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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 15 septembre 2016, n° 16/00545

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Albingia (SA), Tokio Marine Kiln Insurance Limited (Sté)

Défendeur :

Société Limousine de Fabrication de Porcelaine (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sabron

Conseillers :

M. Soury, M. Pernot

Avocat :

Selarl Carakters

Limoges, du 27 avr. 2016

27 avril 2016

LA COUR

Un arrêt de la cour d'appel de LIMOGES du 24 septembre 2015 a condamné la SA B. et sa filiale, la SAS SOCIETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE (SLFP) à rembourser aux sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE une somme de 2 433 544,50 € perçue en trop au titre de deux sinistres-incendie survenus dans leurs locaux industriels courant octobre 2011 et février 2012.

Une procédure de conciliation pour la prévention des difficultés des entreprises a été ouverte à la requête des sociétés du groupe B. par une ordonnance du président du tribunal de commerce de LIMOGES du 2 octobre 2015 qui a désigné en qualité de conciliateur la SELARL G. avec mission de trouver un accord pour la mise en place d'un moratoire permettant d'apurer la dette des dites sociétés à l'égard de leurs assureurs.

Par acte du 30 octobre 2015, les sociétés B. et SLFP ont fait assigner les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE devant le président du tribunal de commerce de LIMOGES pour obtenir en application des dispositions de l'article L. 611-7 alinéa 5 du code de commerce le report de l'exigibilité des sommes mises à leurs charges par l'arrêt du 24 septembre 2015 pour une durée de 24 mois.

Par ordonnance du 4 décembre 2015, prise en la forme des référés, le président du tribunal de commerce a accueilli cette demande sur laquelle le conciliateur avait donné le 12 novembre 2015 un avis favorable et dit que la dette serait réglée selon un échéancier de 24 pactes mensuels.

Les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE ont relevé appel de cette ordonnance par déclaration remise au greffe le 18 décembre 2015.

Sur des conclusions d'incident déposées le 14 mars par les sociétés B. et SLFP, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 4 décembre 2015, déclaré cet appel irrecevable au regard, notamment, des dispositions articles L. 611-4 à L. 611-16 du code de commerce qui définissent les voies de recours susceptibles d'être mises en oeuvre en matière de conciliation.

Les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE ont formé par requête du 2 mai 2016 un déféré à l'encontre de cette décision d'irrecevabilité.

Dans leurs conclusions de déféré, elles demandent à la cour au vu des articles 543 et 546 du code de procédure civile, L. 611-7 et R 662-1 du code de commerce :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise et de déclarer leur appel recevable, l'énumération à laquelle se réfère le conseiller de la mise en état ne pouvant pas être considérée comme limitative au regard des règles du code de procédure civile auxquelles renvoie l'article R. 662-1 du code de commerce et notamment de celle, énoncée par l'article 543, selon laquelle la voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuse, s'il n'en est disposé autrement ;

- de condamner les sociétés B. et SLFP à leur verser une indemnité de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions en réponse sur déféré, les sociétés B. et SLFP demandent à la cour au vu des articles L. 611-1 et suivants du code de commerce et de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises :

- de confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état et de déclarer irrecevable l'appel formé par les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE à l'encontre de l'ordonnance rendue le 4 décembre 2015 par le président du tribunal de commerce ;

- de condamner lesdites sociétés d'assurance à leur verser une indemnité de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LES MOTIFS DE LA DECISION

L'article L. 661-1 du code de commerce fait une énumération qui est nécessairement limitative des décisions qui sont susceptibles d'appel en matière de procédures collectives.

La procédure de conciliation qui est une procédure de prévention des difficultés des entreprises n'est pas mentionnée par ce texte, bien que qu'elle fasse partie comme celui-ci des dispositions insérées dans le livre VI.

Il n'en résulte pas que toute décision en matière de conciliation soit susceptible d'appel.

En effet, dans le même esprit limitatif que l'article L. 661-1, les articles L. 611-4 à L. 611-16 du code de commerce qui régissent de manière spécifique la procédure de conciliation contiennent des dispositions qui délimitent la faculté d'appel ; c'est ainsi que, comme l'a relevé le conseiller de la mise en état, l'article L. 611-6 dispose que la décision d'ouverture de la procédure est susceptible d'appel uniquement au bénéfice du ministère public.

L'article 611-10 dispose que le jugement d'homologation de l'accord qui fait l'objet d'une mesure de publicité est susceptible d'appel de la part du ministère public et, en cas de contestation relative au privilège mentionné à l'article L. 611-11, de la part des parties à l'accord.

Ce texte précise que le jugement rejetant l'homologation est susceptible d'appel.

Les articles R. 661-1 à R. 661-8 qui, au titre sixième intitulé « des dispositions générales de procédure » du livre 6 du code de commerce régissent les voies de recours ne contiennent pas de dispositions permettant de considérer que l'énumération des décisions qui sont susceptibles d'appel en matière de procédures relatives aux difficultés des entreprises ne serait pas limitative.

La référence générale qui est faite par l'article R. 662-1 du code de commerce à l'application du code de procédure civile dans les matières régies par le livre VI ne concerne pas le régime des voies de recours qui est défini par les articles précités.

Il résulte de ces observations que le code de commerce, dans sa partie législative afférente au traitement des difficultés des entreprises (livre VI), déroge au principe énoncé à l'article 543 du code de procédure civile selon lequel la voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est autrement disposé.

Ainsi, les décisions qui, dans le cadre d'une procédure de conciliation, accordent des délais au débiteur en application des dispositions de l'article L. 611-7 alinéa 5 du code de commerce ne sont pas susceptibles d'appel à défaut de dispositions des textes qui régissent ladite procédure autorisant cette voie de recours.

La limitation du droit d'appel n'est pas contraire aux dispositions constitutionnelles et communautaires qui garantissent le droit à un procès équitable lorsqu'elles se justifient par le souci d'assurer l'efficacité et la rapidité de la mise en oeuvre de mesures permettant de prévenir ou de traiter les difficultés rencontrées par les entreprises.

Il n'est pas choquant qu'une décision accordant des délais de paiement à une entreprise en difficulté ne puisse pas faire l'objet d'un appel en dépit du fait qu'elle soit susceptible de faire grief au créancier.

Il convient, au regard de ces observations, de confirmer l'ordonnance entreprise.

Les sociétés B. et SLFP sont en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité que la cour fixe à 3000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée par le conseiller de la mise en état le 27 avril 2016.

Condamne les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE EUROPE INSURANCE LIMITED à verser aux sociétés B. et SOCIETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamne aux dépens.