CA Versailles, 12e ch., 20 février 2018, n° 17/06661
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société SONAFI (SAS)
Défendeur :
Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leplat
Conseiller :
M. Ardisson
SUR CE LA COUR,
Considérant que 3 décembre 2012, la société Sonafi a déposé à l'institut national de la propriété industrielle une demande d'enregistrement portant sur le signe verbal 'EQUATORIALE' destiné à distinguer les produits suivants de la classe 30 de la classification internationale des marques : Chocolat et produits de chocolat. Confiserie ;
Que par décision du 9 août 2017, le directeur général de l'institut national de la propriété industrielle a finalement rejeté la demande d'enregistrement en retenant que le signe était dépourvu de caractère distinctif à l'égard des produits désignés ;
sur le caractère distinctif intrinsèque du signe:
Considérant que selon la décision déférée, le signe « EQUATORIALE » désigne ce qui est relatif à la partie géographique des régions proches de l'équateur, régions productrices de fèves de cacao à partir desquelles le chocolat est produit , il permet au consommateur de référence d'établir immédiatement et sans autre réflexion un rapport direct et concret avec de tels produits, il ne lui permet donc pas de les distinguer de ceux qui ont une autre origine commerciale, de plus, il peut servir à désigner une caractéristique des produits: Chocolat et produits de chocolat. Confiserie, à savoir leur qualité ;
Considérant que l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale ;
Qu'aux termes de l'article L. 711-2 du même code, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; Sont dépourvus de caractère distinctif :
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;
Considérant que la société Sonafi fait valoir que le signe EQUATORIALE correspond à un adjectif substantivé qui n'est pas d'un emploi normal dans la langue courante, que le dictionnaire Larousse définit ce terme comme situé à l'équateur, relatif à l'équateur, que l'équateur fait référence à une zone géographique qui fait le tour du monde et s'étend sur plusieurs continents, de sorte qu'il ne peut constituer une provenance géographique précise, que seule l'utilisation d'un adjectif faisant référence à un pays pourrait servir à désigner une provenance géographique des produits qui servent à la fabrication du chocolat et produits du chocolat, qu'en outre le cacao diffère du chocolat et produits du chocolat, confiserie ;
Qu'elle soutient encore que la dénomination EQUATORIALE ne peut pas désigner une caractéristique de qualité d'un chocolat puisque tous les chocolats sont fabriqués à partir de cacao provenant de régions situés sur ou près de l'équateur, que la forme même de cette référence renferme en elle-même une part de fantaisie suffisante pour constituer une marque valable distinguant les produits de ceux qui ont une autre origine commerciale ;
Qu'elle souligne ainsi que le signe EQUATORIALE, susceptible d'évoquer la partie géographique des pays et régions proches de l'équateur reste purement évocateur sans autre considération tenant à la provenance géographique ou à la qualité des produits ;
Considérant que la demande d'enregistrement est uniquement constituée de l'adjectif EQUATORIALE qualifiant les régions situées aux alentours de l'équateur ;
Que cet adjectif, y compris dans sa forme substantivée, n'est pas seulement évocateur mais descriptif de la zone géographique équatoriale, faisant partie du langage courant, pour la désigner ;
Que si un grand nombre de pays s'y trouve situé, il n'en demeure pas moins que l'indication EQUATORIALE est, faisant partie du langage courant, descriptive d'une origine géographique ;
Que le consommateur d'attention moyenne, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, qui amalgamera le cacao au chocolat, percevra le signe EQUATORIALE comme la référence à cette zone géographique réputée pour la culture des fèves de cacao, matière première essentielle des chocolat et produits du chocolat ;
Que dès lors, la descriptivité du signe EQUATORIALE découle du lien existant entre l'origine et la qualité des produits, cette origine équatoriale ayant pour dessein d'attirer le consommateur sur leur qualité particulière ;
Que le directeur de l'institut national de la propriété industrielle observe justement que l'ensemble des opérateurs du secteur, fabricant comme vendeur de confiserie et de chocolat, a intérêt à utiliser librement le terme 'équatoriale' pour préciser le lieu d'origine du cacao même si le produit fini est fabriqué en France ou ailleurs, dès lors que la qualité du chocolat dépend de cette matière première, ainsi qu'en témoigne le compte rendu de la réunion du 22 septembre 1986 produit par la société Sonafi aux termes duquel chaque fève a sa propre spécificité et apporte une caractéristique (...) Ce sont ces cacaos fins qui apportent toute la délicatesse des couvertures ;
Qu'ainsi, il existe un intérêt général à préserver la disponibilité du terme EQUATORIALE qui doit pouvoir être utilisé par les opérateurs du domaine du chocolat et de la confiserie concernés par cette même information ;
Qu'il s'ensuit que le signe EQUATORIALE ne satisfait pas à l'exigence de caractère distinctif nécessaire à la validité d'une marque ;
sur le caractère distinctif du signe acquis par l'usage:
Considérant que la société Sonafi soutient subsidiairement l'acquisition du caractère distinctif du signe EQUATORIALE par l'usage, au sens de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Qu'elle fait valoir que ce signe est exploité à titre de marque depuis plus de trente ans par la société Valrhona, son affiliée, comme en témoigne un compte rendu interne en date du 30 septembre 1986 ;
Considérant que le caractère distinctif de la marque acquis par l'usage suppose que la marque est apte à identifier le produit pour lequel est demandé l'enregistrement, comme provenant d'une entreprise déterminée et à distinguer ce produit de ceux des autres entreprises ;
Considérant en l'espèce, que la société Sonafi a produit au cours de la procédure d'examen le compte rendu de cette réunion faisant apparaître le terme EQUATORIALE pour désigner une couverture de chocolat de la marque Valrhona, une présentation de cette couverture, l'emballage d'une tablette de chocolat, une présentation en chinois et une autre en allemand, un extrait de recherches sur internet, un article publié en 2004 listant certains chocolats dont EQUATORIALE, des illustrations d'emballage ;
Considérant que si ces documents font apparaître un certain usage du terme EQUATORIALE pour la vente de chocolats, en revanche ils ne démontrent nullement que le consommateur perçoive ce signe comme une indication d'origine commerciale des produits qui sont par ailleurs revêtus de la marque Valrhona, signe arbitraire et identifié comme marque;
Que dès lors, n'est pas établie l'acquisition d'un caractère distinctif de la dénomination EQUATORIALE permettant de l'enregistrer à titre de marque;
Considérant par voie de conséquence que le recours formé par la société Sonafi sera rejeté ;
PAR CES MOTIFS
Contradictoirement,
Rejette le recours,
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.