Cass. com., 9 novembre 1981, n° 80-12.943
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vienne
Rapporteur :
M. Jonqueres
Avocat général :
M. Montanier
Avocat :
SCP Boré Capron Xavier
Attendu, selon l'arrêt attaque (bordeaux, 10 mars 1980) que les consorts x... Sont titulaires de la marque "cru du fort-médoc", déposée le 6 mai 1955 et renouvelée le 21 octobre 1968 pour désigner un vin d'appellation "bordeaux-supérieur", produit dans une propriété au lieudit "le grand barrail", sur le territoire de la commune du Cussac-Fort-Médoc mais ne provenant pas des cépages permettant de lui conférer l'appellation d'origine "médoc" ou "haut-médoc" ; que la "société d'intérêt collectif agricole fort-médoc" (S.I.C.A. fort-médoc), a déposé le 12 décembre 1973 la marque "fort-médoc" pour désigner un vin d'appellation d'origine contrôlée "médoc" commercialise par la société Ginestet ; que se prévalant de la propriété de sa marque ainsi que du long usage antérieur a son dépôt de la dénomination "cru du fort-médoc" pour désigner leur produit, les consorts bouteiller ont assigne en contrefaçon de marque la S.I.C.A. du fort médoc et la société Ginestet ; que ces derniers invoquant son caractère réceptif ont demandé que soit prononcée la nullité de la marque "cru du fort médoc" ;
Attendu qu'il est reproche a la cour d'appel d'avoir décidé que la marque litigieuse était nulle et d'avoir ordonné sa radiation du dépôt des marques a l'institut national de la propriété industrielle, alors que, selon le pourvoi, d'une part, les conditions de validité d'une marque s'apprécient a la date ou s'acquiert la propriété de celle-ci qu'en déclarant inopérant le moyen tiré de l'ancienneté de l'usage de la dénomination litigieuse et en refusant de rechercher si, lors de son premier usage, la marque comportait des indications de nature à tromper le public, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 35 de la loi du 31 décembre 1964, alors que, d'autre part, le constant Y paisible, public et non équivoque d'une marque établit son caractère distinctif et la purge des vices de banalité ou de déceptivité qui auraient pu l'affecter qu'en déniant toute portée a l'ancienneté de l'usage, la cour d'appel a violé, par refus d'application les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et 8 de la loi du 23 juin 1857 et alors, enfin, qu'une marque n'est décaptive que pour autant qu'elle comporte des indications propres à tromper le public, qu'en se bornant à affirmer le risque de confusion entre un élément constitutif de la marque d'un vin et une appellation d'origine à laquelle ce vin n'a pas droit, sans avoir égard aux usages locaux qui admettent ce mode de désignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et 8 de la loi du 23 juin 1857 ; mais attendu que l'arrêt a relevé que le vin commercialise par les consorts X Sous la marque "cru du fort médoc" n'était pas susceptible de bénéficier de l'appellation d'origine "médoc" et que ce nom géographique, incorpore dans cette marque, créait une confusion trompeuse dans l'esprit du public qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel qui a fait ressortir que la marque litigieuse déposée en 1955 était entachée d'un vice de déceptivité qu'aucun usage ne pouvait effacer, et dont tout intéressé pouvait, a tout moment se prévaloir, a décidé, à bon droit, et abstraction faite de tout autre motif, que cette marque était nulle, que le moyen en ses trois branches n'est pas fonde ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déboute les consorts X De leur demande tendant à ce que soit sanctionnée l'utilisation irrégulière par la S.I.C.A. du fort-médoc et par la société Ginestet de la dénomination "fort-médoc", aux motifs, selon le pourvoi, qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucune référence cadastrale concernant des parcelles portant le nom de fort-médoc dont ils seraient propriétaires qu'il s'ensuit qu'ils ne peuvent invoquer l'existence d'un nom de terroir non plus que d'un nom patronymique que la situation de droit invoqué par eux est décaptive et ne peut donc être l'objet d'une protection juridique, alors que, d'une part, le propriétaire de parcelles de terres complantées en vigne peut légitimement utiliser le nom du terroir pour désigner les vins qu'il y élevé, sous réserve d'éviter toute confusion avec les dénominations utilisées antérieurement par un autre propriétaire récoltant sur le même terroir que le nom du terroir n'est point limite a la désignation cadastrale des parcelles, mais peut être emprunte a un monument historique voisin de celles-ci qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil, et alors, que d'autre part, la loi protège le nom commercial appose sur les produits qu'en s'abstenant de rechercher si, a défaut de nom de terroir, la dénomination de fort-médoc n'était pas protégée comme nom commercial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi du 28 juillet 1824 ; mais attendu qu'une marque ou une dénomination commerciale incorporant un nom de lieu, ne peut être utilisée pour designer ou pour commercialiser un produit dont l'origine ne lui donne pas droit au nom indique, lequel bénéficie d'une protection d'ordre public, c'est a bon droit que la cour d'appel, relevant la confusion créée entre la marque litigieuse et une appellation d'origine contrôlée, a statue comme elle l'a fait ; que le moyen en ses deux branches n'est pas fonde ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 10 mars 1980 par la cour d'appel de bordeaux ; et vu les dispositions de l'article 628 du nouveau code de procédure civile, condamne les demandeurs, a une amende de sept mille cinq cents francs, envers le trésor public ; les condamne, envers les défenderesses, a une indemnité de sept mille cinq cents francs et aux dépens liquides a la somme de ..., en ce non compris le cout des significations du présent arrêt.