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Décisions

CA Paris, 4e ch., 12 octobre 2001, n° M20010518

PARIS

Arrêt

Confirmation

CA Paris n° M20010518

12 octobre 2001

FAITS ET PROCEDURE

Par Jugement du 7 novembre 1978, confirmé par un  arrêt de la cour d'appel de Rennes du 6 février 1980, le divorce a été prononcé entre les époux L, dit Louison, B et Josette L. Josette L a été autorisée par cette décision "à porter le nom de son mari sous la forme de "Marie-José B" et seulement dans le cadre des activités de la S.A.R.L. Marie-José BOBET (fabrication, diffusion, commercialisation de produits de toilette, produits diététiques pour enfants et malades, vêtements) telles que définies dans les dépôts de marque de fabrique et la marque internationale enregistrée à l'Institut National de la Propriété Industrielle antérieurement à la procédure de divorce".

Après le décès de Louis B, le 13 mars 1983, un procès a opposé ses héritiers à Josette L donnant notamment lieu sur renvoi après cassation à un  arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 avril 1992, faisant défense à Josette L "d'utiliser le patronyme de B, dans sa vie privée et professionnelle, sauf l'utilisation limitativement autorisée par la décision de divorce, visant la dénomination, "Marie-José BOBET" et les seules activités de la société Marie-José BOBET (fabrication, diffusion, commercialisation de produits de toilettes, produits diététiques pour enfants et malades, vêtements)".

Josette L est titulaire d'une marque "Marie-José BOBET", déposée le 20 février 1974 et enregistrée sous le N°895732 pour désigner en classes 3, 5 et 25 : "savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, produits diététiques pour enfants et malades, vêtements, y compris les bottes, souliers, pantoufles." Cette marque a été renouvelée le 24 janvier 1984 sous le n°1258370, puis le 3 mai 1989 sous la forme modifiée "MARIE-JOSE B Q" avec extension des produits et services désignés et enregistrée sous le n°1528679.

Josette L a, en outre, postérieurement au jugement de divorce, déposé les marques suivantes :

- "MARIE-JOSE B D Q" déposée le 19 octobre 1988, renouvelée et enregistrée sous le n°1676832 pour désigner des produits et services relevant des classes 3, 5, 25, 29 30, 31, 32 et 42,

- "MARIE-JOSE B0BET INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" déposée le 11 octobre 1989, enregistrée sous le n°1555080 pour désigner des produits et services relevant des classes 3 et 5,

- "M.J.B. MARIE-JOSE B" (semi-figurative) déposée le 3 novembre 1989, enregistrée sous le n°1664406 pour désigner des produits et services relevant des classes 3 et 5,

- "M.J.B. MARIE-JOSE BOBET-QUIBERON INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" (semi-figurative) déposée le 11 décembre 1989, enregistrée sous le n°1722339 pour désigner des produits et services relevant des classes 3 et 42.

Par ailleurs les éditions Michel L ont publié en 1997 un livre intitulé "A la conquête du bien-être, la méthode Quiberon", portant en page de couverture la marque semi-figurative "M.J.B. MARIE-JOSE BOBET-QUIBERON" n°1664406.

Maryse B épouse D et Philippe B, héritiers de Louis B, exposent avoir appris à la sortie de ce livre :

- l'existence des nouveaux dépôts de marques effectués par Josette L,

- le fait que la SARL MARIE JOSE BOBET devenue SA MARIE-JOSE B INTERNATIONAL avait le 19 juin 1996 modifié son objet social en y adjoignant notamment le conseil en thalassothérapie et en balnéothérapie,

- le fait que la société THALAMER, gérante du centre de thalassothérapie THALASSA Q, utilisait des plaquettes publicitaires dans lesquelles figurait le nom de Marie-José B rattaché à l'activité générale du centre. Estimant que Josette L et les sociétés MARIE- JOSE B INTERNATIONAL et THALAMER utilisaient illicitement le nom B pour promouvoir leur activité de thalassothérapie à Quiberon, en France et à l'étranger, ils les ont fait assigner en nullité des marques n°1676832, 1528679, 1555080, 1664406 et 172239 dont Josette L est titulaire, à défaut, en déchéance des droits de cette dernière sur ses marques, en révocation de l'autorisation d'usage limité du nom de B autorisée par le jugement de divorce et aux fins de diverses mesures d'interdiction et de destruction.

Par jugement rendu le 25 juin 1999, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale invoquée par Josette L,

- dit irrecevables les demandes relatives à l'ouvrage intitulé "A la conquête du bien-être, la méthode

Quiberon" présentées par Maryse B épouse D et Philippe B à l'encontre de Josette L,

- dit que Josette L a déposé les marques n°1676832, 155080, 1664406, 1722339 et 1528679 en méconnaissance des dispositions du jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 7 novembre 1978, confirmé par la cour d'appel de Rennes le 6 février 1980,

- prononcé la nullité des marques :

. "MARIE-JOSE B D Q" déposée le 19 octobre 1988, renouvelée et enregistrée sous le n°1676832,

. "MARIE-JOSE BOBET INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" déposée le 11 octobre 1989, enregistrée sous le n°1555080,

. "M.J.B. MARIE-JOSE B" (semi-figurative) déposée le 3 novembre 1989, enregistrée sous le n°1664406,

. "M.J.B. MARIE-JOSE BOBET-QUIBERON INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" (semi-figurative) déposée le 11 décembre 1989, enregistrée sous le n°1722339,

. "M.J.B. MARIE-JOSE B Q" enregistrée sous le n°1528679,

- dit que le jugement, une fois passé en force de chose jugée, serait transmis par le secrétariat greffe ou par une partie à l'INPI pour inscription au registre national des marques,

- interdit à Josette L de faire usage du nom de B dans des conditions autres que celles autorisées par le jugement du tribunal de grande instance de Lorient et ce sous astreinte de 1 000 Francs par infraction constatée, passé le délai de deux mois à compter de la signification de la décision,

- interdit à la société MARIE JOSE BOBET INTERNATIONAL de faire usage du nom B sous quelque forme que ce soit et notamment dans sa dénomination sociale, et ce sous astreinte de 2 000 Francs par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

- débouté Maryse B épouse D et Philippe B de toutes leurs demandes dirigées contre la société THALAMER,

- condamné in solidum Josette L et la société MARIE JOSE BOBET INTERNATIONAL à payer à Maryse B épouse D et à Philippe B les sommes totales de 50 000 Francs à titre de dommages-intérêts et de 15 000 Francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes et condamné Josette L et la société MARIE JOSE BOBET INTERNATIONAL aux dépens de première instance.

Josette L et la société MARIE JOSE BOBET INTERNATIONAL ont interjeté appel de cette  décision le 22 juillet 1999.

Dans leurs dernières écritures signifiées le 13 juin 2001, après avoir fait valoir qu'elles ne pouvaient acquiescer par avance au jugement et que leur appel est donc recevable malgré la renonciation de Josette L à deux marques inexploitées et au service de thalassothérapie visé au libellé de deux autres marques, elles concluent, tout d'abord, à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit irrecevable les demandes des consorts B relatives à l'ouvrage "A la conquête du bien-être, la méthode

Quiberon" et en ce qu'il a débouté ceux-ci de leurs demandes tendant à la révocation de l'autorisation d'usage du nom de Marie-José B accordée à Josette L par le jugement du tribunal de grande instance de Lorient.

Pour le surplus, elles concluent à l'infirmation du jugement entrepris en arguant de ce que Josette L, titulaire avant son divorce de sept marques reproduisant les dénominations "Marie-José BOBET", "MJB B" ou "MJ B", seuls éléments distinctifs de chacune de ces marques associés à des termes tels que "Q" ou "Institut de Thalassothérapie", avait été autorisée par le jugement de divorce à user du nom de "Marie-José B" dans le cadre des actes de la vie professionnelle et était donc en droit de faire évoluer lesdites marques au moyen de nouveaux dépôts reproduisant à chaque fois les seuls éléments distinctifs sus- rappelés associés aux mêmes termes que précédemment.

Elles soulignent qu'en toute hypothèse les consorts B sont forclos à agir en vertu de leurs droits antérieurs, dès lors qu'ils ont toléré pendant plus de cinq ans l'usage de marques déposées de bonne foi.

Elles font valoir encore que la SARL MJB était en droit d'adopter la dénomination "Marie-José BOBET" qui constituait son enseigne depuis sa création en 1972 et son nom commercial, et ce, avec l'autorisation de Louison B.

Elles concluent au débouté de toutes les demandes des consorts B, à l'incompétence du tribunal de grande de Paris pour assortir l'interdiction qui a été faite à Josette L d'utiliser le nom de B dans des conditions autres que celles que prévues par le jugement de divorce.

A titre subsidiaire, elles demandent à ce qu'il soit jugé qu'elle est en droit de déposer à nouveau les marques antérieures au jugement de divorce dans les mêmes formes et pour viser les mêmes produits et services que ceux visés dans leurs dépôts initiaux.

Elles demandent le paiement d'une somme de 150 000 Francs à titre de dommages- intérêts pour procédure et d'une somme de 80 000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Maryse B épouse D et Philippe B, par conclusions signifiées le 21 juin 2001, concluent au principal à l'irrecevabilité de l'appel, au motif que Josette L aurait, selon eux, acquiescé au jugement puisqu'elle a fait radier quatre des marques litigieuses, en totalité pour deux d'entre elles et partiellement pour les deux autres ;

A titre subsidiaire, ils estiment que les dépôts de, marques effectués par Josette L l'ont été en violation des dispositions du jugement de divorce et portent dès lors atteinte à l'ordre public.

A titre plus subsidiaire, ils font valoir que les dépôts litigieux portent atteinte à leur droits antérieurs sur les marques LOUISON BOBET n°1704251 et 1266836 et sur leur nom patronymique, en relevant qu'aucune forclusion ne peut leur être opposée alors que, d'une part, Josette L, qui ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignorait l'existence des marques LOUISON BOBET et qui a substantiellement modifié les services couverts par les marques, a agi de mauvaise foi et que, d'autre part, l'usage qu'elle a fait des marques ne pouvait être connu d'eux avant la publication du livre qui a attiré leur attention et qu'ils n'en ont donc pas toléré l'usage.

Ils soulignent encore l'existence d'un risque de confusion les marques antérieures et notoires "LOUISON B" désignant, entre autres, des services pour les soins du corps, notamment par hydrothérapie marine et le nom de "B" ne perdant pas son pouvoir distinctif par l'adjonction du prénom "Marie-José" ou du sigle "MJB", totalement inconnus ;

S'agissant de la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL, après avoir rappelé que sa dénomination sociale était, jusqu'en juin 1996, "MJB", ils demandent qu'il lui soit fait interdiction de faire usage du nom de "B" adopté lors de la modification de son objet social étendu à l'activité de "conseil en balnéothérapie et thalassothérapie".

Ils concluent donc à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des marques déposées par Josette L, en ce qu'il lui a fait interdiction, à peine d'astreinte, d'utiliser le nom de "B" dans des conditions autres que celles autorisées par le jugement de divorce et en ce qu'il a interdit à la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL de faire un usage quelconque du nom de B.

Formant appel incident, ils concluent à la révocation de l'autorisation d'usage du nom de B accordée par le jugement de divorce, à ce qu'il soit fait interdiction à Josette L, à peine d'une astreinte de 5 000 Francs par infraction constatée, de faire usage à quelque titre que ce soit du nom de "B" et à ce qu'il soit jugé qu'elle a commis des actes de contrefaçon en apposant la marque "MJB MARIE JOSE BOBET-QUIBERON" n°1664406 sur l'ouvrage "A la conquête du bien être, la méthode Quiberon" dont elle est l'auteur.

Ils demandent encore que Josette L soit condamnée à faire insérer un extrait de l'arrêt à venir dans chaque exemplaire de l'ouvrage encore disponible à la vente.

S'agissant de la société THALAMER, ils demandent qu'il soit jugé qu'elle a commis des actes de contrefaçon de marques en diffusant des plaquettes publicitaires comportant le nom de Marie-José B, et concluent à ce qu'il lui soit fait interdiction, à peine d'astreinte, d'utiliser à quelque titre que ce soit le nom de B.

Ils demandent la condamnation in solidum de Josette L, de la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL et de la société THALAMER à leur payer une somme de 200 000 Francs à titre de dommages et intérêts, la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux de leur choix aux frais in solidum de Josette L, de la société MARIE- JOSE BOBET INTERNATIONAL et de la société THALAMER, sans que le coût global de la publication ne dépasse 150 000 Francs hors taxe, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Ils demandent enfin à la cour de se réserver la liquidation des astreintes prononcées et la condamnation in solidum de Josette L, de la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL et de la société THALAMER à leur payer une somme de 100 000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

La société THALAMER SA, par des écritures en date du 31 mars 2000 soulève, en premier lieu, l'irrecevabilité de l'appel formé à son encontre par Josette L et la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL qui n'avaient formé aucune demande à son encontre en première instance et, en second lieu l'irrecevabilité des demandes de condamnation in solidum formée par les consorts B à son encontre par voie de conclusions, en l'absence de tout lien régulier d'instance.

A titre subsidiaire, au fond, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris qui a retenu que le bail commercial la liant à Josette L étant antérieur au jugement de divorce qui a réglementé l'usage du nom de B, aucun élément ne démontre qu'elle pouvait avoir connaissance des restrictions apportées à l'usage du nom de B.

Elle souligne que l'activité développée par la société MJB INTERNATIONAL dans les locaux de son propre centre de THALASSOTHERAPIE est bien une activité indépendante de ce centre, qu'elle ne porte que sur des services de soins de beauté et de vente de produits cosmétiques pour lesquels Josette L est selon toute apparence autorisée à utiliser le nom de Marie-José B.

Elle conclut à la confirmation pure et simple du jugement entrepris et à la condamnation de Maryse B épouse D et de Philippe B à lui payer une somme de 25 000 Francs augmentée de la TVA au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION

I - SUR LA RECEVABILITE DES APPELS PRINCIPAL ET INCIDENT

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les consorts B, Josette L, en procédant à la radiation totale ou partielle de quatre de ses marques dès avant le prononcé du jugement, n'a pas acquiescé à cette décision qui n'est intervenue que postérieurement et qui a, notamment, prononcé la nullité de trois marques dont elle est restée titulaire après les radiations intervenues ;

Qu'à l'encontre des consorts B, son appel est dès lors recevable ;

Considérant que la société THALAMER, par ailleurs, soulève l'irrecevabilité de l'appel de Josette L et de la société MARIE-JOSE BOBET à son encontre, et de ce fait l'irrecevabilité de l'appel incident des consorts B à son encontre, faute d'un lien juridique d'instance ;

Considérant toutefois que l'appel incident peut émaner, sur l'appel incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance ;

Qu'en l'espèce les consorts B, intimés sur l'appel principal

-recevable à leur encontre- de Josette L et de la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL, sont donc recevables à former appel provoqué à l'encontre de la société THALAMER ;

II - SUR LA NULLITE DES MARQUES

Considérant qu'antérieurement à son divorce, Josette L était titulaire de cinq marques comportant le nom de B associé soit aux initiales "MJB", soit au prénom "Marie-José" et portant sur des produits des classes 3, 5 et 25 (savons parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, produits diététiques pour enfants et malades, vêtements, y compris les bottes, les souliers, les pantoufles, la chapellerie) ;

Que le jugement de divorce ne pouvait avoir aucune incidence sur ces marques acquises à leur titulaire du fait de leur dépôt avec l'autorisation tacite de Louis B, dont elles empruntaient le nom patronymique, et qui a été personnellement destinataire des factures du conseil en propriété industrielle chargé des dépôts ;

Que, cependant, aucune de ces marques n'existe plus à ce jour, observation faite qu'il a été exactement jugé que Josette L ne peut prétendre que la marque "MARIE-JOSE BOBET QUIBERON" enregistrée le 3 mai 1989 sous le n°1528679 est un renouvellement de la marque "Marie-José BOBET", déposée le 20 février 1974 et enregistrée sous le N°895732 puis renouvelée le 24 janvier 1984 sous le n°1258370 et ce compte tenu de la modification apportée au signe par l'adjonction du mot "Q" qui ne peut être qualifiée de modification de détail ainsi que de l'extension, à cinq classes nouvelles, des produits et services visées ;

Considérant qu'à la suite du divorce, chacun des époux reprend l'usage de son nom, l'épouse ne pouvant conserver l'usage du nom de son mari qu'avec l'accord de celui-ci ou l'autorisation du juge ;

qu'en l'espèce, aux termes du jugement de divorce, Josette L a été autorisée à "porter le nom de (B) sous la forme de "Marie-José B" et seulement dans le cadre des activités de la S.A.R.L.

Marie-José BOBET (fabrication, diffusion, commercialisation de produits de toilette, produits diététiques pour enfants et malades, vêtements) telles que définies dans les dépôts de marques de fabrique et la marque internationale enregistrée à l'Institut National de la Propriété Industrielle antérieurement à la procédure de divorce" ;

Que le tribunal a justement retenu que cette autorisation limitée de porter le nom de B ne comportait pas le droit de déposer postérieurement au divorce de nouvelles marques comportant le nom patronymique de B ;

Considérant cependant que, Josette L se prévaut de la forclusion de l'article L.714-3 du Code de la propriété intellectuelle, arguant de ce que les marques déposées de bonne foi par elle en 1988 et 1989 ont été publiées en 1990, 1991 et 1992 et soulevant l'irrecevabilité de l'action des consorts B qui en ont toléré l'usage pendant plus de 5 ans ;

Que Maryse et Philippe B répondent qu'ils n'agissent pas, au principal, sur le fondement de leurs droits antérieurs mais sur celui du jugement de divorce et de l'ordre public ;

Que subsidiairement ils font valoir que les marques déposées portent atteinte à leur nom patronymique et aux marques "LOUISON BOBET" dont ils sont titulaires et soutiennent que les dispositions de l'article L.714-3 du Code de la propriété intellectuelle sont inapplicables dès lors que Josette L qui a déposé ces marques alors qu'une précédente instance les opposaient déjà sur l'usage du nom de B ne peut prétendre avoir procédé à un dépôt de bonne foi et n'a pas fait de ces marques un usage décelable par eux avant la publication du livre qui a attiré leur attention ;

Considérant que les consorts B ne sont pas fondés à soutenir que le signe "BOBET" serait un signe "contraire à l'ordre public (...) ou dont l'utilisation est légalement interdite" ;

Que le fait de déposer une marque comportant le nom patronymique d'un tiers n'est pas contraire à l'ordre public et ne peut être interdit que si le titulaire du nom justifie d'un intérêt en raison d'un risque de confusion ;

Que si le jugement de divorce n'a pas autorisé Josette L à déposer de nouvelles marques comportant le nom de B, il n'a pas prononcé d'interdiction expresse ;

que les consorts B ne peuvent donc agir que sur le fondement de leurs droits antérieurs sur leur nom patronymique et leurs marques ;

Considérant que Josette L était titulaire au moment du divorce des marques :

- "MARIE-JOSE B" pour désigner en classe 3, 5 et 25 des "Savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux, dentifrices. Substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés. Vêtements, chaussures, chapellerie",

- "MJB B" pour désigner en classe 3, 5 et 25 des "Savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux, dentifrices ; produits diététiques pour enfants et malades ; vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles",

- "MJ B" pour désigner en classe 3, 5 et 25 des "Savons parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux, dentifrices ; produits diététiques pour enfants et malades ; vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles",

- "MARIE-JOSE B" marque semi figurative, pour désigner en classe 3, 5 et 25 des "Savons parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux, dentifrices ; produits diététiques pour enfants et malades ; vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles",

- "OCEAN MARIE-JOSE B Q" pour désigner en classe 3 et 5 des "savons parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux, dentifrices ; produits diététiques pour enfants et malades" et exerçait son activité au travers de la société MJB dans les locaux de l'Institut de Thalassothérapie de QUIBERON ;

Qu'eu égard à l'opposition des consorts B à l'usage de leur nom par elle, manifestée dès le décès de Louis B, c'est manifestement de bonne foi et en se méprenant sur ses droits qu'elle a déposé les marques, "M.J.B. MARIE-JOSE BOBET-QUIBERON" n°1664406, "M.J.B. MARIE-JOSE BOBET-QUIBERON INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" n°1722339 et "MARIE-JOSE B Q" n°1528679, "MARIE-JOSE B D Q" n°1676832, "MARIE-JOSE BOBET INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" n°1555080, alors que dans le même temps, elle renonçait, en s'abstenant de les renouveler, à la totalité de ses anciennes marques qui ne pouvaient faire l'objet d'aucune contestation -ni l'extension des services (auxquels elle a pour certains d'ailleurs renoncé) ni le fait qu'elle ait adopté pour les enregistrements n°1664406 et n°1722339 des marques semi-figuratives ne permettant de mettre en doute cette bonne foi, observation faite encore qu'elle a depuis renoncé aux marques n°1676832 et n°1555080 ;

Considérant que les consorts B ont, dès le décès de leur père, fait procéder à des investigations pour vérifier l'utilisation faite par Josette L de leur nom patronymique et ont mené pendant plus de dix ans, et au moins jusqu'au 8 décembre 1993, une première procédure tendant à lui faire interdire l'utilisation de ce nom en dehors des termes de l'autorisation limitée dont elle bénéficie ;

Qu'eu égard à l'extrême vigilance qu'ont manifesté les consorts B s'agissant de l'utilisation du nom B par leur adversaire avec laquelle ils ont été constamment en litige, les intéressés qui ne contestent pas que les marques litigieuses aient été exploitées ne peuvent pas sérieusement prétendre avoir ignoré leur usage à partir de 1989 ;

Qu'ayant toléré cet usage pendant plus de 5 ans, ils sont irrecevables en leur demande tendant à la nullité desdites marques ;

III - SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE RELATIVE A UN NOUVEAU DEPOT DES MARQUES NON RENOUVELLES APRES LE DIVORCE

Considérant que Josette L demande, si la cour ne devait pas lui reconnaître le droit de faire évoluer ses marques, à être autorisée à déposer à nouveau les marques dont elle était titulaire au moment du divorce ;

Considérant, cependant, que dès lors qu'elle n'a pas obtenu le droit de déposer, postérieurement au divorce, de nouvelles marques comportant le nom patronymique de B, Josette L ne peut prétendre déposer à nouveau les marques qu'elle a laissées disparaître et dont elle était titulaire à la date du divorce ; qu'elle sera déboutée de cette demande, observation faite, au demeurant, que l'inaction dans les délais de la loi des consorts B lui permet de conserver les nouvelles marques déposées en 1988 et 1989 ;

IV - SUR L'ASTREINTE

PRONONCEE A L'ENCONTRE DE JOSETTE L

Considérant que Josette L ne critique pas la décision entreprise en ce qu'elle lui a fait interdiction d'user du nom de "B" dans des conditions autres que celles autorisées par le jugement de divorce, mais seulement le fait que cette interdiction ait été assortie d'une astreinte en faisant valoir que l'interdiction résultait implicitement du jugement de divorce et que seul le juge de l'exécution était compétent pour assortir l'exécution de cette décision d'une astreinte ;

Que, cependant, le jugement de divorce n'a fait que refuser l'autorisation sollicitée par l'appelante de continuer à user du nom de B, que le tribunal saisi postérieurement au divorce d'une demande d'interdiction formelle pouvait dès lors, faisant droit à cette demande, assortir cette interdiction d'une astreinte ;

V - SUR LA DEMANDE TENDANT A L'INTERDICTION DE L'USAGE DU NOM DE B PAR LA SOCIETE MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL

Considérant que le tribunal, rappelant que la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL SA, anciennement SARL M.J.B., ne pouvait bénéficier de l'autorisation donnée à Josette L dans le jugement de divorce de porter le nom de Marie- José B dans le cadre des activités de la SARL et que la dénomination sociale ne pouvait s'acquérir que par son adoption dans les statuts et non par l'usage et estimant que les appelantes ne pouvaient ignorer l'opposition des consorts B à l'usage de leur nom patronymique, a fait interdiction à cette société d'user du nom de "B" sous quelque forme que ce soit et notamment dans sa dénomination sociale ;

Que Marie-José B et la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL font valoir que cette société bénéficiait, à la date du divorce d'un droit de propriété industrielle sur la dénomination MARIE-JOSE BOBET qui constituait, depuis sa création en 1972, son nom commercial et son enseigne au sein de l'institut de thalassothérapie ;

Considérant que s'il est exact qu'aucune autorisation d'usage du nom de B n'a été donnée à la société M.J.B. par les décisions qui ont statué sur le divorce des époux B, il convient toutefois de rechercher si Louis B, co-fondateur de cette société, notamment avec son épouse, ne lui a pas conféré son nom de B à titre de nom commercial, lequel s'acquiert par l'usage ;

Que sur ce point, il y a lieu de constater, d'une part, que Louis B désignait lui-même ladite société sous le nom de "SARL Marie-José BOBET" (confer les décisions qui ont statué sur le divorce) et, d'autre part, qu'alors même que le litige portait précisément sur l'usage du nom de "B" par Josette L, Louis B n'a pas cessé de désigner la société sous le nom de "SARL Marie-José BOBET", qu'en effet, devant la cour d'appel de Rennes, il a conclu à la confirmation de la disposition du jugement qui autorisait Josette L à porter le nom de B sous la forme de "Marie-José B" et "seulement dans le cadre des activités de la S.A.R.L. Marie-José BOBET" ;

Qu'il peut être déduit de l'emploi réitéré de ce nom par Louis B que celui-ci reconnaissait avoir donné son patronyme à la société à titre de nom commercial, observation faite, encore, que les consorts B ne contestent nullement l'existence de ce nom commercial ;

Considérant que la décision dont appel ne peut dès lors être confirmée en ce qu'elle a interdit à la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL de faire usage du nom B "sous quelque forme que ce soit" ;

Considérant, encore, que s'il ne peut être interdit à la société appelante de faire usage de son nom commercial de "SARL Marie-José BOBET", la propriété de ce nom ne l'autorisait pas, pour autant, à adopter le nom de "B" dans sa dénomination sociale ; qu'il lui sera donc fait interdiction d'user du nom de B dans sa dénomination sociale ;

VI - SUR LES DEMANDES RELATIVES A L'OUVRAGE "A LA CONQUETE DU BIEN-ETRE, LA METHODE Q"

Considérant que le tribunal a jugé les consorts B irrecevables en leur demande relative à l'ouvrage "A la conquête du bien-être, méthode Q", dirigée contre Josette L, en retenant que les parties ne s'expliquaient pas sur la nature de cet ouvrage, éditée par Michel L, portant la mention "Avec la collaboration de Jackie S" et dont l'auteur était selon le contrat d'édition la société "MARIE-JOSE B SA" ;

Que, devant la cour, les consorts B indiquent former appel incident et diriger désormais leur demande contre la société MARIE-JOSE BOBET, devenue MARIE-JOSE B INTERNATIONAL ; qu'ils font valoir que l'apposition de la marque "M.J.B. Marie-José BOBET QUIBERON" engage la responsabilité de cette société et constitue un acte de contrefaçon ;

Considérant, cependant, que, pas plus que devant le tribunal, les consorts B ne s'expliquent sur la nature de l'ouvrage écrit "avec la collaboration de Jackie S" qui n'a pas été appelée dans la cause ;

Qu'au demeurant, à supposer que les consorts B entendent se prévaloir, au titre de la contrefaçon reprochée, de leurs marques "LOUISON BOBET", ce qu'ils n'ont pas cru devoir préciser, il convient de constater, que même dans des activités similaires, il n'existe aucun risque de confusion entre leurs marques qui constituent un tout et dans lesquelles le nom de "B" n'est jamais dissocié du prénom "LOUISON", et la marque "MJB Marie-José BOBET-QUIBERON", observation faite que depuis de nombreuses années les marques "LOUISON BOBET" coexistent, de par la volonté même de leur premier titulaire, avec diverses marques utilisant les signes "Marie-José BOBET" ou "MJB B" et que le consommateur est ainsi habitué à les différencier ;

Qu'il convient, dès lors, de rejeter les demandes des consorts B au titre de l'ouvrage "A la conquête du bien-être, méthode Q" ;

VII - SUR LA DEMANDE TENDANT A LA REVOCATION DE L'AUTORISATION DE PORTER LE NOM DE B

Considérant que les consorts B réitèrent devant la cour leur demande tendant à ce qu'il soit jugé que les violations délibérées et répétées de la décision de justice autorisant Josette L à faire un usage limité du nom de B justifient la révocation de l'autorisation précédemment donnée ;

Considérant que le jugement sera confirmé par adoption de motifs en ce qu'il a repoussé cette demande ;

VIII - SUR LES DEMANDES DIRIGEES CONTRE LA SOCIETE THALAMER

Considérant que les consorts B soutiennent que Josette L s'étant présentée dans une précédente affaire comme "PDG du Centre de Thalassothérapie", la société THALAMER ne peut pas prétendre de bonne foi avoir ignoré les limites de l'autorisation donnée à l'usage du nom de B ;

Que la société THALAMER conclut à la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant que s'il ressort des pièces communiquées que Josette L a, dans une précédente instance, revendiqué des responsabilités de direction au sein de centre de Thalassothérapie de Q, lesdites responsabilités dans l'un des établissements de la société THALAMER ne permettent pas de déduire que cette société avait nécessairement connaissance du divorce intervenu et des restrictions apportées à l'usage du nom de B, la cour adoptant, pour le surplus, sur ce point, les exacts motifs du tribunal ;

Considérant que les consorts B soutiennent, devant la cour, que les agissements de la société THALAMER sont également constitutifs d'une contrefaçon de leurs marques "LOUISON BOBET" ; que, cependant, il n'existe pas de risque de confusion entre ces marques qui constituent un tout et dans lesquelles le nom de "B" n'est jamais dissocié du prénom "LOUISON" et le nom "Marie-José B", lui-même utilisé dans diverses marques régulièrement exploitées dans les mêmes lieux ;

Que les consorts B seront déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de cette société ;

IX - SUR LES MESURES REPARATRICES

Considérant que le tribunal a alloué aux consorts B la somme de 50 000 Francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par Josette L et la société MARIE-JOSE BOBET ; que les consorts B demandent à nouveau à ce même titre une somme de 200 000 Francs ;

Considérant, cependant, que ces derniers ne démontrent pas le dommage qu'ils auraient subi du fait de Josette L qui n'a fait que procéder, de bonne foi, au dépôt de marques très proches de celles qu'elle possédait au moment du divorce ;

Que le préjudice résultant de l'adoption de la dénomination MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL par ladite société sera exactement réparé par l'allocation d'une somme de 20 000 Francs ;

Considérant que ni Josette L et la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL, ni les consorts B qui demandent réciproquement le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, n'établissent que l'action a été introduite ou que l'appel a été interjeté avec une volonté de nuire, une intention malicieuse ou une erreur équivalente au dol ; qu'ils seront donc déboutés de leurs demandes à ce titre ;

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur des consorts B mais que l'équité ne commande de ne pas de faire droit aux demandes formées sur le même fondement en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges,

Confirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a annulé les marques "MARIE-JOSE BOBET DIETETIQUE Q" déposée le 19 octobre 1988, renouvelée et enregistrée sous le n°1676832, "MARIE-JOSE BOBET INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" déposée le 11 octobre 1989, enregistrée sous le n°1555080, "M.J.B. MARIE-JOSE B" (semi-figurative) déposée le 3 novembre 1989, enregistrée sous le n°1664406, "M.J.B. MARIE-JOSE BOBET-QUIBERON INSTITUT DE THALASSOTHERAPIE QUIBERON" (semi-figurative) déposée le 11 décembre 1989, enregistrée sous le n°1722339, "M.J.B. MARIE-JOSE B Q" enregistrée sous le n°1528679, en ce qu'elle a dit que le présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, sera transmis à l'INPI, en ce qu'elle a interdit sous astreinte à la société MARIE- JOSE BOBET INTERNATIONAL de faire usage du nom de B sous quelque forme que ce soit et en ce qui elle a condamné Josette L et la sociéré MARIE-JOSE B INTERNATIONAL à payer aux consorts B une somme de 50 000 Francs à titre de dommages et intérêts ;

Réformant sur ces points et statuant à nouveau,

Déclare les consorts B forclos en leur action en nullité des marques litigieuses ;

Interdit à la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL de faire usage du nom B dans sa dénomination sociale, et ce sous astreinte de 2 000 Francs par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Condamne la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL à payer à Maryse B épouse D et à Philippe B le somme de VINGT MILLE FRANCS (20 000 Francs ou 3 048, 98 Euros) à titre de dommages et intérêts,

Rejette toute autre demande des parties ;

Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par Josette L et la société MARIE-JOSE BOBET INTERNATIONAL, d'une part, et les consorts B, d'autre part ;

Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement ceux de ces dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.