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Décisions

Cass. com., 6 janvier 2015, n° 13-17.108

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, 8 mars 2013

8 mars 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2013), qu'à la suite des diverses oppositions que M. X...avait formées à l'enregistrement des marques, notamment " Paris Je t'" et " I la Tour Eiffel ", déposées par la société Paris Wear Diffusion, celle-ci l'a assigné en nullité de la marque internationale " I Paris " n° 1 016 558, pour divers produits des classes 16, 21 et 25, et des marques françaises " I Paris " n° 1 687 001 et " J'Paris " n° 1 644 127, pour divers produits des classes 16, 18, 24 et 25, " I Paris " n° 3 458 369 et " J'Paris " n° 3 458 370, pour divers produits des classes 9, 14 et 28 et " I Paris " n° 3 507 153 et " J'Paris " n° 3 507 157 pour divers produits de la classe 34, ainsi que pour concurrence déloyale ; qu'elle a également appelé en intervention forcée la société France Trading, prise en sa qualité de licenciée de ces marques ; que M. X...et la société France Trading ont reconventionnellement demandé la condamnation de la société Paris Wear Diffusion pour contrefaçon des marques françaises " J'Paris " n° 1 644 127, 3 507 157 et 3 458 370 et des marques françaises " I Paris " n° 1 687 001 et 3 458 369 ; que M. X...a, en outre, formé des demandes pour atteinte à ses droits d'auteur sur des logotypes et en nullité des modèles " I enjoy Paris " et " Paris Je t'" n° 093129, " I la Tour Eiffel ", " I Montmartre ", " I Notre-Dame ", " I les Champs-Elysées ", " I Sacré-Coeur " et " I Versailles " n° 083477 ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, et sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches, réunis :

Attendu que M. X...et la société FranceTrading font grief à l'arrêt de prononcer la nullité pour défaut de caractère distinctif des marques françaises n° 1 687 001 et n° 1 644 127 déposées le 13 août 1991, pour un certain nombre de produits, des marques françaises n° 3 507 153 et n° 3 507 157 déposées le 15 juin 2007, pour un certain nombre de produits, ainsi que des marques françaises n° 2 458 369 et n° 3 458 370 déposées le 23 octobre 2006, pour un certain nombre de produits, et d'ordonner la transcription du jugement, une fois devenu définitif, au registre national des marques, à la requête de la partie la plus diligente, alors, selon le moyen :

1°/ que le caractère distinctif d'une marque s'apprécie au regard des produits et services visés dans la demande d'enregistrement ; qu'en appréciant, en l'espèce, le caractère distinctif des marques litigieuses au regard de l'activité exercée par le déposant et son licencié et non pas au regard des produits visés dans l'enregistrement, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 31 décembre 1964 ;

2°/ que constitue une marque valable le signe utilisé afin de préciser quelle est l'origine du produit ; qu'en jugeant que les marques " I Paris " et " J'Paris " étaient dépourvues de caractère distinctif, « quand bien même ce signe se retrouverait sur des étiquettes » dont certaines « portent la mention « exclusivité France Trading » », ce dont il résultait que les signes litigieux étaient bien utilisés à titre de marque et non pas seulement à titre ornemental, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1er de la loi du 31 décembre 1964 ;

3°/ qu'une marque enregistrée est présumée valable et c'est donc à la personne qui prétend que la marque doit être annulée, pour défaut de caractère distinctif, qu'il incombe de démontrer que le signe litigieux n'est pas perçu, par le public visé, comme étant de nature à indiquer l'origine du produit visé ; qu'en retenant, pour conclure à l'annulation des marques contestées, « qu'en dépit de la production aux débats de 62 pièces et de leurs multiples subdivisions, les appelants ne versent aucun sondage susceptible de permettre d'en juger autrement » et en considérant qu'il incombait à M. X...et à sa licenciée de démontrer que les marques contestées étaient bien distinctives, la cour d'appel a inversé les règles relatives à la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil ;

4°/ qu'une marque peut avoir acquis un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait par son titulaire ; qu'en l'espèce, M. X...et la société France Trading avaient soutenu et démontré qu'ils exploitaient les signes " I Paris " et " J'Paris " à titre de marque depuis de nombreuses années et soulignaient ainsi que les signes contestés avaient acquis un caractère distinctif par l'usage qu'ils en avaient fait, à titre de marque ; qu'en prononçant l'annulation des marques litigieuses sans rechercher si elles n'avaient pas, en tout état de cause, acquis un caractère distinctif par l'usage qui en était fait par M. X...et sa licenciée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1964, ensemble l'article 6 quinquies de la Convention d'union de Paris ;

5°/ que le caractère distinctif d'une marque s'apprécie au regard des produits et services visés dans la demande d'enregistrement ; qu'en appréciant, en l'espèce, le caractère distinctif des marques litigieuses au regard de l'activité exercée par le déposant et non licencié et non pas au regard des produits visés dans l'enregistrement, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

6°/ que constitue une marque valable le signe utilisé afin de préciser quelle est l'origine du produit ; qu'en jugeant que les marques " I Paris " et " J'Paris " étaient dépourvues de caractère distinctif, « quand bien même ce signe se retrouverait sur des étiquettes » dont certaines « portent la mention « exclusivité France Trading » », ce dont il résultait que les signes litigieux étaient bien utilisés à titre de marque et non pas seulement à titre ornemental, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

7°/ qu'une marque enregistrée est présumée valable et c'est donc à la personne qui prétend que la marque doit être annulée, pour défaut de caractère distinctif qu'il incombe de démontrer que le signe litigieux n'est pas perçu, par le public visé, comme étant de nature à indiquer l'origine du produit visé ; qu'en retenant, pour conclure à l'annulation des marques contestées, « qu'en dépit de la production aux débats de 62 pièces et de leurs multiples subdivisions, les appelants ne versent aucun sondage susceptible de permettre d'en juger autrement » et en considérant qu'il incombait à M. X...et à sa licenciée de démontrer que les marques contestées étaient bien distinctives, la cour d'appel a inversé les règles relatives à la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil ;

8°/ qu'une marque peut avoir acquis un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait par son titulaire ; qu'en l'espèce, M. X...et la société France Trading avaient soutenu et démontré qu'ils exploitaient les signes " I Paris " et " J'Paris " à titre de marque depuis de nombreuses années et soulignaient ainsi que les signes contestés avaient acquis un caractère distinctif par l'usage qu'ils en avaient fait, à titre de marque ; qu'en prononçant l'annulation des marques litigieuses sans rechercher si elles n'avaient pas, en tout état de cause, acquis un caractère distinctif par l'usage qui en était fait par M. X...et sa licenciée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte tant de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1964 que des articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle que la marque est un signe servant à distinguer des produits ou services et que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés et par rapport à la perception qu'en a le public auquel cette marque est destinée ; qu'après avoir rappelé que, pour être distinctif, un signe, même s'il n'est ni nécessaire, ni générique, ni usuel, ni descriptif, doit conduire le public pertinent à penser que les produits ou services en cause proviennent d'une entreprise déterminée, l'arrêt, tant par motifs propres qu'adoptés, relève, d'abord, que seuls sont concernés les produits visés dans l'enregistrement des marques et « listés » par la société Paris Wear Diffusion, qui, vendus dans le cadre de son activité, ressortissent au commerce touristique, et en déduit que le public pertinent est constitué des touristes d'attention moyenne en quête de l'achat de souvenirs afin de conserver une trace de leur passage à Paris ; qu'il relève, ensuite, que le contenu sémantique des deux signes complexes litigieux appréhendés dans leur ensemble, en ce qu'il véhicule un message d'attachement à une ville particulière, conduira le consommateur à les percevoir comme des signes décoratifs dont il comprendra le sens, quelle que soit sa langue, et non pas comme des marques lui garantissant que les produits sur lesquels ils sont apposés sont fabriqués et commercialisés par la société France Trading, licenciée de M. X..., quand bien même seraient-ils apposés sur des étiquettes ; que par ces constatations et appréciations faisant ressortir que la fonction d'identification d'origine des marques n'était pas remplie pour les produits en cause et rendant inopérants les griefs des deuxième et sixième branches et abstraction faite du motif surabondant critiqué par les première et cinquième branches, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que M. X...et la société France Trading ayant, dans leurs conclusions d'appel, demandé d'apprécier le caractère distinctif des marques litigieuses, telles que déposées, en se plaçant à la date de leur dépôt et sans tenir compte de l'usage qui en avait été fait ultérieurement, le moyen qui, en ses quatrième et huitième branches, reproche à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si les marques n'avaient pas acquis un caractère distinctif par l'usage, est contraire à leurs écritures ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses quatrième et huitième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X...et la société France Trading font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à l'annulation des dessins et modèles déposés le 1er août 2008 et le 26 juin 2009 par la société Paris Wear Diffusion alors, selon le moyen, qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée ; que l'observateur averti est un observateur doté d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré ; qu'en considérant, pour retenir le caractère propre des modèles déposés par la société Paris Wear Diffusion, et les juger valables, que l'observateur averti doit s'entendre du « destinataire final du produit », la cour d'appel a violé l'article L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que sous le couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen critique une omission de statuer, laquelle peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas recevable ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, ni le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X...et la société France Trading aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Paris Wear Diffusion la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille quinze.