CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 10 avril 2018, n° 17/02715
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Commune Ville de La Roche Posay
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
EXPOSÉ DES FAITS
La ville de La Roche-Posay indique être la première station thermale européenne spécialisée en dermatologie, classée « station touristique » et « station verte ». Elle déclare utiliser pour sa communication un visuel formé de gouttes d'eau stylisées associé au slogan « Cité thermale, Cité nature, Cité loisirs » :
Elle est titulaire de plusieurs marques :
• la marque verbale de l'Union européenne « LA ROCHE-POSAY » n° 9951443 déposée le 9 mai 2011 et enregistrée le 2 novembre 2011 pour désigner divers produits et services relevant des classes 16, 18, 39,41, 42 et 44, notamment papier et carton ; cuir et sacs ; transports ; éducation, formation, divertissement ; études de projets techniques ; services de stations thermales ;
• la marque verbale française « LA ROCHE-POSAY » n° 10 3 781 172, déposée le 10 novembre 2010 et enregistrée pour désigner des produits et services relevant des classes 6, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 26, 28, 32, 35, 36, 39, 41, 42, 43, 44, notamment objet d'art ; joaillerie ; papier et carton ; cuir et sacs ; sacs en tissus et sachet ; tissus ; vêtements ;accessoires d'habillement ; jeux et jouets ; boissons non alcooliques ;conseils en organisation des affaires ; assurances et affaires bancaires ;transports ; éducation, formation, divertissement ; études de projets techniques ; services de restauration ; services de stations thermales ;
• la marque française semi figurative n°11 3 805 706 déposée le 11 février 2011 et enregistrée pour désigner des produits et services des classes 6, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 26, 28, 32, 35, 36, 39, 41, 42, 43, 44 notamment objet d'art ; joaillerie ; papier et carton; cuir et sacs ; sacs en tissus et sachet ; tissus ; vêtements ; accessoires d'habillement ; jeux et jouets ; boissons non alcooliques ; conseils en organisation des affaires ; assurances et affaires bancaires ; transports ; éducation, formation, divertissement ; études de projets techniques ; services de restauration ; services de stations thermales ;
• la marque française figurative n°11 3 805 708, déposée le 11 février 2011 et enregistrée pour désigner des produits et services relevant des classes 3, 5, 6, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 26, 28, 32, 35, 36, 39, 41, 42, 43 et 44, notamment savons et cosmétiques ; produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques ; objet d'art ; joaillerie ; papier et carton ; cuir et sacs ; sacs en tissus et sachet ; tissus ; vêtements ; accessoires d'habillement ; jeux et jouets ; boissons non alcooliques ; conseils en organisation des affaires ; assurances et affaires bancaires ; transports ; éducation, formation, divertissement ; études de projets techniques ; services de restauration ; services de stations thermales ».
Ayant eu connaissance de la reproduction à l'identique de ses marques et de son slogan « Cité thermale, Cité nature, Cité loisirs » sur les sites internet suivants :
. http://hostellerievaldecreuse.com
. http://hostellerievaldecreuse.fr
. http://lacreuseaufildeleau.com
la ville de La Roche-Posay a fait dresser un constat d'huissier le 18 avril 2016 dont il résulte que les noms de domaine correspondants ont été réservés par monsieur Patrick A. et sont exploités pour la promotion d'un hôtel dénommé « Hostellerie Val De Creuse » abritant un restaurant baptisé « au Fil de l'Eau » présenté comme étant exploité par madame Isabelle B..
Par courrier des 27 janvier et 9 février 2016, la ville de La Roche-Posay a mis en demeure l'Hostellerie Val de Creuse de cesser d'utiliser ses marques sur les sites internet litigieux et de régulariser les mentions légales obligatoires sur ceux-ci.
Par acte d'huissier du 23 juin 2016, la ville de La Roche-Posay a assigné monsieur Patrick A. et madame Isabelle B. devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et en parasitisme.
La ville de La Roche-Posay a interjeté appel du jugement réputé contradictoire du 26 janvier 2017 du tribunal de grande instance de Paris qui :
• l'a déboutée de sa demande en contrefaçon de marque,
• a déclaré irrecevables les demandes au titre du parasitisme du fait de la reprise du visuel de la ville de la Roche-Posay et de la reprise d'éléments de communication émanant de tiers à celle-ci,
• a rejeté les autres demandes au titre du parasitisme ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
• a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
• a condamné la ville de la Roche-Posay à supporter les entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions du 28 avril 2017, la ville de La Roche-Posay demande à la Cour de :
• réformer le jugement du 26 janvier 2017 ;
• juger que la Ville de La Roche-Posay est recevable et bien fondée en ses demandes ;
• Constater que :
• L'usage des visuels et par Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. pour promouvoir, notamment sur les sites hostellerievaldecreuse.com, hostellerievaldecreuse.fr et lacreuseaufildeleau.com, des activités de tourisme et de loisirs ainsi que des cures thermales est constitutif de contrefaçon des marques suivantes de la Ville de La Roche-Posay :
• marque de l'Union Européenne LA ROCHE-POSAY N° 9951443
• marque française LA ROCHE-POSAY N° 10.3.781.172
• marque française N° 11.3.805.706
• marque française N°11.3.805.708
• L'usage des visuels et
en association avec les expressions « cité thermale » et cité thermale, cité nature, cité loisirs » par Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. constitue également un acte de parasitisme causant à la Ville de La Roche-Posay un préjudice certain.
En conséquence,
• Interdire à Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. toute reproduction ou imitation des marques incriminées sous quelque forme que ce soit sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, lesdites astreintes devant être liquidées par la Cour.
• Ordonner la destruction de tout produit et/ou de toute documentation faisant apparaître les marques incriminées, et de tout document ou objet ayant servi à leur réalisation ou fabrication devant huissier, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir ;
• Condamner in solidum Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. à payer à la Ville de La Roche-Posay les sommes suivantes :
• 30 000 € en réparation du préjudice subi par la Ville de La Roche-Posay au titre de la contrefaçon de ses marques ;
• 25 000 € en réparation du préjudice subi par la Ville de La Roche-Posay au titre du parasitisme ;
• Ordonner la publication du jugement à intervenir, en intégralité ou par extraits, dans 3 journaux au choix de la Ville de La Roche-Posay et aux frais avancés et solidaires de Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. dans la limite de 8 000 euros hors taxes par publication.
• Ordonner la publication permanente du dispositif de la décision à intervenir sur la page d'accueil de tous les sites internet de Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. et notamment sur les sites hostellerievaldecreuse.com, hostellerievaldecreuse.fr et lacreuseaufildeleau.com pendant trois mois, et ce dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard.
• Dire que les publications devront s'afficher de façon lisible en lettres de taille suffisante, aux frais de Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B., en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée, dans un encadré de 468 x 120 pixels, le texte qui devra s'afficher en partie haute et immédiatement visible de la page d'accueil devant être précédé du titre « AVERTISSEMENT JUDICIAIRE » en lettres capitales et gros caractères.
• Autoriser la Ville de La Roche-Posay à procéder à la publication de tout ou partie de la décision à intervenir sur ses propres supports.
• Dire que les condamnations portent sur tous les faits illicites commis jusqu'au jour du prononcé du jugement à intervenir.
• Condamner in solidum Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. à payer à la Ville de La Roche-Posay une indemnité de 15 000 euros à titre de remboursement des peines et soins du procès en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
• Condamner in solidum Monsieur Patrick A. et Mme Isabelle B. aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Me J. de la SELARL @MARK, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2017.
La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées aux intimés, qui n'ont pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu par défaut.
MOTIVATION
L'article 472 du code de procédure civile prévoit que
« Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ».
Sur la contrefaçon
La ville de La Roche-Posay fait valoir que les intimés se sont bien rendus coupables de contrefaçon par reproduction et par imitation des marques dont elle est titulaire.
Elle rappelle tout d'abord n'avoir pas donné son autorisation à l'utilisation de ses marques, et avance que l'usage de ses marques est intervenu dans le cadre de la vie des affaires, les intimés utilisant ses marques sur leur site internet afin de promouvoir leurs activités commerciales d'hôtellerie et de restauration, ainsi que des activités touristiques et de soins.
Elle soutient que les intimés ont commis des faits de contrefaçon par reproduction de marques, contrefaçon caractérisée dès lors que la marque du titulaire est reprise à l'identique sans qu'il soit nécessaire de démontrer un risque de confusion, le seul ajout par les intimés d'une mention n'étant pas significatif.
Elle relève aussi que les services de restauration et d'hostellerie sont visés au titre de la classe 43 par les marques 133 781172, 113 805 706 et 113 805 708 (ci-dessous, les marques 172, 706 et 708), qu'il en est de même pour les services de réservation et d'organisation de services de soins et de tourisme, de sorte qu'il existe une identité entre les services proposés par les intimés et ceux des marques contrefaites puisque ces services entrent dans le champ de protection de ses marques. Elle affirme qu'il y a bien atteinte aux fonctions de la marque car la référence aux marques laisse à penser qu'il existe un lien commercial entre les parties.
Elle précise que le visuel identitaire de la ville constitue un signe de ralliement de sa clientèle et que les intimés ont cherché, en en faisant usage, à se greffer sur cet ensemble touristique réputé.
Elle observe que le visuel litigieux est utilisé à titre de marque d'appel, et que par son usage les intimés cherchent à attirer une clientèle touristique en faisant croire à l'existence d'un partenariat.
Elle avance, s'agissant de la contrefaçon par imitation, que l'ajout de mentions par les intimés n'affecte pas l'impression identique d'ensemble, et que les services pour lesquels elle a enregistré ses marques sont complémentaires ou ont la même destination que ceux d'hostellerie et de restauration promus par les sites. Elle soutient qu'il existe un risque de confusion entre ses marques et les sites quant à l'origine des services proposés, et que ces sites n'avaient pas besoin de faire une telle référence à ses marques.
Sur ce
L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que
« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que: "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée ».
L'article L. 713-3 indique que
« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».
Le règlement 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 prévoit en son article 9 que la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif, opposable aux tiers à compter de la publication de l'enregistrement de la marque. Le titulaire de la marque est ainsi habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.
Des dispositions identiques figurent dans le règlement 2015/2424 modifiant le règlement précité, dont la date d'entrée en vigueur est le 23 mars 2016.
Ces deux règlements précisent que les atteintes portées à une marque communautaire sont régies par le droit national.
Les articles L. 717-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle prévoient respectivement que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du règlement 40/94 -abrogé par le règlement 207/2009, et que l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur, l'atteinte aux droits des marques étant constituée par la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 et L. 713-3.
Le procès-verbal de constat d'huissier du 18 avril 2016 établit que les sites internet répondant aux adresses hostellerievaldecreuse.com, hostellerievaldecreuse.fr, lacreuseaufildeleau.com font la promotion commerciale de l'établissement d'hostellerie restaurant Val de Creuse.
Monsieur Patrick A. est le titulaire de ces trois noms de domaine, enregistrés le 29 juillet 2013 pour les deux premiers, le 19 septembre 2014 pour le troisième.
Madame Isabelle B. apparaît sur le site internet societe.com comme spécialisée dans le secteur d'activité de la restauration traditionnelle et exploitante d'une affaire personnelle, son adresse y est la même que celle de l'hostellerie Val de Creuse. Son nom et cette adresse figurent aussi sur le site internet chambresdhotes.org comme correspondant à l'hostellerie Val de Creuse, et son nom est encore donné comme étant le contact de cet établissement.
Ce procès-verbal révèle que cet hôtel utilise le signe La Roche-Posay non seulement pour désigner la ville du même nom, dans laquelle il est situé, mais aussi présenter aux consommateurs les possibilités de loisirs qui leur sont ouvertes lors d'un séjour dans cet hôtel.
Le signe La Roche-Posay est ainsi utilisé sans le consentement de la commune, titulaire des marques correspondantes.
Les sites en question sont des sites marchands, sur lesquels des forfaits d'hébergement à l'hôtel sont proposés avec la possibilité de les réserver ; ainsi, le signe La Roche-Posay y est utilisé dans le cadre d'une activité commerciale visant un avantage économique, la présentation et la promotion sur ces sites de l'activité commerciale d'hostellerie et de restauration proposée par l'hostellerie Val de Creuse tendant à y attirer de nouveaux clients.
Les sites en cause utilisent également le signe La Roche-Posay pour la promotion d'autres activités de sport et de loisirs, comme les cures thermales : ainsi présentent-ils des loisirs sportifs et récréatifs (golf 18 trous, casino, sports nautiques, tennis, hippodrome) sur un écran reproduisant un signe protégé par les marques de la ville de La Roche-Posay (pages 13 à 15 du procès-verbal pour le hostellerievaldecreuse.com, 34 à 36 pour le site valdecreuse.fr, 56 à 58 pour lacreuseaufildeleau.com).
Le site www.hostellerievaldecreuse.com, vers lequel dirige le site www.hostellerievaldecreuse.fr, contient la mention 'nous pouvons organiser pour vous des séjours à thème. Il vous suffit de nous faire part de vos souhaits et nous nous efforcerons de vous concocter vos instants soins, découvertes ou sportifs'.
Ces sites utilisent les signes suivants :
Le signe La Roche-Posay protégé par les marques verbales française 103781172 et européenne 009951443 (ci-dessous, 172 et 443), dont l'enregistrement par la ville de La Roche-Posay a été publié antérieurement au constat dressé par l'huissier, y est ainsi utilisé, tout comme les signes
protégés par les marques 113805706 et 113805708 (respectivement ci-dessous, 706 et 708).
L'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que
« L'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme :
a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique;
b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine;
c) Indication géographique définie à l'article L. 721-2, sauf lorsque la marque, compte tenu de sa renommée, de sa notoriété et de la durée de son usage, est à l'origine exclusive de la réputation ou de la connaissance par le consommateur du produit pour lequel une indication géographique est demandée.
Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elle soit limitée ou interdite ».
Et l'article 721-2 précise notamment que
« Constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique ».
En l'espèce, s'agissant des marques verbales, l'utilisation du signe LA ROCHE POSAY par les sites en question est nécessaire en ce qu'il correspond à l'indication géographique du lieu où se situe l'hôtel et par conséquent les activités et services qu'il propose, et est de nature à informer les clients de l'hôtel susceptibles d'être intéressés par l'achat d'un hébergement en hôtel ou d'un service de restauration dans cette commune.
De plus, si l'appelante souligne que ces sites présentent aussi des onglets « Cures-Thermalisme » et « Tourisme-Loisirs » sous lesquels figurent des informations sur les différentes possibilités d'activités de soins, d'activités touristiques ou sportives offertes, et que deux des sites en cause proposent d'organiser les moments de soin, de découverte ou de sport de leurs clients, l'utilisation du signe La Roche Posay évoque un lieu géographiquement déterminé évoquant les sources thermales et les soins qui y possèdent une qualité déterminée ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique, sans que l'appelante ne justifie de la renommée de ses marques au sens de l'article L. 713-6.
Aussi, si ces sites font la promotion des services de restauration et d'hostellerie de l'hostellerie val de Creuse, soit des services visés par la marque 172, et proposent des prestations correspondant pour l'organisation d'activité de tourisme, sportives et de loisirs, aux services des classes 39 et 41, et s'agissant de l'organisation de cures thermales, aux services de la classe 44 des marques 172 et 443, de sorte qu'il existe une identité des services proposés, l'enregistrement de ces marques verbales ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe -La Roche Posay- par les sites, s'agissant d'une référence nécessaire pour indiquer le lieu où les services sont destinés à être proposés, et ces services étant en lien avec une qualité attribuée à cette zone géographique.
Par conséquent, la ville de La Roche-Posay sera déboutée de sa demande, la reprise par les sites de signes correspondant aux marques verbales 172 et 443 ne constituant pas une contrefaçon par reproduction.
S'agissant de la marque figurative 708, les sites représentent le signe constituant cette marque sur lequel est écrit « Roche Posay », ou « La Roche Posay » en gros caractères suivi parfois de « Cité thermale, Cité nature, Cité loisirs » ou de « cité thermale » en petits caractères ; ces adjonctions ne passent pas inaperçues aux yeux du consommateur moyen, ce qui exclut la contrefaçon par reproduction.
Pour autant, la marque 708 est représentée intégralement, dans ses couleurs comme dans la disposition des éléments graphiques qui la composent, sur ces sites : ainsi est repris le point central à partir duquel trois groupes de pétales sont disposés en triangle, des pétales plus petits se retrouvant également aux mêmes emplacements et dans la même configuration.
Il sera en outre précisé, s'agissant de cette marque, que du fait de son caractère seulement figuratif l'usage de ce logo ne peut s'expliquer pour désigner le lieu d'implantation de l'hostellerie Val de Creuse.
Au vu de ce qui précède, l'impression d'ensemble qui se dégage des représentations graphiques figurant sur les sites internet et celle produite par la marque 708 est commune.
La marque 706 est également reprise par les sites en cause.
Elle y est reproduite soit sans l'article « La », soit intégralement mais en étant alors soulignée des formules 'Cité thermale, Cité nature, Cité loisirs' ou 'cité thermale' en petits caractères ; ces modifications ou adjonctions ne sont pas insignifiantes et ne permettent pas à l'appelante de soutenir que la reprise de cette marque constitue une contrefaçon par reproduction.
Pour autant, les formules ajoutées utilisent la même police d'écriture et la même teinte de couleur bleue que celle de la marque 708, et n'affectent pas l'impression commune d'ensemble donnée par ces signes et la marque.
Ces deux marques visent, au titre de la classe 39, les activités de « préparation, réservation et organisation de voyages, excursions, croisières et visites touristiques ; agence de tourisme (à l'exception de la réservation d'hôtels, de pensions) et de voyages ; accompagnement de voyageurs ; services de conseillers dans le domaine du voyage et accompagnement de voyageurs ; services de guide touristique ; informations en matière touristique ».
Si ces activités ne correspondent pas précisément aux activités de restauration et d'hostellerie proposés par les sites en cause, elles en apparaissent complémentaires et similaires, en ce qu'elles se rapportent aussi à l'hébergement de voyageurs et s'adressent au même public -soit les personnes désireuses de voyager- et peuvent être proposées par les mêmes entreprises.
En outre, la ville de la Roche Posay -titulaire des marques - justifie d'une activité importante dans le domaine du tourisme, et les sites en cause présentent un onglet « Cures-Thermalisme », un autre « Tourisme-Loisirs » sous lesquels figurent des informations sur les différentes possibilités d'activités touristiques offertes et proposent aux clients d''organiser... des séjours à thème et « de vous concocter vos instants soins, découvertes ou sportifs », ce qui révèle encore la proximité voire l'identité des services proposés sur les sites et des classes visés par ces marques.
La mention « Cité thermale, Cité nature, Cité loisirs » figurant parfois sur les sites litigieux sous La Roche Posay n'est pas de nature à créer une impression d'ensemble distincte de celle créée par la marque 706, dans la mesure où tous les autres éléments de la marque y figurent, et que cette mention est la reprise de celle figurant sur le site de la ville de La Roche-Posay -titulaire des marques- et sur la brochure de son office de tourisme. La mention « Cité thermale » figurant aussi parfois sur les sites sous le signe La Roche Posay reprenant les autres éléments de la marque 706 n'apparaît pas non plus apte à distinguer ce signe, s'agissant d'un élément descriptif d'une caractéristique importante de la ville.
Au vu de ce qui précède, la présentation des services précités sur les sites avec les signes en cause incite le consommateur à croire en l'existence d'un lien entre ces sites et la ville de La Roche-Posay, et à créer ainsi un risque de confusion.
L'utilisation par les sites des signes correspondant aux marques 706 et 708, sans autorisation de leur titulaire, ne s'imposait pas comme une référence nécessaire au sens de l'article L. 713-6, la seule utilisation du signe correspondant aux marques verbales 'La Roche Posay' suffisant à informer les clients susceptibles d'être intéressés par les prestations présentées par l'hostellerie du Val de Creuse.
Ces sites font usage de ces signes dans la vie des affaires, et cet usage porte atteinte aux fonctions de la marque, notamment celle de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en créant l'impression d'un partenariat avec la commune du fait de la reprise de ses marques figuratives.
Aussi, l'utilisation des marques 706 et 708 correspondant aux logos de la ville de La Roche-Posay, constitue bien un acte de contrefaçon par imitation de ces marques.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur le parasitisme
La ville de La Roche-Posay fait valoir que l'usage litigieux des marques par Monsieur Patrick A. et Madame Isabelle B. constitue un acte de parasitisme lui causant un préjudice certain. Elle indique que si les actions en concurrence déloyale et parasitisme, lorsqu'elles sont formulées sous forme de demande additionnelle, supposent la démonstration d'actes distincts de ceux de l'action en contrefaçon, peuvent aussi être invoquées à titre subsidiaire comme actions de repli. Elle soutient qu'en matière de parasitisme, la démonstration d'un risque de confusion est inopérante, et fait état de ses investissements afin de conserver la distinction de 'station classée de tourisme' qui lui est accordée et qui lui vaut cette image de prestige.
Elle dénonce la reprise de ses éléments identitaires qui donne l'apparence de caution officielle, comme les emprunts de sa communication officielle, qui démontrent de la volonté des intimés de se placer dans son sillage.
Sur ce
Il revient à l'appelante de démontrer la réalisation d'investissements pour la conception et la promotion des éléments repris.
Cependant, la ville de La Roche-Posay produit pour justifier des dépenses engagées au titre de la protection et de la défense de ses droits de propriété intellectuelle une attestation d'un avocat appartenant à la même SELARL que le conseil de l'appelante.
Cette seule pièce, corroborée par aucun élément comptable, ne saurait suffire à établir la réalité des investissements engagés par la commune pour la protection de ses marques.
Il sera en outre relevé que la ville de La Roche-Posay ne peut tirer argument à son profit de la reprise par les sites en cause de l'argumentaire développé par la société thermale de la Roche-Posay et la société La Roche Posay Soins qui sont des tiers.
Aussi, faute pour la ville de La Roche-Posay de justifier de ses investissements, elle sera déboutée de sa demande présentée au titre du parasitisme.
Sur les autres demandes
Il sera fait droit aux mesures d'interdiction et de destruction, dans les conditions fixées au dispositif.
Le préjudice subi par la ville de La Roche-Posay du fait de l'atteinte à ses marques sera réparé par la condamnation des intimés au paiement de la somme de 5000 euros.
Le préjudice étant suffisamment réparé par cette condamnation, il n'apparaît pas justifié de faire droit à une mesure de publication, ni à la demande de la ville de La Roche-Posay tendant à être autorisée à procéder à la publication de tout ou partie de la décision sur ses propres supports.
Succombant au principal, les intimés seront condamnés au paiement à la ville de La Roche-Posay de la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel et de 1ère instance, le jugement étant réformé en ce qu'il a condamné la ville de La Roche-Posay de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement du 26 janvier 2017 en ce qu'il a débouté la ville de La Roche-Posay de son action en contrefaçon au titre des marques verbales 172 et 443, et rejeté les demandes au titre du parasitisme, sauf à préciser que l'absence de justification d'investissements est une cause de débouté et non d'irrecevabilité,
L'infirme pour le surplus,
Dit que l'usage par monsieur Patrick A. et madame Isabelle B., sur les sites hostellerievaldecreuse.com, hostellerievaldecreuse.fr et lacreuseaufildeleau.com, de visuels reprenant les marques n° 11.3.805.706 et n°11.3.805.708 est constitutive de contrefaçon,
Interdit à monsieur A. et madame B. toute reproduction ou imitation de ces marques, sous quelque forme que ce soit sous astreinte de 100 euros par infraction constatée et de 50 euros par jour de retard, passé un délai de 100 jours après la signification de l'arrêt,
Ordonne la destruction de tout produit et/ou de toute documentation faisant apparaître les marques incriminées, et de tout document ou objet ayant servi à leur réalisation ou fabrication devant huissier, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 100 jours après la signification de l'arrêt,
Condamne in solidum monsieur A. et madame B. à payer à la Ville de La Roche-Posay la somme de 5 000 € en réparation du préjudice subi par la Ville de La Roche-Posay au titre de la contrefaçon de ses marques,
Condamne in solidum monsieur A. et madame B. à payer à la Ville de La Roche-Posay une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum monsieur A. et madame B. aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par maître J. de la SELARL @MARK, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.