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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 26 juin 2012, n° 11/03294

MONTPELLIER

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Prouzat, Mme Olive

TGI Perpignan, du 27 avr. 2011

27 avril 2011

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

La SCI GDP ayant pour objet social l'achat et la vente de biens immobiliers, a été créée le 19 février 2002 entre la société pour la mise en valeur du Vallon des Canalettes, détenant 83 parts sociales sur 150, et MM. David et Patrick Y, 67 parts. M. X a été désigné gérant de la SCI GDP. Cette société a acquis un immeuble situé à Ille-sur-Têt (66), financé par un prêt consenti par la caisse de crédit agricole mutuel sud méditerranée (la banque), à hauteur de 340 000 euros.

Du fait de la défaillance de la SCI GDP dans le remboursement du prêt, la banque a fait délivrer à celle-ci un commandement de payer aux fins de saisie immobilière le 25 juin 2010.

Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan a été saisi suivant acte du 9 octobre 2010.

Par décision du 14 janvier 2011, le juge de l'exécution a ordonné la vente aux enchères publiques de l'immeuble à l'audience du 8 avril 2011.

Les consorts Y ont formé tierce opposition au jugement d'orientation du 14 janvier 2011. Ils ont récusé le juge de l'exécution et ont mis en œuvre une action en suspicion légitime contre la juridiction. Par ordonnance du 7 avril 2011, le président du tribunal de grande instance de Perpignan a désigné un autre magistrat pour l'audience de vente, qui a abouti à une carence d'enchères et à un jugement d'adjudication au profit du créancier poursuivant.

Concomitamment, les consorts Y, invoquant les carences fautives du gérant de la SCI GDP, n'ayant pas constitué avocat, lors de la procédure de saisie immobilière, ont déposé une requête, le 12 avril 2011, aux fins d'être désignés en qualité de mandataires ad hoc pour engager toutes procédures utiles pour le compte de la SCI et sauvegarder les intérêts de celle-ci.

Par ordonnance contradictoire du 27 avril 2011, le président du tribunal de grande instance de Perpignan a désigné M. Z en qualité de mandataire ad hoc de la SCI pour une durée de 4 mois à compter de la réception de la consignation de 2 000 euros, avec mission de faire le point comptable et financier de la situation actuelle de la SCI GDP, en établir une présentation objective, interroger les associés sur leurs propositions visant à apurer les comptes et prendre contact avec la banque pour évoquer et rechercher des solutions alternatives dans l'intérêt de celle-ci et de la SCI.

Les consorts Y ont saisi le président du tribunal de grande instance de Perpignan d'une requête tendant à la réformation de la décision, déposée au secrétariat de la présidence le 4 mai 2011

Par ordonnance du 4 mai 2011, le président du tribunal de grande instance de Perpignan a dit n'y avoir lieu à modification ou rétractation de l'ordonnance du 27 avril 2011 et a ordonné la transmission de la procédure à la cour d'appel de ce siège, en application des dispositions de l'article R. 611-26 du code de commerce.

Dans des conclusions déposées au greffe de la cour le 9 janvier 2012, les consorts Y sollicitent l'annulation ou la réformation de l'ordonnance du 27 avril 2011 et demandent que M. Patrick Y soit désigné mandataire ad hoc de la SCI GDP, avec mission d'engager, à ses frais, toutes procédures judiciaires permettant de rétablir cette société dans ses droits, suite au jugement d'adjudication du 8 avril 2011.

Préalablement, ils avaient déposé un mémoire portant une question prioritaire de constitutionnalité et leur désistement, de ce chef, a été constaté par arrêt du 18 octobre 2011.

Ils soutiennent que :

- l'appel est recevable dans la mesure où le président du tribunal de grande instance de Perpignan a refusé de faire droit à leur demande de désignation d'un mandataire ad hoc ;

- M. X, gérant de la SCI GDP, n'a pas défendu dans la procédure de saisie immobilière, qui aurait dû être annulée en l'état d'un acte notarié de prêt manifestement nul et d'une déchéance du terme, opposée par le Crédit Agricole, frauduleuse ; la vente sur adjudication ne pouvait pas avoir lieu dès lors que le jugement d'orientation a fait l'objet d'une opposition en cours, le 8 avril 2011 ;

- M. X a gravement porté atteinte aux intérêts de la SCI GDP et à ses associés, étant précisé qu'il existe un conflit d'intérêts puisque l'intéressé est également administrateur du Crédit Agricole Sud Méditerranée, qui est l'adjudicataire de l'immeuble, qu'elle s'apprête à revendre à ce dernier ;

- les intérêts de la société GDP ont été gravement spoliés et la solution la plus simple et la moins onéreuse (article 147 du code de procédure civile) consiste à désigner M. Patrick Y, mandataire ad hoc, qui engagera, ès qualités, une action en annulation de la vente aux enchères publiques et une action en responsabilité contre M. X, en sa qualité de gérant.

La SCI GDP et M. X ont conclu, à l'irrégularité de la saisine de la cour et à l'irrecevabilité de l'appel, à titre principal, subsidiairement, à la réformation de l'ordonnance du 27 avril 2011, les consorts Y qui n'ont pas la qualité de débiteurs, au sens des dispositions de l'article L. 611-3 du code de commerce, étaient irrecevables à solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc. A titre plus subsidiaire, ils demandent que l'ordonnance soit confirmée et réclament en tout état de cause le paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que :

- la requête du 28 avril 2011 déposée au greffe du tribunal de grande instance de Perpignan tendant à la réformation de l'ordonnance du 27 avril 2011 n'est pas une déclaration d'appel mais une demande de rétractation ; la cour n'est donc pas saisie d'un appel, étant précisé qu'une telle voie de recours n'est possible qu'en cas de refus de désignation, en vertu de l'article L. 611-20 du code de commerce, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; l'appel est donc irrecevable ;

- la demande des consorts Y s'inscrit dans le cadre strict des dispositions de l'article L. 611-3 du code de commerce aux termes duquel, le président peut, à la demande du débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission ; cette faculté n'est ouverte qu'au débiteur mentionné dans le texte, en l'occurrence, le chef d'entreprise individuelle, le représentant légal de toute société commerciale ou toute personne morale de droit privé ;

- les requérants qui sont associés au sein de la SCI GDP n'ont aucune qualité à agir puisqu'ils ne sont pas débiteurs au sens du texte précité ;

- sur le fond, ils acquiescent aux motifs figurant en page 4 et 5 de l'ordonnance du 27 avril 2011 ; M. X n'a pas représenté la SCI GDP à l'audience du 10 décembre 2010 dans la mesure où il n'a pas eu connaissance de l'assignation signifiée au siège social où il ne va plus pour préserver son intégrité physique (relations très conflictuelles avec les consorts Y qui occupent deux appartements dans l'immeuble) ;

- il n'existe aucun conflit d'intérêts avec le Crédit Agricole et en sa qualité de détenteur de 55 % des parts sociales de la SCI GDP, il n'avait aucun intérêt à ce que l'immeuble soit vendu aux enchères ;

- la désignation d'un mandataire ad hoc dans le cadre de la prévention des difficultés économiques de la SCI GDP n'est pas justifiée alors même que les problèmes de trésorerie ont pour origine les défaillances successives des consorts Y ;

-en tout état de cause, M. Patrick Y ne saurait être désigné mandataire ad hoc en l'absence d'impartialité, étant précisé que la SCI GDP ne pourra pas financer des procédures judiciaires.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L. 611-3 du code de commerce dispose que le président du tribunal peut, à la demande d'un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le débiteur peut proposer le nom d'un débiteur.

Il résulte des dispositions combinées des articles R. 611-20 et R. 611-26 du code de commerce que la décision statuant sur la désignation du mandataire ad hoc est notifiée au demandeur, qui ne peut en interjeter appel qu'en cas de refus de désignation, par une déclaration faite ou adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe du tribunal. Le président du tribunal peut, dans un délai de 5 jours, à compter de la déclaration d'appel, modifier ou rétracter sa décision et, dans le cas contraire, le greffier du tribunal transmet sans délai au greffe de la cour le dossier de l'affaire avec la déclaration d'appel et une copie de la décision.

En l'espèce, le président du tribunal de grande instance de Perpignan, saisi par les consorts Y d'une requête en désignation d'un mandataire ad hoc, fondée sur l'article L. 611-3 du code de commerce, a désigné, en cette qualité, M. Z et a fixé la mission de celui-ci et les modalités de sa rémunération, par ordonnance du 28 avril 2011.

Le fait que le président du tribunal de grande instance de Perpignan n'ait pas désigné la personne proposée par les requérants et qu'il n'ait pas défini une mission identique à celle sollicitée par ces derniers, ne saurait être considéré comme un refus de désignation, puisque ce magistrat dispose d'un pouvoir discrétionnaire tant dans le choix du mandataire même si le demandeur propose une personne, sauf à respecter les limitations prescrites par l'article L. 611-3 du code de commerce, que dans l'objet de la mission.

En conséquence, l'ordonnance du 27 avril 2011 qui a fait droit à la demande de désignation d'un mandataire ad hoc ne pouvait pas faire l'objet d'un recours et c'est donc à tort que le président du tribunal de grande instance Perpignan a ordonné la transmission du dossier au greffe de la cour.

Dès lors, l'appel sera déclaré irrecevable.

Les consorts Y qui ont maintenu devant la cour un recours manifestement irrecevable seront condamnés à payer à la SCI GDP et à M. X, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supporteront la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après débats en chambre du conseil,

Déclare l'appel irrecevable.

Condamne MM. David et Patrick Y à payer à la SCI GDP et à M. X, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne MM. David et Patrick Y aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.