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Décisions

Cass. com., 5 novembre 2002, n° 00-16.149

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Toulouse, 30 mars 2000

30 mars 2000

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société France Télécom a poursuivi la société World advanced technologies (WAT) en contrefaçon et usage abusif de marques, pour avoir mis en vente sous l'appellation de "matériels reconditionnés neufs" divers équipements téléphoniques et télématiques revêtus de marques dont elle est titulaire ;

que la société WAT a appelé en garantie la société Téléphonie Toulousaine, en exposant que cette dernière lui avait vendu ces matériels après les avoir acquis de la société France Télécom ; que l'arrêt a rejeté les demandes de la société France Télécom, en retenant l'épuisement de ses droits de marques et l'absence d'opposition légitime de sa part à la commercialisation des produits ;

Attendu que la société France Télécom fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action tendant à voir juger que la société WAT a commis des actes constitutifs de contrefaçon et d'usage abusif de ses marques "Amarys", "Magis" et "Diatonis", alors, selon le moyen :

1 / qu'une marque étant la propriété de son titulaire et permettant d'identifier l'origine du produit, l'obligation imposée par le titulaire de la marque lors de la vente en vrac ou à la palette de ses produits, de ne pas les revendre sans avoir détruit toute inscription relative à sa propriété, impose la suppression sur lesdits produits de toute référence à la marque ; qu'en retenant néanmoins qu'en imposant une telle obligation à la société téléphonie toulousaine dans les actes de vente au mètre cube de son matériel, la société France Télécom n'avait imposé aucune restriction à l'usage de ses marques, la cour d'appel a dénaturé les dits actes en violation de l'article 1134 du Code civil ,

2 / que l'épuisement de ses droits ne peut être valablement opposé au titulaire d'une marque qu'à la condition que les produits aient été mis dans le marché communautaire ou dans l'Espace économique européen par lui-même ou avec son consentement ; que la vente par le titulaire d'une marque de ses produits en vrac et à la palette avec obligation faite à l'acquéreur de ne pas les revendre sans avoir détruit toute inscription relative à sa propriété, ne correspond pas à une mise dans le commerce sur le territoire considéré par le titulaire de la marque ou avec son consentement ; qu'en l'espèce, en retenant qu'en vendant dans de telles conditions ses produits à la société téléphonie toulousaine, la société France Télécom avait épuisé ses droits et ne pouvait dès lors interdire l'usage de ses marques pour la revente des dits produits la cour d'appel a violé l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit être interprété au sens de l'article 7 de la directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant la législation des Etats membres sur les marques ;

3 / que les droits conférés par une marque ne sont épuisés que pour chacun des exemplaires du produit qui ont été mis dans le commerce sur le territoire de la Communauté économique européenne ou de l'Espace européen par le titulaire ou avec son consentement, en sorte qu'il appartient à celui qui invoque cet épuisement d'établir cette mise dans le commerce ou ce consentement pour chacun des produits dont la revente est incriminée ; qu'en retenant en l'espèce que le procédé de vente employé par la société France Télécom lui interdisait de contester que les postes en litige aient été compris dans les ventes qu'elle avait effectuées au profit de la société téléphonie toulousaine, quand il appartenait à la société WAT, poursuivie pour contrefaçon, d'établir que sur chacun des produits qu'elle revendait sous les marques de la société France Télécom, celle-ci avait épuisé ses droits en rapportant au moins la preuve qu'ils correspondaient bien à ceux que la société téléphonie toulousaine lui avait revendus, la cour d'appel, qui a présumé l'épuisement des droits de la marque, a de nouveau violé par fausse application l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit être interprété au sens de l'article 7 de la directive précitée ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la société France Télécom, titulaire des marques, avait vendu en France à la société Téléphonie Toulousaine des produits revêtus de ces marques, au mètre cube, mais sous la seule condition de ne pas les revendre sans avoir détruit toute inscription relative à la propriété de France Télécom, la cour d'appel a, par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation de la clause, qui n'était ni claire ni précise, retenu que celle- ci n'emportait aucune restriction portant sur l'usage des marques, et que la vente entrait dans les prévisions du premier alinéa de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, d'autre part, que la société France Télécom n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel, que les produits commercialisés par la société WAT ne correspondaient pas à ceux que la société Téléphonie Toulousaine lui avait revendus, le grief formulé à ce propos est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter l'action de la société France Télécom, la cour d'appel retient que l'alinéa 2 de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle suppose une opposition ultérieure à la vente qui ne peut se confondre avec l'acte de saisie contrefaçon qui suppose la contrefaçon préalablement acquise, et que l'opposition préalable est nécessaire à la constitution de la contrefaçon ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le titulaire de la marque peut manifester son opposition par voie d'action en contrefaçon, la cour d'appel a violé le texte précité par fausse application ;

Et sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :

Vu l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que la fonction de la marque est de garantir que tous les produits qui en son revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité ;

Attendu que pour rejeter l'action de la société France Télécom tendant à voir juger que la société WAT avait commis des actes de contrefaçon et d'usage abusif des marques Amarys, Magis et Diatonis, l'arrêt relève que les publicités de la société WAT mentionnaient qu'il s'agissait de matériels reconditionnés, ce qui impliquait qu'ils n'étaient pas neufs, et qu'il n'était pas établi que le reconditionnement des produits aient été réalisés d'une manière défectueuse ou même différente des méthodes et exigences de la France Télécom ;

Attendu qu'en statuant par ces motifs impropres à caractériser le contrôle et l'autorisation du titulaire de la marque quant à la revente d'un matériel d'occasion présenté au public sous l'appellation de "matériel reconditionné neuf", la cour d'appel s'est déterminé par des motifs inopérants ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il ya ait lieu de statuer sur la cinquième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société World advanced technologies limited et la société Téléphonie Toulousaine aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Téléphonie Toulousaine ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille deux.