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Décisions

Cass. com., 27 mai 2003, n° 99-18.472

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rennes, 2e ch. com., du 9 juin 1999

9 juin 1999

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Novestyle (la société) et l'adoption d'un plan par voie de continuation, la société a assigné la banque Worms (la banque) en restitution d'une somme de 237 000 francs qui aurait été indûment prélevée sur son compte courant et en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de crédit ; que M. Rambour, commissaire à l'exécution du plan, est intervenu volontairement à l'instance ; que le tribunal a déclaré irrecevable cette intervention, a rejeté les demandes de la société et l'a condamnée à payer une certaine somme à la banque à titre de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société et le commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt d'avoir constaté la présence du greffier lors du délibéré ;

Mais attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Et sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société et le commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt d'avoir déclaré les demandes de la société irrecevables et subsidiairement mal fondées, alors, selon le moyen :

1°) que la faillite subie par une société résultant de la rupture fautive des crédits consentis par un établissement financier constitue un préjudice personnel propre au débiteur et non le préjudice collectif de l'ensemble des créanciers ; qu'en l'espèce la société poursuivait la banque en réparation de son préjudice personnel résultant de sa mise en redressement judiciaire ; qu'en déclarant dès lors irrecevable la société en son action faute de qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers lorsque celle-ci se bornait à demander réparation de son préjudice propre, la cour d'appel a violé l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985 par fausse application et l'article 1382 du Code civil par refus d'application ;

2°) que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir ; qu'excède ses pouvoirs le juge qui après avoir déclaré la demande irrecevable, examine les moyens de fond sur lesquels elle repose pour la déclarer au surplus mal fondée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 122 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) qu'en jugeant mal fondée la demande de la société après s'être bornée à relever que l'état de cessation des paiements était déjà caractérisé au mois de juillet 1992 de sorte que le maintien des concours par la banque aurait été constitutif de soutien abusif, sans nullement caractériser que dès cette date la société ne pouvait avec son actif disponible faire face à son passif exigible, la cour d'appel en procédant par pure affirmation a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 de la loi du 25 janvier 1985 et 1382 du Code civil ;

4°) que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission des créances du juge-commissaire ne vaut que pour les créances qui ont été expressément admises ; qu'en l'espèce, la société contestait expressément l'admission de la créance de 237 000 francs prélevée par la banque sur son compte en faisant valoir que seule la somme de 476 070 francs avait été admise au titre du solde débiteur du compte courant lorsque la banque l'avait déclaré pour un montant de 1 378 535 francs et que cette créance ne correspondait qu'à l'escompte de bordereaux de cessions de créances professionnelles à l'exclusion de la créance litigieuse ainsi que cela ressortait de la déclaration de créance effectuée par la banque et de la liste des créances vérifiées et admises versées aux débats ; qu'en se bornant à affirmer que la somme litigieuse constituait un article de compte dont le solde, régulièrement déclaré entre les mains du représentant des créanciers de la société, avait été définitivement admis par le juge-commissaire pour déclarer irrecevable l'action de la société tendant au remboursement de cette somme, sans préciser quels éléments de preuve versés aux débats lui permettaient de juger que la somme litigieuse avait été déclarée par la banque et admise au titre du solde débiteur du compte courant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 101 de la loi du 25 janvier 1985 ;

5°) que le silence ne vaut pas acceptation ; qu'en déduisant du seul silence gardé par la société relativement au prélèvement opéré par la banque sur son compte au titre des prétendus frais de gestion l'accord des parties sur cette facturation, sans caractériser le moindre usage contraignant la société à manifester expressément son refus, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que selon les articles 46, alinéa 1er, 67, alinéa 2, et 148, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, seul le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues, selon le cas, au commissaire à l'exécution du plan ou au liquidateur, a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers, l'arrêt retient que la société débitrice, qui ne justifie pas d'un préjudice causé par la rupture prétendument abusive du crédit accordé par la banque, distinct de celui des créanciers, n'est pas recevable à agir ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a pas déclaré irrecevables et mal fondées les demandes de la société mais les a seulement déclarées irrecevables ;

Attendu enfin, que la cour d'appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la somme de 237 000 francs constituait un article du compte dont le solde, régulièrement déclaré entre les mains du représentant des créanciers de la société, avait été définitivement admis par le juge-commissaire ;

D'où il suit, qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et cinquième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 67, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-68, alinéa 2, du Code de commerce, 66 et 329 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant déclaré irrecevable l'intervention de M. Rambour, ès qualités, l'arrêt retient que si le commissaire à l'exécution du plan tirait de l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985 les pouvoirs nécessaires pour engager au nom des créanciers et dans l'intérêt collectif de ceux-ci une action pour rupture abusive de crédit contre la banque, il ne pouvait se borner à intervenir, pour s'y joindre, à l'action de la société, elle-même dépourvue de qualité pour l'engager ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le sort de l'intervention principale n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant principal, commissaire à l'exécution du plan, se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer après le jugement ayant arrêté le plan de continuation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu à statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a déclaré irrecevable l'intervention de M. Rambour, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Novestyle, l'arrêt rendu le 9 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.