Cass. com., 15 décembre 1998, n° 96-20.653
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Douwe Egberts (SA)
Défendeur :
La Maison du bon café (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Poullain
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Thomas-Raquin et Benabent, Me Bertrand
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 septembre 1996), que la société Douwe Egberts France (société DEF), revendiquant la propriété des marques" La Maison du café", dont le dépôt initialement effectué le 26 septembre 1930, renouvelé le 18 juillet 1985, a été enregistré sous le numéro 1.317.261, et "Maison du café", dont le dépôt effectué le 6 mai 1987 a été enregistré sous le numéro 1.406.904 pour désigner le café et utilisant la dénomination "La Maison du café" pour son nom commercial, a assigné la société "La Maison du bon café" en contrefaçon de marque, usurpation du nom commercial et nullité de la marque "La Maison du bon café", dont le dépôt, effectué le 25 avril 1990, a été enregistré sous le numéro 1.590.415 ; que la société "La Maison du bon café" a, reconventionnellement, demandé que soit prononcée la nullité de la marque "La Maison du café" ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société DEF fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les pièces communiquées le 9 mai 1996 par elle, alors, selon le pourvoi, qu'en statuant ainsi, sans caractériser les circonstances particulières qui avaient empêché la société "La Maison du bon café" de répliquer aux documents produits six jours avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 15, 779 et 783 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que de nouvelles pièces ont été produites par la société DEF six jours avant et le jour même de l'ordonnance de clôture dont la date lui avait été indiquée, et ce alors que la dernière diligence procédurale était sa propre communication de pièces datant de près d'un an avant ladite ordonnance de clôture, la cour d'appel a pu décider que ces pièces étaient irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société DEF fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la marque "La Maison du café", alors, selon le pourvoi, d'une part, que, pour prononcer, sur la demande reconventionnelle formulée par la société "La Maison du bon café" le 9 juillet 1994, la nullité de la marque "La Maison du café" n° 1.317.261 pour défaut de caractère distinctif, avec l'effet absolu qu'attribue au prononcé de cette nullité l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel devait nécessairement se placer à cette date du 19 juillet 1994 pour apprécier les faits d'usage susceptibles d'avoir conféré à ladite marque un caractère distinctif ; qu'en limitant cet examen à la période antérieure à l'année 1972 et en écartant expressément les faits d'usage postérieurs, la cour d'appel a violé l'article 6 quinquies C 1 de la Convention d'union de Paris et l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait, comme elle l'a fait, tenir compte, pour apprécier la validité de la marque "La Maison du café" n° 1.317.261, de l'apparition en 1972 de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne "La Maison du bon café", dès lors que la société qui usait de ces signes et au profit de qui la marque a été annulée faisait valoir dans ses conclusions qu'une dénomination ainsi composée des termes maison et café n'était pas susceptible de constituer, par elle-même, un quelconque droit privatif pour une activité et des produits se rapportant au café ; que l'arrêt viole à cet égard l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait davantage, dans son appréciation de la validité de la marque "La Maison du café" n° 1.317.261, tenir compte de l'apparition en 1972 de cette dénomination sociale, de ce nom commercial et de cette enseigne en se fondant sur le fait qu'y figurait la dénomination "La Maison du bon café", et attacher ainsi à cette dénomination, ce nom commercial et à cette enseigne un effet juridique, dès lors qu'elle retenait elle-même que toute dénomination essentiellement composée des termes maison et café ne pouvait, en soi, donner naissance à un droit privatif pour l'activité et les produits dont il s'agissait ; que, faute de tirer à cet égard les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1382 du Code civil, fondement de la protection du nom commercial et de l'enseigne, et l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que la marque "La Maison du café", constituée du terme café, désignation nécessaire du produit, et maison, désignation également nécessaire du lieu de conditionnement et de commercialisation du produit, était générique, la cour d'appel a pu décider qu'il convenait de se placer à la date à laquelle la société "La Maison du bon café", poursuivie en contrefaçon, avait été créée et avait commencé à utiliser sa dénomination sociale, son nom commercial et son enseigne, pour apprécier s'il était établi que la marque "La Maison du café" avait, par l'usage qui en était fait, acquis un caractère distinctif, ou si, à l'inverse, aucun droit à protection ne lui étant acquis, il était loisible aux tiers d'user de termes semblables ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.