure droite et en partie médiane, plus vive en partie supérieure gauche où elle présente, répartis sur le pourtour, six points ou taches nettement plus clairs ; qu'il relève encore que la renommée, dont la société Christian X et M. X se prévalent, s'attache au concept d'usage systématique d'une semelle rouge pour caractériser une gamme de chaussures, non à la marque litigieuse ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations qui font ressortir que ni la forme ni la couleur de la semelle litigieuse ne faisaient l'objet d'une représentation graphique lui permettant d'être représentée visuellement et qu'aux termes d'une appréciation globale, le signe en cause était dépourvu de tout caractère distinctif, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à admettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.