Livv
Décisions

CA Limoges, ch. civ., 27 avril 2016, n° 15/01577

LIMOGES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Albingia (SA), Tokio Marine Kiln Insurance Limited (Sté)

Défendeur :

Société limousine de fabrication de Porcelaine (SAS)

T. com. Limoges, du 4 déc. 2015

4 décembre 2015

Une procédure de conciliation pour la prévention des difficultés des entreprises a été ouverte, en application des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce, par ordonnance du 2 octobre 2015, à l'égard de la S.A. B. et la S.A.S. Limousine de Fabrication de Porcelaine (ou LFP).

Dans ce cadre, par ordonnance du 4 décembre 2015, le juge du tribunal de commerce de Limoges, au visa notamment de l'article L. 611-7 du code de commerce, a accordé à ces deux sociétés des délais de paiement d'une dette envers la S.A. Albingia et la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited.

Celles-ci ont interjeté appel le 18/12/2015 de cette décision.

Par conclusions d'incident du 14/03/2016, la S.A. B. et la S.A.S. LFP soulèvent l'irrecevabilité de l'appel.

Par conclusions sur incident du 29/03/2016, la S.A. Albingia et la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited concluent à la recevabilité de leur appel, au rejet des demandes des intimées et à l'allocation de 15.000 € de dommages intérêts.

Chaque partie sollicite une indemnité au titre de l'article 700 du CPC.

Il est renvoyé aux conclusions d'incident de la S.A. B. et la S.A.S. LFP des 14 mars et 15 avril 2016 et de la S.A. Albingia et la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited du 29 mars 2016 (ces sociétés ayant indiqué retirer leurs conclusions n° 2 du 19 avril 2016, vu message du 19 avril 2016, 17h08).

Les textes cités ci-dessous sont ceux du code de commerce.

Sur ce,

Il peut être précisé que l'ordonnance dont appel est plus exactement une ordonnance prise en la forme des référés et que sa qualification (en premier ressort) est indifférente.

Les voies de recours en matière de procédures collectives font l'objet d'un régime spécial, à tendance plutôt restrictive, notamment à l'égard des créanciers - même s'il y a eu des fluctuations législatives et réglementaires en ce domaine - dans un but de célérité de ces procédures destinées à traiter les difficultés des entreprises.

Il est admis et non contraire à l'article 6 de la CEDH que l'exercice des voies de recours soit limité notamment pour des considérations d'organisation judiciaire, de célérité des procédures ... D'ailleurs, tout jugement n'est pas susceptible d'appel, notamment en fonction du taux du ressort. Il peut être aussi évoqué pour un cas se rapprochant de celui en cause, qu'est considéré comme irrecevable l'appel qui n'a pour objet que l'octroi de délais de grâce.

Cela étant, si l'article L. 661-1 ne vise pas la décision prise au titre de l'article L. 611-7 alinéa 5, cela n'est pas déterminant car il apparaît que celui-là concerne les procédures de sauvegarde, redressement et liquidation et il y a des textes spécifiques sur les voies de recours en matière de conciliation (pour la prévention des difficultés des entreprises).

En effet, c'est au fil des articles L. 611-4 à L 611-16 qu'il est disposé si telle ou telle décision est susceptible d'appel. Il est ainsi prévu par le législateur, par exemple, l'appel de la décision d'ouverture de la procédure mais réservé au ministère public (L. 611-6 al. 3), l'appel du jugement rejetant l'homologation de l'accord (L. 611-10).

Il n'est pas prévu en revanche d'appel pour la décision octroyant ou refusant d'ailleurs des délais dans le cadre de l'article L. 611-7.

Il est précisé qu'il est raisonné par rapport au système prévu par le législateur qui prime sur une disposition réglementaire qui serait dissonante.

Dans la mesure où le législateur a donc énoncé au cas par cas les décisions susceptibles d'appel, il convient de considérer que celles non visées sont insusceptibles d'un tel recours, sinon il serait inutile de procéder selon un tel système.

L'article R. 662-1 n'est pas de nature à écarter celui-ci. D'abord, cela rendrait ce système incohérent. Ensuite cet article énonce une disposition générale qui ne peut remettre en cause ce régime spécifique. Et surtout, il ne concerne pas les voies de recours. En effet, il est inséré dans un chapitre II « autres dispositions » faisant suite au chapitre premier qui, lui, traite des voies de recours. Il apparaît ainsi que le renvoi opéré par la disposition 1° de cet article est fait aux règles du code de procédure civile autres que celles relatives aux voies de recours.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que l'appel de la décision statuant sur une demande de délai dans le cadre de l'article L. 611-7 alinéa 5 du code de commerce est irrecevable.

L'ordonnance dont appel expose que les défenderesses concluent à la condamnation des sociétés B. et LFP à leur payer 50.000 € de dommages intérêts pour considérer cette action comme dilatoire. Il est précisé que le dossier transmis par le Greffe de commerce ne contient pas les conclusions de première instance des sociétés Albingia et Tokio Marine, non trouvées par ailleurs dans leur dossier. Cette demande est donc une demande incidente, reconventionnelle, fondée sur la demande initiale, ce qui est donc sans effet sur la recevabilité.

Compte tenu de la présente décision, la demande de dommages intérêts des sociétés Albingia et Tokio Marine n'est pas fondée.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des sociétés B. et LFP leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire,

DÉCLARE irrecevable l'appel interjeté par la S.A. Albingia et la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited à l'encontre de l'ordonnance du président du Tribunal de Commerce du 4 décembre 2015,

REJETTE les demandes de dommages intérêts et d'indemnités au titre de l'article 700 du CPC,

CONDAMNE la S.A. Albingia et la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited aux dépens d'incident et d'appel.